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LIVRE
CINQUANTIE!\'JE.
a
force d'etre répétée, mais que nous répétons
malgré nous, parce que ce triste sujet
la
fait
naitre saos cesse, et que seule d'ailleurs elle ex-–
plique les erreurs d'un aussi grand capitaine.
C'étaient ces graves mécomptes, et non point
une maladie inventée par des flatteurs, qui
avaien t surpris Napoléon au lcndemain de ses
victoires du
2G
et du
27
aout, et qui, arrivant
coup sur coup
a
sa connaissance, l'avaient ra–
mcn é de Pirna a Dresde , et l'y avaient retenu
les
29
et 5_0 aout, tandis que Vandamne restait
saos appui
i1
Kuhn. Ces mécomples éta icnt d'une
haute importa ncc, car au lieu de 1\Iacdo nald
Jaissé victorieu x en Silésie et poursuivant Blu–
cher, avoir sur les bras Blu c11er victoricux et
1\Jacdonald en déroute; au lieu de cent mille
hommes entrés daos Berlin , avoir Oudinot re–
plié sur Wittenberg et privé de plus de dix mille
hommcs , Girard reQ_9ussé daos Magdebourg avec
perle d'un millier de soldats, Davoust enfin on–
damoé
a
latonncr avcc lrent.e miJlc au milicu
des marécages du l\lccklembourg, élai t une si –
tuar ion bien difi'érenlc de celle que Napoléon
avai.t cspérée, en voulant de l'Elbe étendre son
bras jusqu'a
la
Vislule. Le 50, ignorant cncore
]e désastre de Vn n damme, qu'il ne sut que Je
lendemain mntin,
iI
avait conttu aprcs de pro–
fondcs méditations un plan nouveau des plus
vaslcs, des plus fortement combinés, car les re–
vers de ses Jieutenanls étaient bien loin jusqu'ici
d'avoir déconcerté son sénie et ébrnnlé sa con–
fiance daos la fo rtune.
Plus
d'une fois
il
'avait
SOl'lgé a courir sur P rngue,
a
frapper l'Autrichc
dans une de ses capitales, et
it
briser en quelque
sorte
Ja
coalition sur la tele de l'armée principale
oti résidaicnt les trois souvcrains alliés. Si eo
cífct aprcs la bataille de Drcsde il cut suivi
a
oulrance l'armée de Buhcme, déja si profondé–
mcnt alleinte, il cst probable qu'il cut dissous la
conlition, et sans les nouvcllcs venucs de Silé ie
et de Bcrlin , il est cerla in qu'il l'd1t fait. Le plus
spiriluel de ses licutcnants, dont il n'aimait pas
J'csprit frondcur, dont il suspcctait qncJcprnfois
Ja justessc de vucs, mais dont il appréciait les
rarcs
tnlcn~s ,
le maréchal Saint-Cyr , l'y conviait
sans relüche. l\lais il y avaitdcsobjections g·ravcs
a
ce plan. D'abord il fallnit passer les
monta~nes
de Bohcme, Jivrer bataille au dela, avec le dan–
gcr auquel vcnait d'échappcr par miracle
Ja
grnnde armée des coalisés, cclui de n'avoir, si on
était bnllu, que d'afücux défilés pour rctraite.
Il
falla it cnsuile allcr prcndre Praguc, dont les
défenses relevécs a la bale pouvaient opposcr
une résistance ímprévue. Enfin,
si
meme oo
triomphait d e cet obstacle, on aurait allongé sa
ligoe, déja trop longue, de toute Ja distance qu'il
y a de Dresde
a
Prague, distance fort aggravée
par les lieux et par les montagncs. Napoléon se
serait trouvé ainsi plus loin de son armée de
Silésie, plus loin de celle du has Elbe, et hors
d'état de les secourir si elles éprouvaient des re–
vers. Ces objections l'avaient toujours fort dé–
tourné du projet de se porter en Bohcme, et il
n'y avait songé qu'un instant, lorsque, étant
a
Zi ttau ,
il
avait espéré tomber
a
l'improviste au
milicu des corps qui allaient former l'armée du
prince de Schwarzenberg. 1\fais l\Iacdonatd étant
vaincu, Oudinot étant ramené de Berlin sur
Wirtenbcrg, s'éloigncr d'eux en ce momentétait
chose inadmissible; aussi Napoléon en apprenant
lcurs revers ne songea-t-il qu'a s'en rapprocher, et
tout
a
coup. avee cette inépuisable fécondité qui
était un des attribuls de son riche génie, il ima–
gi na de faire non plus de Dresde, mais de Ber–
lín , le nouvcau centre de
SGS
opérations.
11 follait battre Blucher, qui n'avait rettu les
22 et 25 aou
t
qu'un premier choc sans .suite;
il
follait battre Bernadotte, qui, loin d'essuyer des
échccs, avait cu des avantages, dont
il
serait aussi
utile que satisfaisant de rabaisser l'orgueil, de
punir la trahison, de détruire la fausse re–
nommée. Cétaient la de graves motifs de tourner
nos coups de ce cóté. En se dirigeant sur Berlin
avcc sa garde, avec une moitié de la réserve de
eavalerie, c'est-a-<lire avec quarante mille
lwmmcs, Napoléon reeueillait en route Oudinot,
accablait Ilernadotte, entrait daos Berlin, y ap-:
pelait la di vision Girard, le corps de Davoust, y
reformai t celte concentration de cent mille
11ommes sur laquelle il avait lant compté, la di–
rigca it sur StetLin, Custrin, ot'r nos garnisons
avaicnt bcsoin d'ctre· ravitaillées, donnait cou–
rage·
a
ccJles de la Vistule, pouvait cnsuite re–
tourncr de sa pcrsonne
a
Luckau, entre Berlín
et Drcsde, prct a lomber daos le flanc de Blu–
cher, si ce dernicr avait osé se porter sur l'Elbe.
Six a scpt mar ches séparaient Napoléon de
Berl in : il fallait done dix·huit ou vingt jours au
plus entre aller et revenir, et il avait fait les
disp ositions suivanles pour couvrir Dresde en
son absence.
JI
voulait
y
laisser Vandamme avec
le
1cr
corps (car le 50 au matin, moment de ces
projcts, Napoléon ignorait le désastre de Kulm),
outre Vandamme,
~aint-Cyr,
Víctor, Marniont
avec une portion de
la
réserve de cavalerie. 11
se proposait de mettre ces forces, constituant