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LIVRE
QUARANTE-HUITIÉME.
la diplomatie, on n'avait rnicux joué et plus ga–
gné que M. de l\Ietternich en celle occasion. D'un
seul coup en effet il avait résolu tous ses embar–
ras. D'allié esclave il s'était faiL hautement mé–
diateur, et médialeur armé. ll avait osé professer
que le lrailé d'alliance de mars
18·12
n'était plus
applicable aux circonslanccs présentes; il avait
motivé ses armemcnts sans nous laisser un seul
mol
a
objecter; il avait enfin r ésolu J 'avance une
grossc et prochaine difficulté qui se préparait pour
luí, cellc de Pcmploi
a
fairc du corps auxiliairc au-
1richicn. Quan ta l'offre d'cn trcr dans les vucs de
la
France, d'agir avec elle pom· achcver de boulever–
ser l'Allemagne, de déplacer la Prussc, c'est-a–
dire de Ja détruirc, de prcndre la Silésic, cte., il
n'cst pas besoin d'ajouter que l'Autriche n'en
voulait
a
aucun prix' D6n par amour pour la
Prusse, mais par amour de la commune indé–
pendance. Elle éludait done ccltc offre, en con–
sidérant cecas comme un cas de guerrc, dont on
aurait
a
s'occupcr plus tard, lorsque les ¡rnis–
sances belligérantes auraicnt rcfusé toutcs les
ouverturcs de paix, ce qui n'éta it gnere vraiscm–
blablc.
l\f.
de McLLcrnich termina sa déclaration
en
annon~ant
qu'un courricr extraordinairc allait
el! !lortcr la copie au priocc de Sch warzenberg
a
París.
Le too scul de la communication l'eut rcnduc
suspeclc, quand bien mcme le scns n'cn cut pas
été clair. La solennilé avec laqucllc
1'f .
de l\Ictler–
nich appuyait sur les points csscnticls, l'emprcs–
scmcnt qu'il mcttaiL
a
informer le princc de
Schwarzenberg
a
París, indiquaient le désir de
prcndre acto, lout de suile et dans les deux capi–
tales a Ja fois , de !'importante déclaration qu'il
venait de fa ire, ce qui révélait bien pl11tót les
préca utions <l'amis prcls
a
se quittcr, que la cor:..
dialité d'amis prets
a
confondre lcurs intérets et
leurs cfforts.
i\f.
de Na rbonn c était beaucoup
trop clnirvoyant pour ne pas s'apcrcevoir que
sous cctlc alfccta-tion
a
paraitrc d'accord sur tous
les points,
il
y avait le' plus complct et le pl11s
rcdoutable disscntiment. Qu'avai t en cífct cn–
tendu le cabinct fran0ais par son impr ud ente
communication?
11
avait enlendu qu'au lieu de
la coopération parlicllc stipuléc
pa1·
le traité
de
181 2,
l'Autrichc scrait ten ue de fournir
a
la
Francc la lolalité de ses forces, c'est- il-dire cent
ou cent cioquantc mille hommes; que pour pou–
voir en aniver
Ja
clic emploierait la forme qui
lui était la plus commode
a
cause de l'csprit de
ses pcuplcs, celle de la médiation, et que sur le
refus probable, memo ccrtain, des puissances,
d'accepter les propositions qu'on leur présente–
rait, l'Autriche cntrerait en lutte avec toutes ses
armécs, et se payerait de ses efforts par les dé–
pouilles de la Prusse. Or, c'était justement le
contrairc qu'entendait lU. de Metternich, sous
des paroles copiécs avec aífectation sur les
nótrcs.
11
admettait en effet que le traité de
1812,
horné
a
un secours de trente millo homrnes, n'é–
tait plus applicable aux circonstauces; qu'il fallait
intervenir avcc cent cinq uante mille hommes,
intervenir, comme le vo ulait la Francc, sou_s la
forme de la médiation armée, sommer les puis–
sanccs belligérantes, leu r proposer un armisticc,
et pu is peser sur elles pour leur faire acccpter les
conditions qu'on aurait jugées bonnes. Or, bien
qu'on dut s'attendre
a
des p1·étentions assez peu
modérécs de la part de
1'
Augleterre, de la Russic
et de la Prusse,
l'
Au triche était assurée de les
amener
a
cédcr par la scule menace d'unir ses
forces aux nótrcs, et par conséquent n'avait guere
la crainte de se ti·ouver en dissentimcnt avec
elles.
ll
n'y avaiL récllement pour elle de diffi–
culté
a
prévoir que de
la
parL de Napoléon, qui
ne voulait ni abandonncr le grand-duché de Var–
sovic pour refairc la Prussc, ni laisser abolir la
Coofédéralion du Rhin, ni surtout renonccr aux
départcment hanséatiqucs. Le poids des cent cin–
quantc mille Autrichiens dcvait done etre cm–
fJloyé
a
pcscr sur luí, et sur !ni seul. L'alliance,
ainsi agrandie dans son but et ses moycos, mais
convcrlic en médiation, n'étaít plus qu'une con–
traíntc qu'oo lui préparait, en se scrvant des
proprcs termes de sa proposition.
l\f. de Narbonne, sans aigreur ni emporte–
ment, plutót avec le persifrlage d'un hommc
d'csprit qui ne veut pas ctre pris pour dupe,
chercha pourtant
a
faire expliquer
1\1.
de l\fot–
trrn icb, et
a
lui arracher une partic de son se –
crct.-L'alliance, dit-il, ne sera plus limitée, soit;
l'Autriche jouera dans celte fp'ande crise le role
qui sied asa puissance, nous en sommes d'accord;
elle intervicndra non plus avec
50
rnille hommes,
mais avec
1
oO
millo, pour faire accepter les con–
dilions de la paix, mais quelles conditions? -
Cclles dont nous serons convcnus , répondit
M. de l\iettcruich, et sur lesquelles nous vous
prcssons vainemcnt de vous expliquer depuis
trois mois, celles dont nous espérions aujour–
d'hui meme la communication de voti
1
e part, et
que vous uous fai tcs attendre encore, ce qui
r end notre déclaration inoomplete en un point
essentiel, celui des condilions que nous présen–
terons aux puissances bclligérantes en les som-