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21.4

LIVRE CINQUANTIEME.

des soldats et les récriminations des chefs qu'il

lui fallait subir, outre la cohue des fuyards qu'il

lni fallait faire rentrer dans l'ordre, outre la

difficulté de pourvoir

a

tout ce qui manquait,

sm·tout

a

l'approche de l'ennemi déja presque

aux portes de Torgau, Ney avait encore la crainte

de voir les Saxons s'insurger. Peu contenus par

Reynier, qui dans sa mauvaisc humeur se faisait

trop lcur avocat, ils

mena~aient

tout haut de

défection. On avait ordonné de ramener du

bétail sur

l~

rive droite de l'Elbe pour former

les approvisionnements de la place de Torgau,

et ceux de l'armée elle-meme. Les Saxons non–

seulement s'y étaient refusés , mais s'étaient

emparés d'un pare qu'on venait de réunir, et

avaient distribué les tetes de bétail aux paysans

saxons du voisinage. D'une pareille désobéis–

sance

a

une révolte ouverte

i1

n'y avait pas loin.

Du reste

il

n'était pas surprenant que daos une

armée composéc d'éléments si divers, deux ;J:>a–

tailles perdues en douze jours eussent produit

cet ébranlement moral : il aurai t fallu s'étonner

au contraire s'il en eút été autrement. Ney,

comme Macdonald, comme Oudinot, écrivit

a

l'Empereur pour lui demander d'etrc exonéré

du commandement. - J'aime mieux, disait-il

noblement, etre grenadier que général dans de

tellcs conditions : je suis pret

a

verser tout mon

sang, mais je désire que ce soit utilement

1. -

Appuyé sur Torgau et sur l'Elbe, Ney pouvait

bien empechcr le passage du íleuve quelques

jours,

il

ne pouvai t pas le disputer longtemps,

du moins sans de nouvcaux secours, surtout

contre la réunion de forces qu'il était facile de

. prévoir vers cette partie de notre ligne de

défense.

Pendant que ces événements avaient lieu,

Napoléon rentré a Dresde le 7 au soir, avait été

r appelé des le 8 au matin

a

Pirna, aupr es du

maréchal Saint-Cyr, pour y tenir tete aux Russes

et aux Prussiens qui paraissaient insister daos

1

Voici celle lettl'e curicuse, qui peint la sitnalion mieux que

tout ce qu'on pourrait dire :

Le¡iri11c11 de la 11/oskowa au mafor gé'lléral.

vVurtzen,

iO

seplembre

rn13.

«

C'est

1111

dcvoir poul' moi de décla1·er

u

V. A. S. qu'il est

impossible de tirer un bon partí des 4c, 7e et ·12c corps d'arméc

dans l'état acluel tic leur orgaDisation. Ces corps soul réunis

pa1· le droit, mais ils ne le sont pas par le foit : chacun des

généra11x en chef fait

a

peu pres ce qu'il juge convenable pour

sa prop1·c surelé; les choses en sont au point qu'il m'cst tres–

difficile d'obtenir

u.ne

siluation. Le moral des génrlraux et en

général des officiers es t singulierement ébranlé : commander

leur attaque, au point de rendre vraisemblable

une entrepris·e sérieusc. Napoléorr aurait bien

voulu qu'il en fUt ainsi, mais, hélas

!

il

ne l'es–

pérait guere. Son grand tact militaire ne luí

permettait pas de croire que lorsqu'il y aurait

une opération sérieuse, elle put etre tentée sur

Dresde, apres ce qui s'é tait passé les 26 et

27 aoUt. Il ne eroyait done qu'a une simple

démonstration; toutcfois

il

était parti pour

Pirna avee sa gardc et une portion de

la

cava–

lerie de réserve revenues de Bautzen le matin

meme, et s'était encore transporté aupres du

maréchal Saint-Cyr, pour combiner avec luí ce

qu'il y aurait

a

faire en cette nouvelle· occur–

rence.

Les Russes et les Prussiens n'ayant pas aper«;u

la garde et la réserve de cavalerie qui signalaient

toujours la pr.ésence de l'Empereur, avaient pcr–

sisté dans leur mouvemcnt offensif, et Saint-Cyr,

qui en rétrogradant était arrivé jusqu'au bord

de la peti te riviere de la Müglitz pres de l\:lugeln,

ne voulait pas la repasser. Cettc riviere, coulant

des montagnes de Boheme, vient se perdre pres

de

~Iugeln

daos l'Elbe. En la repassant on aban–

donnait définitivement les hauteurs, et on était

tout a fait rejeté dans la plaine. Le maréchal

Saint-Cyr, dans la vue d'un prochain retour

offensif, avait voulu se maintenir au dela de Ja

i\füglitz et en avait défendu le bord en restant

a

Dolma. Napoléon s'étant rendu sur les lieux

le 8 au matin , bien avant les renforts qui le

suivaient, avait pensé comme le maréchal Saint–

Cyr, qu'avec la certitude d'etre prochainement

appuyé, le

14°

co1,ps pouvait, sans laisser de

réserve, marcher tout entier contre l'ennemi.

Sur-le-champ en effet trois des divisions du

14e

corps s'étaient formées en colonnes d'at–

taque et avaient vigoureusement poussé de has

en haut les troupes de Wittgenstein et de Kleist.

On avait d'un cóté sur la route de Péterswalde

recouvré le plateau de Gieshübel, et de l'autre,

ainsi u'est commant.ler qu'a demi, et j'aime1·ais mieux·etre

grcnadicr . Je vous p1·ie, monseiguem:, d'ohtenir de l'Empe-

1·eur ou que je sois seul géncírnl en chef, ayant seulement sous

mes ordres des généraux de division d'aile, ou que Sa i\Jajesté

vcaille bien me 1·etil'er de cet enfer. Je n'ai pas besoin,-jc

pensc, de 1mrler de mon dévouement,je suis pret

a

verser

tout mon sang, mais je désire que ce soit ulilement. - Dnns

l'état

~tu

el, la présence de l'Empereur ponrrai t seule rétablil'

!'ensemble, parce que toutes les volontés ccdent :\ son géuie,

et que les peLites vanités disparaissent devant Ja majesté du

tróne.

" V. A. S. doit elre aussi instl'Uite que les troupes étran–

gcres de toutes nations manifestent Je plus mauvais esprit, et

qu'il est dauleux si la cavalel'ie que j'ai avec moi n'est pas plus

nuisible qu'utilc. ,,