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·194

LIVRE CINQUANTJEJ\1E.

Wutten-Neiss se joint

a

la Katzbach, et ou Blucher

n'osa pas nous poursuivre. .

Cette échauffourée sur un seul p'oint, laquclle

nous avait coúté tout au plus un rnillier d'hom–

mes, suffit pour convertir en une espece de dé–

route générale une opération qui avait réussi sur

le reste de

notr~

ligne. En effet, les généraux

Gérard et Lauriston, atlaquant avec une extreme

énergie les positions que Langeron avait succes–

sivement occupées et abandonnées, étaient déja

parvcnus en vue de Jauer, malgré le mauvais

temps, et allaieut"s'en emparer, lorsqu'ils furent

arretés par la nouvelle de ce qui s'était passé

a

Ieur gauche. Ils furent done sous peine d'im–

prudence contraints de rétrograder, et ils revin–

rent jusqu'a Goldberg ou ils entrerent vers mi–

nuit, dans un

ét.at

fort triste, ayant rencontré en

route les débris des troupes battues sur le pla–

teau de Janowitz ; et ayant eu

a

traverser uq

immense encombrement de voitures embour–

bées, de blessés qu'on emportait avec la plus

grande peine par un temps devenu affreux. Il

fallut bivaquer comme on put , sous une pluie

continuelle, les uns dans Goldberg, les autres en

dehors, la plupart sans vivres, sans abri, en un

mot dans un état misérable.

C'est pour les traverses de ce genre que soilt

bons les vieux soldats. Au fcu , de jeunes soldats

menés par des officiers vigoureux sont plus impé–

tueux sans doute, parce qu'ils connaissent moins

le danger; mais au premier revers ils s'étonnent,

a

la premiere souffrance ils se rebutent , et sur–

tout s'ils sont depuis peu au drapeau, il suffit

d' un échec pour troubler tontes leurs idées , et

conv.ertir leur téméraire bravoure en abatlemeut

profond. Cependant avec des vivres on aurait pu

retenir nos conscrits dans les cadres, et, au retour

du soleil, avec une n'ouvelle impulsion donnée

par des chefs énergiques, on serait parvenu

a

leur

rendre la confiance. Mais il fallut, sans vivres,

sans abri, passer une nuit horrible, avec certi–

tude d'avoir le lendemain sur les bras quatre-vingt

mille hommes, victorieux ou croyant l'etre. Le

lendemain matin, le ciel, qui était encore chargé

d'eau, continua de verser sur nos soldats des tor–

rents de pluie. Heureusement la Katzbach, qu'on

avait repassée la veille, leur servit de protection

contre la poursuite impétueuse de Blucher. Elle

était tellement débordée, qu'a peine

il

put faire

passer sa cavalerie. On réussit done a se retirer

sans avoir l'infanterie des alliés sur les bras; mais

on fut poursuivi par une nuée de cavaliers que

nosfusils n'arretaientguere,

fa

ute de

pouvoi~

faire

feu. Nos jeunes soldats, plus fermes devant I'en–

nemi que devant le mauvais temps, opposerent

avec leurs bafonnettes une barriere de fer auxca–

valiers russeset prussiens' et parvinrent ainsi

a

les

contenir. Obligés néanmoins de s'éloigner

a

la

ha

te,

ils laisserent en arriere une grande partie deleur

artillerie embourbée, et il arriva que beaucoup

d'entre eux, rebutés ou mourants de faim, s'étant

éparpillés dans les villages pourvivre, f'urent pris,

ou initiésde borineheure au dangereux etcorrup–

teur métier de maraudeurs. Le corps du général

Souham, couvertpar la cavaleríe dugénéral Sébas–

tiani / put se reHrer sain et sauf

a

travers la plaine,

et gagner Buntzlau. Les corps des généraux Gé–

rard et Lauriston, plus vivement poursuivis, et

n'ayant pas de

grosse~avalerie

pour se couvrir,

trouverent un abFi dans les bois qui séparent la

Katzbach du Bober, entre Goldberg etLowenberg.

Ils y passerent la nuit un peu mieux abrités,

rnais pas mieux noarris que

la

veille. Ces deux

corps, rendas dans la journée du 28 en face de

Lowenberg, voulurent en vain

y

passer le Roher.

Le pont n'était pas détruit, mais

il

fallait pour

a1·riverjusqu'a ses abords traverser uneihoádation

detrois quartsde lieue d'étendue, et

il

n'y eut d'au–

tre ressource que de redescendre Ja rive droite

du Bober pour le franchiraBuntzlau, eú étaient

déja Souham et Sébastiani. Pour la prerniere fois

depuis trois jours, on trouva des toits et des suh–

sistances, bien disputés du reste, car on était cin·

quante milie au moins accumulés sur un seul point.

Le maréchal l\'laedonald, ferme, sage, expé–

rimenté, loyal, mais presque toujous malheuretlx

depuis la funeste journéee de la Trebbia, n'avait

pas le tort de s'abuser sur sa mauvaise fortune.

Aussi, rentré a Buntzlau, ne regardait-il pas

comme apaisée la cruelle fatalité qui le poursui–

vaít, et

il

tremblait pour la division Puthod, ha–

sardée seule au dela du Bober, j usqu'a la hauteur

de

Hirschber~.

On nepouvait avoir d'inquiélude

pour la division Ledru, Iaqu'elle avait cheminé

par la rive gauche qui nous appartenait, mais si

la division Puthod n'avait pas profité du pont

deHirschberg pourrevcniren

de~a

duBqber, son

sort était évidemment compromis. C'était en effet

cequidevaitarriver. Cette division ayant remonté

le Bober par une rive tandis que la division Ledru

le remontait par l'autrc, n'avait point usé du pont

de Hirschberg lorsqu'ilen était temps encore, et

s'était vue séparée par d'immeilses masses d'eau

de ses compagnons d'armes, qui luí tendaient

vainement les mains du haut de In rive gauche.

Le

2~

elleimagina dedescendre par la rive droite,