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LIVUE CINQUANTIEME.
a
ses instruments et tout pressé de les employer,
passa ses corps en revue le 4 , et leur
annon~a
qu'on partirait le lendemain
!>.
Ayant rendez–
vous
a
Baruth,
il
devait se porter de Wittenberg
a
J uterbock, et pour cela se glisser en quelque
sorte de gauche
it
droite, afin de se dérober
a
l'armée ennemie qui était tout entiere devant
Wittenberg, pourvue d'une immense cavalerie
et ay:mt
ai~si
des yeux partout.
L'armée fran((aise était r::ingée en demi-cercle
devant \Vlttenberg, le
7e
corps (celui du géoéral
Rrynier)
a
gaucbe, le
12e
(celui du maréchal
Oudinot) au centre, le 4c (celui du général Bcr–
trand)
a
droite. On était tellement serré par
l'armée du Nord que les avaot-postes étaient
sans cesse aux prises. Le maréchal Ney, agissant
ici avec beaucoup d'adressc, laissa sa droite for–
mée par le
4e
corps, en présence de l'eonemi
toute la matinée du
!>,
et
commen~a
le mouve–
ment projeté par son centre composé du
12e
<j6rps.
11 le porta daos la direction de Zahne en passant
derriere sa droitc, et vint enlever Zahne au
corps prussien de Tauenzien. Il y avait une petite
riviere
a
franchir au bourg meme de Zahne; on
la
for~a
malgré quelque résistance, et on débou–
cha au dela. Le
7e
qui formait la gauche suivit
le
12·,
dont
il
appuya les efforts sur Zahne, et
quand ils eurent défilé tous deux, le
4e,
ayant
suffisamment occupé l'ennemi, leva son camp
a
son tour, et se réunit au reste de l'armée, qui
en un jour se trouva ainsi rendue
a
Seyda,
a
cinq licues sur la droite de Wittenberg. Ce mou–
vement, lestemcnt et bravement exécuté, nous
avait couté un millier d'hommes, mais en avait
coUté le double aux Prussiens. Toutefois
il
s'agis–
sait de savoir si, précédés, cótoyés, suivis par
une innombrable cavalerie, observés daos tous
nos mouvements, il nous serait possible de con–
tinuer cette marche de flanc sans etre assaillis
par l'ennemi' et frappés dans le flanc meme que
nous lui présentions inévitablcment.
Si Napoléon avait formé des généraux en chef
au lieu de former d'admirables Iieutenants, seule
espece d'éleves qui pussent sortir de son école
puisqu'il ne leur permettait jamais d'étre au tre
chose,
iI
n'aurait pas été exposé
a
voir ses ordres
interprétés comme ils le furent en cette occasion.
Bien qu'il eut prescrit au maréchal Ney de se
porter
a
Baruth, ce qui impliquait absolument
la nécessité d'un mouvement de flanc en pré–
sencc de l'ennemi, le maréchal, moius soumis,
eut plutót différé l'exécution de ces ordres que
de s'exposer aux chances d'une bataille générale,
livrée daos une position fausse et eontre des
forces infiniment supérieures. l'\fais le maréchal
Ney, habitué
a
ne pas meme examiner la valeur
des ordres de Napoléon, ne songeant qu'a s'y
conformer ponctuellement et habilement, rendu
plus confiant encore par son heureuse opération
du
!>,
continua son mouvement de gauche
a
droite sans aucune hésitation.
Le 6
il
fallait percer sur Juterbock, apres
quoi on n'avait plus qu'une marche
a
exécuter
pour etre
a
Baruth. Le maréchal Ney décida que
le général Bcrtrand, qui continuait
a
former
avec le 4e corps la droite de l'armée, et qui avait
été le moins engagé la vcille, partirait ie pre–
mier vers huit heures du matin pour se diriger
sur Juterbock, que le général Reynier suivrait
avec le 7•, le maréchal Oüdinot avec le
12e.
L'ennemi étant si averti et si rapproché,
il
eut
été
a
propos de marcher en masse, parfaitement
scrrés les uns aux autres, surtout en opérant un
mou\'ement de flanc et de jour avec cinquante
mille hommes contre quatre-vingt mille. Mais
les trois corps étaient a une distance de deux
heures les uns des autres, et par surcroit de mal–
heur, ils cheminaient daos une plaine sahlon–
neuse, et par un vent qui soulevait des nuages
d'une poussiere épaisse, tout
a
fait impénétrable
a
la vue.
De huit beurcs
a
midi, on
s'avan~a
toujours
harcelés cu flanc par une nombreusc cavalerie,
que la nótre avait la plus grande peine
a
conte–
nir. Que Bernadotte füt instruit de notre projet,
qu'il se fút ébranlé en masse pour nous barrer le
chemin de Juterbock, il n'était pas possible d'cn
douter d'apres la direction qu'il avait prise et
d'apres le nombre de ses cavaliers. Mais si on
parvenait au défilé de Dennewitz qu'il fallait
absolument franchir a.vant que l'ennemi y ftit en
masse, on pouvait tres-bien forcer le passage et
arriver les premiers
a
Juterbock. Alors toute
l'armée fran9aise était hors de péril, et le prince
de Suede était réduit
a
la suivre en queue sans
espérance de l'atteindre.
Vers midi on fut tout
a
coup
ass~illi
par Ja
mitraille, partie du mi1ie.;_ d'un nuage de pous–
siere. On était, sans le savoir, en présence du
corps de Tauenzien, que la veille on avait poussé
devant soi, qu'on avait devant soi encore, et on
tou chait au défilé de Dennewitz, seul obstacle un
peu difficile
a
surmonter dans le parcours de cette
vaste plaine. Voici en quoi ce défilé consistait.
Transyersalement devant nous coulait un
ruisseau peu profond , mais tres-marécageux,