LUTZEN ET BAUTZEN. ·-
AVRlL
1815.
H
mant d'accepter un armistice ou la guerre. -
l\'I.
de Narbonne ici se trouvait mis dans son tort
par l'habile joueur auqucl il avait affaire, et qui
n'avait en ce moment l'avantage que parce qu'il
avait la raison de son colé, la France n'osant
pas avoucr des conditions de paix qui, da ns l'état
des choses, n'étaient pas avouables. - Mais,
rcprit
1\1.
<le Narbonnc, si ces conditions, que je
ne connais pas cncorc, n'étaient pas tclles que
vous les désirez ... - La-dessus, M. de Mctter–
nich ne voulant pas accomplir trop de choses en
un jour, et se contenlant du terrain conquis,
Iequel était certes assez grand, puisque l'Autl'iche
était parvenue
a
convertir l'a!líauce en média–
tion arrnée, l\'I. de Metternich se bata d'intcr–
rompre
1\1.
de Narbon11c, et luí dit : Ces condi–
tions ne m'inquictent pas... Votre maitrc sera
raisonnable...
il
n'est pas possible qu'il ne le
soit pas... Quoi ! il risqucraít tout pour cettc
ridiculc chimerc du grand-duché de Varsovie,
pour ce protectorat non moins i·idicule de la
Conféd'ération du Rhin, pour ee·s villes hanséati-·
qucs qui n'ont plus de valeur pour lui le jour
ou, concluant la paix générale, il renoncc au
blocus continental! ... Non, non, ce n'cst pas
possiblc! ... -- M. de Narbonnc, ne voulant pas
permellrc a son adversaire de luí
échappe~,
dit
encore
a
l\f. de Mctterních : l\fais supposez que
mon maitre pen at au trement que vous, qu'il
mit sa gloire
a
ne pas céder des tcrritoires con–
stitulionncllemcnt réunis
á
l'Empire,
a
ne pas
renoncer
a
un Lilrc qu'on ne lui dispute que
pour l'humi!ier, et qu'il vouIUt conservcr
a
la
Franee tout ce qu'il aYait conquis pour clic,
alors qu'adviendrait·il? -
11
adviend1·ait... il
adviendrait, répliqua M. de Mcllcrnich avcc un
mélange d'cmbarras et d'impaticncc, il advicn–
drnít qu e vous sericz obligés d'accorder ce que
la Francc vous demande elle-mcme, ce qu'elle a
bien le droit de vous dcmander aprcs tant d'cf–
forts glorieux, c'cst·a-dire la paix, la paix avec
cette juste grandcur qu'cllc a conquise par tant
de sang, et qu'il n'enlre dans }'esprit de pcr–
sonnc, mcme de l'Angleterre, de lui disputer.
- Ici
l\L
de Narbonne insistant de nouveau, et
lui dísant : l\'Iais enfin supposez que mon maitre
ne füt pas raisonnablc ( du moins comme vous
l'entendez ), supposcz qu'il ne voulúl pas de vos
conditions, quelquc acccplablcs qu'elles vous
paraissent; ch Líen, comment comprencz-vous en
cecas le role du médiatcur?... Pensez-vous qu'il
dcvrait employer contre nous celte force que nous
sommes convenus de porter de 50 mille liommes
a
1
oO
milie? -- Pressé d'en dire plus qu'il ne
voulait, M. de l\letternich, toujours plus impa–
tienté, ·finit par s'écrier: Eh bien, ouí
!
le média–
tcur, son titre !'indique, est un ai·bitre impartía!;
le médiateur armé, ·po n litre }'indique encore,
est un arbitre qui a dans les mains la force néces–
saire pour faire respecter la justice, dont on l'a
conslitué le ministre... - Puis, comme raché
d'en avoir trop dit,
1\1.
de Mellernich ajouta :
Bien cntendu que toute la faveur de cet arbitre
est pour la .France, et que tout ce qu'il pourra
eonsenrei· de parlialité sera pour elle. - l\lais
cnfin, dans certains cas, vous nous feriez la
guerre? reprit encore M. de Narbonne. - Non,
non , répondit M. de .Mettcrnich, nous ne vous
la ferons pas, parce que vous serez raisonnablcs.
- Alors
1\f.
de Narbonne, cherchaot
a
rendre
plaisante une convcrsation qu'il eraignait d'avoir
reudue trop grave, dit
a
1\1.
de Metternicl; :
J'aime a eroire que par la nouvelle situation que
mus avcz pri e, vous voulez gagner du temps,
et uous ménager le loísir de rernporter quelque
''icloire... Dans ce cas, permettez-moi de n'a–
vofr plus de doute, I'ar!Jitre sera pour nous, si
c'est la vicloire qui doit le décider. - Je cornpte
sur vos victoircs, répondit
1\1.
de Mctternich¡
~~
j'ai bcsoin d'y eompter, car il en faudra plus
d'une pour ramcner vos adversaires
a
la i·aison.
Mais, ne vous
y
trompcz pas, le lendcmaín d'une
victoire nous vou parlerions avec plus de fer–
meté qu'aujóurd'hui.
M.
de l\Jcl ternich , pousséa bout, s'était ex primé
avec une vivacité qui prouvait
a
quel point son
cabínct était résolu
a
soutcnir le systcme de
paix auqucl il s'était atta('.hé, et ici éclatait !out
entiere la grande faute que rcdoutaient avec
r ai on
l\1M..
de Caul aincourl., de Tallcyrand, de
Cambacércs, lorsqu'ils conseillaient de ne point
s'adresser
a
l'Autrichc. A s'adresser
a
elle,
il
n'aurait fallu le fairc que décidés
a
accepter ses
conditions, qui heureusemenL pour nous étaient
fort acceptables ; mais si on ne voulait pas de
ces eondítíons, qu'ellc avaít assez claírement
indiquées pour qu'il ftit facile de les deviner, il
fallait alors gagner du temps, ne pas la pousser
a augmenter ses armements, ne pas lui deman–
der plus de 50 mille hommcs, ne pns meme
exiger qu'elle nous les fournlt exactement, se
eontenler de ce qu'elle fcrait, quoi que ce flit,
ajourner les explications, et se hater en aLten–
dant de rcjcter les coalisés au dela de l'Elbe, de
l'Oder, de Ja Vistule, afin de les séparer telle–
ment de l'Autriche, qu'cllc
fUt
dans l'impossibi-
•>
.)