LEIPZIG ET HANAU. -
AOUT
1813.
201
une armée de cent mille hommes, sous Murat,
et
il
comptait que
celui~ci,
appuyé sur Dresde,
adossé a l\facdonald, qui devait dans ce plan etre
ramené jusqu'a Bautzen, serait en mesure de ré–
sister
a
un retour de l'armée de Bobeme, retour
que le désastre récemment essuyé par celle-ci
r·endait pcu probable avant quinze jours. Napo–
léon espérait avoir ainsi letcmps derevcnirapres
avoir frappé
a
Berlin un coup décisif, et
a
son
approche tout nouveau projet contre Dresde de–
vait s'évanouir. Blucher certainement en appre–
nant la bataille de Dresde, et sachant Napoléon
sur ·son flanc (car
il
y
serait sur la route de
Berlín), n'oserait pas dépasser Bautzen. En
tout cas, Macdonald se rapproch:mt de l'Elbc,
et venant se metlrc dos
a
dos avcc l\Iurat '
~ucun
d'eux n'aurait de dangcl' séricux
a
crain–
dre.
L'expédition de Berlin terminée, le projet de
Napoléon était de s'établir a Luckau, entre Berlín
et Dresde, d'y attirer le corps de l\formont et
toute Ja réserve de cavalerie, de laisser
a
Dresde
et dans le camp de Pirna
üO
mille hommcs, d'en
laisscr
60
mille
a
Bautzcn, tandis qu'avcc
60
mille autres
il
serait prét
a
courir ou
a
Berlín,
ou a Bautzcn, ou a Drcsd c, suivant le bcsoin, ce
qu'il pouvait faire en trois jours d'une marche
rapi!le. Dans cctte position il était ccrtain de
suffire
a
tout, car placé
a
trois marches de Berlin,
il serait de plus dans Je flanc de Bluchcr, et asscz
pres de Dresde pour y arriver
a
temps si l'armée
de Boheme s'y préscnlait.
Il
est mémc probable
qu'cn suivant ce plan il aurait réussi
a
trans–
porter Ja guerre au nord de J'Allemagne, car Je
rassemLlement du nord étant dissous et Berna–
dolle pu ni, les Prussiens voudraient rcgagncr
Jeur pays pour le défendre, les Prussicns y atti–
reraient les Russes, on fcrait ainsi supportcr aux
plus hostiles des Allemands les horreu rs de Ja
guerre, et en découvrant un pcu Je haut Elbc,
on couvrirait tout
a
fait Je bas Elbe, c'cst-a-dirc
Hambourg, ou existait Ja plus belJc des ligncs de
communication, cellc de Hambourg
a
'VcscJ.
Restait, il est vrai, daos cecas, Ja chance de voir
les Autrichicns se porler sur le baut Rhin,
chance peu vraiscmblnblc, car ils n'oseraicnt
s'avancer si loin, Nnpoléon pouvant fondre sur
leurs derriercs. De plus, Napoléon scrait autorisé
a
se prévaloir auprcs d'cux des soins qu'il mct–
trait
a
éloigncr la guerre de lcur territoire, et
il
pourrait en tirer une nouvellc oceasion de négo–
ciations, ce qui n'était pas impossibJe, les Autri–
chiens étant de tous ses ennemis les moins en·
gagés, les moins implacables , les seuls disposés
a
traiter raisonnabJement.
Tel était son plan Je 50 au matin, plan déja
écrit et accompagné d'ordres tout rédigés
1 ,
Jors–
quc
Ja
nouvelJe de l'événement de Kulm vint
boulcvcrscr ses vasles conceptions.
Il
fut crueJ–
lement affiigé en apprenant Je désastre de Van–
dammc; c'étaient avec Ja Katzbach et Gross–
Beercn trois échecs graves, qui égalaient en
importance les soeces obtenus autour de Drcsde,
et les surpassaient meme, car le prestige de la
victoirc avait passé du coté des coalisés, et
il
ne
rcstait du colé de Napoléon que le prestige tou–
jours éclatant de son ancienne gloire. Pour la
premicre fois il pensa qu'il avait peut-etre trop
présumé de ses forces, en refusant les conditions
qu'on luí avait offertes
a
Prague, et
il
apprécia
micux l'inconvénient de Ja jeuoesse chez ses
soldats, de Ja contagion des sentiments germa–
niques ehez ses alliés, du découragement chcz
ses lieutenants; peut-etrc alla-t-il jusqu'a re–
grcttcr d'avoir ou disgracié, ou décrié lui-méme,
ou prodigué au feu des généraux en chef tcls
que l\Jasséna, Davoust et Lannes ! Sans doute il
avait encorc d'e braves gens, des héros tels que
Ncy, Oudinot, JYiacdonald , Víctor, Murat, mais
ils étaicnt peu habitués au comrnandement en
chef; il ne les
y
essaynit que daos un rnoment
peu propre
a
les encourager, dans un moment
ou les passions de !'Europe, Ja fort unc, le
vcnt du succes, tout en fin était
tourn~
contre
nous.
II fut pendant plus d'un jour atterré pour
ainsi dire sous ces coups redoublés; mais son
esprit toujours inépuisable n'en fut point frappé
de stérilité; son énergie, son imagination, ses
illusions mcme, tout se ranima Je lendema'iu, et
il forma un nouveau projct, q ui, moins vaste que
le précédent, était ccpcndant tout aussi forte–
ment con<;u. D'abol'd il voulut donner un autre
chef aux trois corps deslinés
a
marchcr sur Ber–
lin, et il choisit Je maréchal Ncy, qui n'avait pas
de supéricur en bravoure sur le champ de ba–
taille, mais qui n'avait jamais dirigé <le grandes
armécs. Napoléon
fit
ce choix, parce que !'ame
inlrépide et confi:mte de Ney n'avait pas re<;u
cncorc l'a tteinte du découragcment, déja si vi–
sible chez nos autrcs généraux . .11 l'cnvoya
a
'Viltcnbcrg en lui adrcssant les paroles les
plus encouragen.ptes, et les instructions les plus
1
La nole oú ce plan cst exposé et discuté, les orrlres en con–
séquence de la nole, existen!
a
la secrélairerie d'Élat, el c'cst
d'aprt:s ces documcnls irréfragables que nous écrivons ce récit.