LtJTZEN ET BAtJTZEN. -
AVRIL
i815.
5
les titres pour en élre éeoulé. lUalheureusement
ses diseours
a
ectte princesse ne pouvaient pas
avoir grand eíl'ct. l\'larie-Louise, éblouie du pres–
tige dont elle était entourée, éprise alors de son
époux qui lui plaisait, et qui la comblait de soins,
formait des vreux ardenls pour ses lriomphes,
mais n'avai t sur lui aucun crédit. Ses yeux étaient
encore rouges des )armes qu'elle avait vcrsées en
le quittant, lorsqu'elle rec¡ut l'ambassadeur de
son pcre. Elle éeoula avec chagrin ce que lui dit
le prinee de Sehwarzenberg sur les dangers de
la situation préscntc, sur les passions soulevécs
en Europe conlre la Franco, sur la nécessité de
conclure la paix aYcc les uns, et de la conserver
au moins avec les nutres. Pour loute éponse la
jeune impérnt1·icc répéta ce qu'on lui avait
appris
~1
dire des forces immenses de Napoléon;
mais cntendant peu ce qui avait rapport a la
g uerre, clic se borna surtout
a
demander qu'on
méo3geat sa situation en ·Franee, et qu'apres l'y
avofr envoyée comrne un gage de paix, on n e
l'expástlt pasa devenir une- nouvelle victime des
Ol'ages révolutionnaircs. Les infortunes de Marie–
Antoineltc avaient laissé un tel souvenir dans
les esprits, que souvent l\'Iarie-Louise se sentait
saisie de terreurs subitcs, et se regardait comme
en grand dangcr si l'Aulrichc était cncorc une
fois en guerre avec la France. Elle parla de ses
craintes au prioce de Schwarzenbcrg, mais saos
le toucher beaucoup, car il ne les prenait pas au
sérieux, et d'ailleurs
il
pensait en politique et
en militaire, et bien qu'un peu gcné par les fa–
veurs qu'il avait rec¡ues de la cour de . France,
il songeait par-dessus tout a la fortune de son
pays et a la sienne.
11
n e pouvait pas r ésulter
grand'chose de pareils cntretiens. Ccux que le
prince de S hwarzenbcrg cut avec
l\I.
de Bas–
sano, qui était, resté quelques jours encorc a
París, auraient pu avoir plus d'utilité, mais n'en
eurent malheureu scment aucunc .
Lors du mariage de lUarie-Louise, le_princc
de Schwarzenberg avait poussé l'intimilé avec
M. de Bassano presque jusqu'a !'intrigue; ils
étaient done tres-farniliers l'un avcc l'autre, et
pouvaicnt se parler librement.
l\'I.
de Schwarzen–
berg lenta de dire la vé1'ité, sans
y
apporler ce–
pendnnt tout le courage qu'il aurait dii y mettre,
et qui plus tard l'aurait excusé de manquer a la
reconnaissanee envcrs Napoléon, s'il ne parve–
nait pns
a
en elre écouté. Il essaya de contester
quelque pcu les allégations de M. de .Bassano, de
rabattre quelque chose des immenses armements
dont ce ministre faisait un eontinuel étalagc, de
parler de
l'inex périenc~
de notrc infantcrie, sur–
tout de la dcslruction de notre cavalerie, de la
furcur patriotique que nous allions rencontrer
chez les coalisés, des passions qui entrainaicnt
en ce momcnt les peuples de l'Europc et domi–
naient les gouvernemcnts eux-memcs, de l'im–
possihilité oú serait l'Autriehe de se baltre contre
l'Allem::ignc pour la France, a moins qu'elle ne
parut le fairc pour une paix tout allemande.
l\I.
de Bassano ne sembla guere comprendre ces
vérités, et avcc une nai:veté qui honorait su bon ne
foi, mu is pas du tout son jugement politique, al–
légua souvent le traité d'alliance, et surtout le
mariage. Le prince de Schwarzenberg, perdant
patiencc, laissa échapper ces mots : Le mariage,
le mariage! ... la politique l'a fait, la poli tique
pourrait le défaire
!
-A ce cri de fran ehise sorti
de la bouche du prince de Schwarzenberg ,
l\I.
de Bassano, surpris, commen9c1
a
entrevoir
la situalion; mais au lieu de venir au secours
de la faiblcssc de son interlocuteur, qui n'osait
pas avouer ce qu'il savait, c'est que l'Autrichc
ne se battrait point pour nous contre les Alle–
mauds' qu'e11c se joindrait meme
a
eux si nous
n'acceptions pas la paix qu'elle avait imaginée, i1
feignit de ne pas comprendre, afin de n'avoir pas
a répondre, et se preta
a
ce que l'enlretien se
terminat par de nouvclles et mensongeres pro–
testalions de fidélité
a
l'alliance. Sans doute, pa–
raitrc n'avoir pas compris, afin d'éviter un éclat,
pouvait etrc habile' bien qu'une cxpl ication
fran cbe, amicale et complete cut été beaucoup
plus habile
a
notre avis; muis en dissimulant
avcc Je rcprésentant de l'Autriche,
il
fallait au
moins ne pas dissimuler avec Napoléon; il fallait
lui dire
a
luí ce qu'on aífectait de n'avo ir pas
cntcndu d'un autre, c'est que, s'il ne faisait pas
des sacrifices,
il
aurait l'Autriche de plus sur les
bras, et succornberait sous une coalition de l'Eu–
rope enLiere. M. de Bassano jugca qu'il valait
micu x ne ríen répéter
ti
l'Empereur de ce qu'il
avait recueilli, afin de ne pas l'irriter contre
l'A utrichc. L'intention était honnetc assurément;
mais on pcrd, en les servant ainsi, les maitres
qu'on n'a point habitués au langage de la vérité.
Si le monde enlier, si la nature des choses de–
vaien t les ménager comme on les ménage soi-
.móme, il se pourrait que taire le mal ce füt le
coojurcr; mais commc il
n'y
a de soumis que soi,
les faits qu'on leur laisse ignorer ne font que
s'aggraver, grandir et · se convertir bientót en
désastres
!
Le prince de Schwarzenberg partit de Paris
•
•
•