LJVRE
CINQUANTIE!\IE.
il
entrait pour un tiers a.u moins de soldats de
toutcs nations, quelques-uns tres-médiocres, et
la plupal' t tres-mal disposés. La composition sous
le rapport des chefs ne laissait pas moins
a
désirer.
Le maréchal Oudinot, aussi brave , aussi résolu
sur le champ de bataille qu'on pouvait l'ctre,
n'avaitjamais exercé un commandement de cette
importancc, avait
la
noble modestie de se défier
de lui-meme, et osait
a
peine faire sentir son au–
torité
a
ses lieutenants, les généraux Reynier et
Bcrlrand. Le général Reynier, officier savant et
solide, comme nous avons déja eu l'occasion de
le dire ai!leurs, mais malheureux, était plein de
prétcntions, se croyait supérieur
a
la plupart
des maréchaux, se plaignait amerement de n'etre
que lieutenant général , et, comme Vandamme,
était trop impatient peut-etre de gagner une di–
gnité qu'on lui avait tant foit attendre. Le géné–
ral Bertrand , honoré de la faveur de Napoléon
et y lenant, la justifiant par une grande applica–
tion
~.
ses devoirs, par la bravoure la plus sure
de loutes, cc:lie du dévouement, mais plus propre
aux travaux du génie qu'a la direction des trou–
pes, ayant de !'esprit, mais ne l'ayant pas tou–
jours juste, était un subordonné déférent en
apparence, et plus obséquieux que soumis. Le
maréchal Oudinot, fort cmbarrassé d'avoir
a
do–
mincr ces prétentions diverscs, ne l'osait faire
qu'avccdes ménagemenls infinis, peu compatibles
avec la vigueur et la promptitu de du commande–
ment. Placé plus pres des lieux que Napoléon,
rccueillant tous les bruits du pays,
il
ne s'abusait
pas sur la force de l'ennemi et sur la difficulté
du terrain. IL savait que Bernadotte avec une
certaine quantité de
ge.nsde toutes sortes, levés
a
la bale, avait cepcndant un excellent corps
suédois, un corps russe tres-solide, et surtout un
corps prussien, celui du général Bulow, tres–
nombreux, tres-animé, tres-disposé
a
se battre.
Outrc ce corps de Bulow,
il
y avait un second
corps prussicn sous le général Tauenzien, destiné
d'abord au blocus des places, mais duque! on
avait tiré ce qu'il y avait de meilleur pour l'em–
ployer
a
la guerrc offensivc. Ces troupes réunies
composaient un total de 90 millc hommes cnvi–
ron, carnpés en avant de Berlín. Le prince de
Sucde avait détaché sous le général Walmoden
une vingtaine de mille hommes, cornprenant ce
qui méritait le nom de
ramassis,
pour tenir
tete, derriere les nombreux canaux du Mecklem–
bou1·g,
au corps d'armée qui était sorti de Ham–
bourg sous le maréchal Davoust. Le reste des 1
?:.íO
mille hommes commandés par Je prince, de
Sucde avait été consacré au blocus ou au siege
des places de l'Oder et de la Vistule.
Le maréchal Oudinot était. parfaitement in–
formé de cet état de choses, et en était justement
préoccupé. Les lieux ajoutaient a la difficulté de
sa tache. En s'avan<;ant sur Berlin, entre l'Elbe
et
la
Sprée, on devait eheminer entre une dou–
hle ligue d'eaux tour
a
tour stagnantes ou cou–
rantes, lesquelles peuvent se désigner, l'une par
la riviere de
la
Dahne qui se jette dans la Sprée
au-dessus de Berlin, l'autre par la riviere de la
Nuthe qui se jette daos le Havel
a
Potsdam. Au
sein de l'angle formé par cette double Iigne
d'eaux, se trouvait l'armée du Nord, étal:ilie daos
une bonne position, celle de Ruhlsdorf, couverte
par une puissante fartillerie, et gardée au loin
par u ne eavalerie innombrable. On ne pouvait
s'aventurer a travers ce labyrinthe de hois, de
sables, d'étangs, de rivieres, qu'en courant tou–
jours un double danger, eelui d'etre débordé ou
tourné si on marchait sur une seule route, et, si
on voulait en tenir plusieurs, celui d'etre séparé
en deux ou trois corps, que la privation de
communications transversales rendait incapables
de se seeourir l'un l'autre.
Au moment de partir pour cette expédition ,
le maréchal Oudinot se défiant a la fois de l'en–
nemi, des lieux, de ses lieutenants, de lui-meme,
aurait volontiers cédé
a
d'autres le périlleux
honneur qu'on lui avai t destiné. Napoléon lui
avait bien écrit qu'il y aurait daos peu de jours
plus de cent mille Fran<;ais
a
Berlin, car daos
ses calculs, malheureusement faits de Ioin, il
avait compris les 50 millc hommes du maréchal
Davoust, et les 1
O
milie hommes qui devaient
sortir de Magdebourg sous le général Girard.
l\fa is avant que cctte réunion put s'effectuer,
i1
fallait que Ja premie);'e difficulté eut été vaincue,
cclle de percer sur Berlio, et celle-la on devait
la surmonter avec une armée de beaucoup infé–
rieure
a
l'arrnée ennemie, et
a
travers un pays
presque impénétrablc. Le maréchal Oudinot
n'avait done pas pris ces promesses fort au
sérieux, et il se voyait loujours, au milieu d'un
pays des plus difficiles, obligé, avec 64 mille
hommes, de marcher contre Berlín protégé par
90 mille. Le 18 aout il était réuni
a
Baruth,
a
trois joumées de Berlín, avec ses trois corps.
Mais ayant
a
rallier la division de grosse cavale–
ric du général Defrance, qui devait faire partie
de la réscrve du duc de Padoue, et qui venait
rejoindr.e l'armée par Wittenbcrg,
il
opéra un
mouvement transversal de droite
a
gauche, et se