LEIPZIG ET HANAU. -
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Le
1
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les rapports des 1ieutenants annonce–
rent les résultats qui suivent. Le général Ber–
trand avec le
4c
corps s'était porté sur Warten–
bourg, ou
il
avait trouvé la grande tete de pont
commencée par Blucher, et avai t entrepris de la
détruire, car
il
était convenu qu'on ne sou:ITri–
rait aucun moyen de passage hors des places de
Wittenberg ou de Torgau qui nous apparte–
naient. Les généraux Dombrowski et Reynier
avaient ehassé des environs de Wiltenberg les
troupes qui bloquaient cette place, s'y étaicnt
introduits, et, débouchant sur la rive droite de
l'Elbe, avaient couru sur les dé tachements prus–
siens. Le maréchal Macdonald était venu se
placer
a
Kemberg, derriere Wittenberg pour
appuyer Dombrowski et Reynier. Enfin
a
gau–
che Ney s'était approché de Dessau , et avait
refoulé tous les détachements ennemis sur la
droite de
la
Mulde. Les prisonniers fails, les
mouvements aper<;Lts, étaient de nature
a
jeter
Napoléon dans la plus grande incertitude. En
e:ffet,
a
Wartenbourg sur notre droite,
a
'Vit–
tenberg sur notre front,
a
Dessau sur notre
gauche, on avait vu non-seulement des détache–
ments, mais des corps entiers et d'immenses
convois, de maniere qu'il était impossible de dire
si l'ennemi_ repassait sur la rive droite de l'Elbe
a
notre approche, ou s'il s'arretait derriere la
Mulde, attendant pour livrer bataille que nous
osassions franchir cette riviere devant lui.
Il
se
pouvait aussi que les deux armées du Nord et de
Silésie, réunies derriere la Mulde, remonlassent
cette riviere pour opérer Jeur jonction avec
l'armée de Boheme aux environs de Leipzig. Ce
dernier mouvement de leur part nous exposait
au péril tres-grave d'avoir toute la coalition
a
la
fois sur les bras.
JI
fallait done en tachant d'ac–
cabler Bernadotte et Blucber d'abord , manreu–
vrer de fa<;on
a
demeurer toujours ínterposés
entre eux et le prince de Schwar zenberg, c'est–
a-dire entre la masse qui remontait du has Elbe
et celle qui deseendait de Boheme. Dans cette vue
Napoléon fil passer Je pont de Dübcn au maré–
ehal l\farmont, et Jui donnant une forte division
de cavalerie, le porta sur la gauche de la Mulde
vers Dolitzsch. i\farmont allait etre derriere un
bras détaché de la Mulde qui coule de Leipzig
a
Jesnitz, tantót formant des flaques d'eau, tantót
s'échappant en un maigre filet pour rejoindre le
bras principal
a
Bitterfeld. Dans cette position
Marmont était suffisamment couvert; il pouvait,
par sa cavalerie Iégere lancée au loin, éclairer
les mouvements de l'ennemi, et s'il apprenait que
l'armée de Silésie ou celle du Nord, remontant
derriere Ja l\folde, se dírigeassent sur Leipzig,
il lui était facile d'y marcher en quelques heures,
et d'y elre avant elles. Joignant Mural avec
2!> milie hommes, il le portait
a
pres de 90 mille,
et c'était assez pour ménager
a
Napoléon le
temps de revenir, et de se tenir toujours entre
les deux masses qui voulaient se réunir pour
l'accablcr. Cette sage et utile précaution prise,
Napoléon
fit
ce qui était nécessaire pour que son
grand dessein n'en sou.ffrit pas, si, commc
il
l'es–
pérait, la crainte d'un mouvement de Blucher
et de Bernadotte sur Leipzig n'était qu'une chi–
mere. II prescrivit
a
Dombrcwski et
a
Reynier
de déboucher de \Vittenberg pour eourir sur
tous les corps ennemis qu'ils rencontreraient au
dela de l'Elbe, de descendre meme le long de
la
rivc droite pour y détruire les ponts de Berna–
dotte de Roslau
a
Barby, ce qui dans tous les cas
était pour
les
coalisés un grave dommage, car
s'ils avaicnt repassé sur la ríve droite de l'Elbc
pour se réfugier vers Berlín, on leur ótait tout
moyen de revenir au secours de l'armée de
Boheme, et s'ils étaient restés sur la rive gauche,
on les cnfermait dans un cul-de-sac ou Napoléon
allait les prendre et les écraser.
JI
enjoignit
a
Ney de se jeter sur les ponts de la Mu lde
11-
Dessau et de les enlever . Il laissa l\Iacdonald
a
Kcmberg pour soutenir Reynier et Dombrowski
au besoin, Bertrand
a
Wartenhourg pour y ache–
vcr Ja destruction de Ja tete de pont de Blucher ;
enfin il concentra Latour-Maubourg et la garde
autour de Düben, pret
a
suivre Ney
a
Dessau
pour fondre au dela de la lUulde sur les armées
du Nord et de Silésie, ou
a
remonter en arriere
vers l\Iarmont, s'il fallait rebrousser chemin du
coté de Leipzig. Voila dans quelles perplexités,
dans queJs calculs profonds et continuels
il
passa
Ja journée du 11, que heaucoup de critiques,
ignorant le secret de ses pensées, lui ont repro–
chée comme une journée perdue.
J_.c
12,
levé selon sa coutume entre minuit et
une heure du matin, il se pressa de recueillir ce
qui lui arrivait de toutes les directions. Dcux in–
dications, déja tres-prononcées la veille, parais–
saient se prononcer davantage. 11 semhlait que
!'une des deux armées du has Elbe, celle de Ber–
nadotte, avait repassé sur Ja rive droite de l'Elbe,
et que l'autre au contraire, celle de Blucher, était
restéc sur la rive gauche, avec tendance
a
re–
monter vers Leipzig par derrierc Ja Mulde. Les
mouvements ordonnés la veille, particulierement
cclui de lWarmont, répondaient parfaiternent
a
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