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LIVHE
QUARANTE-Hun:n~l\IE.
riennes dont la Francc avait promisla restitution,
et il parlait de cela commc d'une chose faite, as–
surée, irrévocable, tundís qu'il en avait
a
peine
été dit quelques mots entre les cabinets franvais
et autrichien.
Tel fut le langage (d'aillcurs pcu nouveau) de
M. de l\fott.ernich. L'empcreur Frarn;ois, plus me–
suré, moins hardidansses entreticns, se conten ta,
en r·eccvant personnellement M. de Narbonne
de la fa<;on la plus gracieuse, de lui dirc combien
il était satisfait du bonheur que_ sa fille avait
trouvé en France, combicn
il
appréciait le génie
de son gendre' combicn
il
tenait-
a
rester son
allié; maís il ne lui dissimula pas qu'il ne pou–
vait
retM
que· dans l'intéret de la paix, car ses
peuples ne Iui pardonneraient point de
l'cll'C
pour
un autre but. Il ajouta que cettc paix,
il
faudrai t
l'achetcr de deux manieres, par des victoires et
par des sacrifices; que son gendre avait bien fait
d'employer ses grands talents
a
créer de vastes
ressources, car la lulle serait plus opiniatre en–
core qu'il ne l'imaginait; mais enfin qu'avec des
succes il amenerait sans doute ses adversaires
a
des idées plus modérées, et que si , apre les avoir
vaincus, il voulait accorder au repos des peuples
quelques sacrifices nécessaires, l'Autriche s'y
employant fortement , on arriverait
a
une paíx
durable, paix que son gendre apres tant de tra–
vaux glorieux devait lui-meme désirer, et qu'il
souhaitait vivcment, quant a'lui ' non-seulement
comme souverain, maís comme pcre, car elle as–
surerait le bonhcur de sa fili e chéric , et !'avenir
d'un petit-fils auquel il portait l'intéret le plus
tendre.
A toutes ces manifestations M. de Narbonnc
avait répondu du mieux qu'il avait pu, toujours
en vantant la grandeur de son maitre, en répé–
ta nt qu'il fallait le ménager, et s'était servi de
l'art, qu'il avait appris dans les salons, de couvrir
de beaucoup d'aisance et de grace l'impossibilité
de ríen dire de sérieux. Du reste, tout en faisant
bonne contenance ,
il
avait deviné le secret des
intentions autrichiennes. L'Autriche évidemment
n'étnit pas disposée
a
tirer le canon pour la France
conlre l'Allemagne; toutefois elle n'entendait
pas, cornme la Prusse , passer brusquement de
l'alliance
a
la guerre. L'empereur ne voulait pas
oublier complétement son role de pere; le mi–
nistre voulait opérer décemmcnt sa transition
d'une politique a l'autre' et ils songeaient
a
se
présenler comme médiaLeurs, a offrir une paix
acceptable, et
a
peser de tout leur poids sur les
uns et les autres pour
la
faire acceptcr. Une
preuve de ce
proj.etressortait de toutes parts.
I..'Autriche armait, non pas avec le génie de Na–
poléon, mais avec une précipitation au moins
égale , et sans précisément. le nier, elle n'en disait
rien. Bien certainement elle nous l'eut dit, s'en
serait merne vantée' si elle cut armé poui' nous.
Tout de suite M. de Narbonne jugea que ce
qu'on pourrait obtenir de mieux de cette cour,
ce serait la neutralité, et qu'avec des ménage–
men ts , en lui parlant peu et en ne lui deman–
dant rien, on la retiendrait assez longtemps da ns
un róle inactif, qui devait nous suffire. 11
y
au–
ra it cu sans dou te micux
a
faire, comme nous
Favons remarqué déja, c'eut été, en lui pardon·
nant ses dissimulations, son demi-abandon, de
reconnaitre qu'elle avait raison au fond de ne
vouloir lravailler qu'a la paix, et
a
une paix toute
germanique, des lors de
s'y
preter franchement,
d'entrer dans ses vues, de faire d'elle un média–
tcur cntiercment
a
nous, et d'obtenir ainsi la
paix , tellc qu'elle travaillait
a
la conclure, car la
France sans le grand-duché de Varsovie, sans la
Confédération du Rhin, sans les villes hanséa–
tiques, sans l'Espagne, mais avec la Hollan<le, la
Ilelgique, les provinccs rhénanes, le Piémont, la
Toscane, les États romains, indépendamment des
royaumes vassaux de \Vestphalie, de Lombardie
et de Naples, était encore plus grande qu'il ne le
lui ailrai t fallu pour etre vraiment forte ! Le
mieux cut done été d'enlrer sans aucun rcssenti–
ment da ns les vues de l'Autriche, et de l'oser
dire
il
Napoléon. l\'.lais M. de Narhonne l'eut osé
en vain, et ne songea pas meme
a
l'cssayer. A
défaut de cetle conduite, se proposer la neutra–
lité de l'Autriche, et lendre
a
paralyser cette cour
au lieu de tendre
a
la rendre plus active, était la
seconde conduile en mérite, en prudence, en
chances de succes. M. de Narbonne le comprit
parfaitement, et allait conseiller cette conduite
a
s'on gouvcrnement, lorsqu'il
re~ut
ses instructions
si longtemps attendues, et qui étaient certes tout
le contraire de la neutralité.
Expédiées le 29 mars, arrivées le 9 avril, elles
apporterent
a
M. de Nar,bonne le moyen de sor–
tir du langage insignifiant dans lequel il s'était _
jusque-la renfermé, et cette fois poussant la fran–
chise aussi loin que possible,
il
lut
a
M. de Met–
ternich le texte meme de M. de Bassano, texte
bien fai t pour exciter le sourire du ministre au–
trichien pnr le ton de jactance que le ministre
fran<;ais avait aj outé
a
la politique impétueuse
de Napoléon. M. de Narbonne lut done ce projet, ·
consistant
a
dire
a
l'Autrichc qu'il fallait qu'elle