LEIPZIG ET HANAU. -
SEPTEUBRE
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menta découvert, et se jeterent confusément sur
Oudinot a travers les rangs duquel ils passerent.
Par malheur tous les pares et bagages s'étaient
accumulés dans l'intérieur de l'angle formé par
notre ligne de bataille. Une affreuse confusion se
produisit alors, et une véritablc déroute com–
mern;a de toutes parts. Néanmoins la division
Durutte, contrainte de quitter Dennewitz, se
retira avec ordre : Oudinot, sur lcquel la gauche
s'était repliée confusér:µent, ne s'ébranla point, et
Bertrand put repasser saín et sauf au village de
Rohrbeck le ruisseau tant disputé. Pourtant la
bataille était perdue, car on avait cédé le terrain
du combat, la route de
J
uterbock était fermée, et
des lors le but était manqué. Six
a
sept mille des
notres jonchaient la plaine, et huit ou neuf du
coté de l'ennemi la couvraient également. Mais
dix a douze mille de nos soldats , surtout les Saxons
et les Bavarois, s'enfuyant a toutes jambes, s'en
allaient dire sur l'Elbe que l'armée franc;aise était
en déroute, et meme détruite. Le désordre, fort
accru par la facheuse circonstance d'une poussiere
épaisse, était tel, que plusieurs bataillons saxons
entendant galoper autour d'eux >et croyant que
c'était la cavalerie franc;aise, ne se mirent pas en
défense, et ne s'aperc;urent de leur méprise que
lorsqu'il n'était plus temps de seformer on carrés.
Quelques-uns furent sabrés, le plus grand nom–
bre pris. Pour ceux-ci c'était la délivrance plutot
que la captivité, et
il
fautse plaindre de leur :fidé–
Jité plus que deleurcourage, car ilsse battirentbicn
jusqu'au moment ou ils purent nous quittcr pour
aller dans les rangs ou les attiraient leurs affec–
tions. Dans la soirée et le lendcmain , il partit la
moitié du corps saxoo, et au moins une portion
égale de la division bavaroise. Les Saxons se
cachant dans les villages n'eurent pas de peine
a
regagner leur pays, qui était pres de la. Les
Bavarois coururent vers l'Elbe pour retourner
dans leur patrie en maraudeurs. U n'y avait plus
moyen de se replier sur Wittenberg qu'on avait
laissé a sept ou huit licues sur
la
gauche dans Ja
marche de l'armée vers Juterbock, et
il
n'y avait
de retraite possible que sur Torgau, qu'on devait
rencontrer derriere soi en revenant sur l'Elbe.
Le maréchal Ney s'y retira done en assez bon
ordre, mais apres avoir perdu une vingtaine de
houchcs a feu dont
les
chevaux avaient été tués,
et plus de quiaze mille hommes, dont la moitié
au rnoins se composait de déserteurs. Il était
réduit
a
52 mille combattants environ. Les Ita–
liens nous étaient restés fideles suivant leur cou–
tume, et s'étaient bien battus. Les Wurtember-
geois avaient conservé leur excellente tenue
militaire. Parmi les débandés on comptait bien
quelques jeunes sol!lats frarn;a is , rnais en petit
nombre, et ne s'éloignant guere de l'armée qui
dans ces pays lointains était pour eux une véri–
table patrie.
Le 8 septembre, le maréchal Ney se trouva
réuni avec toutes ses troupes sous le canon de
Torgau. Comme
il
fallait s'y attcndre, une
aigreur extreme régnait entre les divers états–
majors. Ney se plaignait de la lenteur de
Reynier et d'Oudinot, mais surtout du faible
concours de Reynier, dont les divisions saxon–
nes avaient Iaché pied. Re:ynier, défendant les
Saxons, accusait au contraire
Je
maréchal Ney
d'avoir lui-meme tout compromis par une fausse
manoouv.re, celle qui avait porté les divisions
d'Oudinot de gauche a droite. Oudinot, le moins
aigre des trois, disait qu'il avait marché aussi
vite qu'on le lui avait prescrit, et rejetait la
faute de sa lenteur snr le général en chef qui ,
n'ayant pas su prévoil' la bataille, n'avait pas
dans cette journée tenu ses corps assez rappro–
ehés.
Ce qu'il y avait de vrai dans ces tristes r écri–
minations, tout le monde peut l'apercevoir par
le seul récit des faits qui précedent. Le rendez–
vous de Baruth assigné par Napoléon d'une ma–
niere générale, pris trop
a
la lettre par le maréchal
Ney qui s'était haté d'exécuter un mouvement de
flanc hasardeux et infiniment prolongé; ce mou–
vement bien exécuté le premier jour , moins
bien Je second, et saos les précautions suffisan–
tes ; Ja lente arrivée des corps , imputable au
général en chef, mais
1111
peu aussi aux lieute–
nants qui auraient
du
de leur coté prévoir une
bataille, et y croire en entendant la canonnade ;
la eirconstance fücheuse du vent et de la pous–
siere qui plac;ait entre tous les corps un nuage
impénétrable a Ja vue; l'ardeur de Ney au feu,
qui l'avait porté
a
s'absorber dans le commande–
men t cl'un seul corps au lieu de s'occuper de
!'ensemble; l'ordre regrettable donné
a
Oudinot
de quitter Ja gauche pour Ja droite , et enfin le
penchant des alliés
a
la déhandade, telles avaient
été les causes de la perte de cette bataille, causes
dont quelques-unes étaient sans doute acciden–
telles, mais dont la plupart se rattachaient aux
causes générales que nous avons signalées tant
de fois, et qui menac;aient nos affaires d'une
ruine prochaine.
Arrivé
a
Torgau, Ney y trouva ce qu'il appe–
lait une
sorte d'enfer.
Outre le mécontentement