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LIVRE CINQUANTIEME.
précises. Voici
a
quel plan général correspon–
daient ces instructions.
Napoléon lui prescrivit, apres avoir réuni et
ranimé les 7
6 ,
4e
et
12e
corps (Je maréchal Ou–
dinot devait garder le commandement direct de
ce dernier), de se rendre
a
Baruth, a deux jour–
nées de Berlín, et d'y attcndre les ordres du
quartier général. Quant a Jui personnellement,
i1
résolut de se rendrc a Hoyerswerda? distant
de trois journées de ' Baruth, et de dcux jour–
nées de Dresde, avcc la garde, la plus grande
partie de la réserve de cavalerie, et Je corps de
1\farmont. Posté la en Lusace, entre Berlín et
Gorlitz, il pouvait a volonté, ou se porter a
gauche sur Berlín , et aider Ney
a
pénétrer dans
cette ville, ce qui revenait a son vaste plan du
50 au matin , ou se jeter
a
droi te dans le flan e de
Blucher et l'accabler , si ce dernier, continuant
a
presser Macdonald, devenait inquiétant pour
Dresde. 11 était impossible assurément
d'i~agi
ner une combinaison plus savante et plus appro–
priée aux circonsta·nces , car Napoléon était
certain en joignant l'un de ses deux lieutenants,
cclui qui ·faisait face a Bcrnadotte, ou celui qui
faisait facc a Blucher, de rendre l'un ou l'autre
victorieux. Seulement
il
ne se pla<¡ait celte fois
qu'a deux petites journécs de Dresde, dans le
doute ou il était sur les dispositions de l'armée
de Boheme. Si elle avan<;:ait de nouveau, remise
de la défaite de Dresde par le succes de Kulm,
il
revenait tout de suite lui porter un second
coup comme celui du 27 aout. Si c'était Blucher
qui se montrait audacieux, il tombait d'Hoyers–
werda dans son flanc, et le renvoyait pour long–
temps sur l'Oder. Et en.fin si aucune des armées
de Silésie et de Boheme ne se montrait entre–
prenante,
il
pouvait d'Hoyerswerda pousser Ney
sur Berlín, sans meme l'y suivre. II suffisait en
effet qu'il l'appuyat j usqu'a Baruth, car l'impé–
tueux Ney, se sentant une pareille arriere–
garde, était bien capablc de se ruer sur Bcrna–
dotte, de lui passer sur le corps, et d'entrer
a
.Berlín. Une fois ce grand acle accompli, Napo–
léon était libre de retourner a Hoyerswerda, d'ou
il menaccrait .Blucher ou Schwarzcnberg, celui
des deux en un mot qui essayerait quelquc
chose. Tout était non-seulement profond, mais
vrai, juste dans ces combinaisons, et il n'y en
avait pas une qui dix ans auparavant n'cut réussi
d'une maniere éclatante, quand nos soldats
1
On apreté sur celle époque
a
Napoléon, fauLe -de connait1·c
sa co1·respondance et celle ele ses Jieutenants, les ¡wojels les
plus chiméi'iqucs el les moins raisonnables. Mais gráce
,11
la
étaient
a
l'épreuve des dures alternatives de la
guerre, quand nos généraux étaient pleins de
confiance, quand Napoléon
ne
doutait pas plus
des autres que de lui, quand ses enncmis, moins
résolus a vaincre ou a mourir, n'étaient pas dé-:
cidés a persévérer meme au milieu des plus
grandes défaites
!
Mais aujourd'hui, dans l'état
moral de nos ennemis et de nous-memes, tout
était incertain, meme avec des soldats et des gé·
néraux restés héro'iques
1
•
Apres avoir donné les ordres convenables,
Napoléon
fit
les plus habiles dispositions pour
qu'en son absence Dresde ne demeurat pas dé–
couvert. D'abord
il
réorganisa le corps d·e Van–
damme, dont
iI
était déja rentré de nombreux
débris. Outre la 42° division, restituée au maré–
chal Saint-Cyr, laquelle avait assez peu souffert,
quinze mille hommes environ de toutes armes,
et appartenant au
f er
corps, étaient revenus, ou
isolément ou en troupe. Tout ce qui était Fran–
<¡ais avait
r~joint
le drapeau , sauf les hommes
hors de combat ou pris par l'ennemi. On avait
perdu le matériel d'artillerie et malheureuse–
ment quelques-u ns des officiers les plus distin–
gués. On ne savait pas ce qu'étaient devenus
Haxo et Vandamme : on allait jusqu'a les croire
morls l'un et l'autre. Le secrétaire du général
Vandamme ayant reparu, Napoléon
fit
saisir les
papiers du général pour en extraire sa corres–
pondance militaire, et enlever la preuve des
ordres envoyés a cet infortuné. Napoléon eut
meme la faiblesse de nier l'ordre donné de
s'avancer sur Treplitz, et sans toutefois accabler
Vandamme, en le plaignant au contraire, il écri,
vit
a
tous les chefs de corps que ce général avait
rc<¡u pour instruction de·s'arreter sur les hau–
teurs de Kulm, mais qu'entrainé par trop dºar–
deur, il s'était
engag~
en plaine, et s'était perdu
par exces de zele. Le récit authentique que nous
a·vons préscnté prouve
ln
fausseté de ces asser–
tions, imaginées pour conserver
a
Napoléon une
autorité sur les esprits, dont
il
avait en ce mo–
ment besoin plus que jamais.
Son prcmier soin fut de chercher pour ce
corps si maltrai t.é un chef aussi brave que Van–
damme, mais plus circonspect. Il choisit l'illus–
ti•e comte de Lobau, qui, a une rare énergie,
joignait un remarquablc discernement militaire
et un grand savoir-faire, cachés sous des formes
rudes et martiales. Le comte de Lobau possé-
possessiou et
il
l't!lu1le approfonclie de ectte correspondance,
nous uc lui attribuons aucun projet, aucun calcul, qui ne soieut
ce1·taias et coustates pa1· preuves authentiques.