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LIVRE QUARANTE-HUITJE1\1E.
au front des princes de Saxe. Aussi le cabinet
autrichien voulait-il amener le roi de Saxe de
Bavicre en Bohcrue, pour mieux disposer de
luí. Afin de l'y altirer, il faisait valoir aupres
de ce prince l'avantage d'étre
a
Prague dans
un pays inviolable' et a quelques heures de
Dresde, en mesure par conséquent de parler
chaque jour
a
ses sujets, et de conserver leur
aífection.
Les négociations entamées avec la Baviere
étaient tout aussi délicates, et préscntaient meme
beaucoup plus de difficullés. Outre qu'il fallait
lui faire agréer un projet de médiation qui était
tout
a
fait en dehors de la poli tique ele Napoléon
(ce qui ne laissait pas d'avoir ses dangers), il fal–
lait la disposer a un sacrifice nullement utile
a
la
cause générale, mais lres-utile
a
f
Autrichc, c'é–
tait le réLablissement de la frontiere de !'Ion,
entaméc aux dépens de l'Aulriche et au profit de
la Baviere par le lraité de paix de 1809. Ici il
n'y avait que la menace
a
employer, et aucun
dédommagemcnl
a
offrir,
CUl'
il ne se trouvait
aulour de la Baviere que les territoires de Baden,
de '\Vurtemberg, de Saxe, qu'on n'aurait su
comment démembrer áu profit d'un voisin. La
tache étaiL difficile, et on eo urait la chance que
la Baviere mécontente ne révélat tout
a
Napo–
léon. Quant a nos alliés de Bade, deWurt.embcrg,
l'Autriche n'avait pu les abordcr qu'avcc beau–
coup de ménagemenls, leur voisinage des bords
du Rhin les rendant tout
a
fait dépendants de la
domination vigilante de Napo1éon.
C'est au milicu de ce. lntvail subtil et secret
que
l\I.
de Narbonne vint surprendre l'Autriche,
et lui apporter ,des vues malheureusement bien
différentes des siennes.
An
lieu du projet de re–
constituer la Prusse, et de rendre l'Allemagne
indépendante, M. de Narbonne apportait un
boulcversement de l'Allemagne plus grand cn–
core que celui auquel on voulait remédier, c'est–
a-dire la Prusse détruite définitivement, la Saxe
suLslituée a la Prusse, et l'Autriche payée il est
vrai par la Silésie, mais plus dépendante que ja–
mais
!
Certes il n'y avait pas avec de telles pro–
positions grand moyen de s'entendre; ajoutez que
M. de Narbonne, récemment entré dans la
fa–
veur de Napoléon, arrivait nalurellement avec
le désir de se distinguer, et surtout avec la pré–
tention de n'etre pas comme son prédécesseur
dupe de
1\1.
de Mettcrnich
!
Dispositions dange–
reuscs, quoique fort conccvablcs, car ce qu'il y
aurait eu de mieux, c'eut été de parailre dupe
sans l'etre, et mcme de l'elre réellement, plutót
que de forcer l'Aütriche
a
se prononcer, en lui
montrant qu'on l'avait devinée.
L'accueil de M. de l\Ietternich
a
l\I. de Nar–
bonne fut des plus empressés et des plus flatleurs.
1\1.
de MeLternich, ne se contentant pas d'cLre
un esprit politique profond, se
piquai~
d'etre
aussi l.m esprit aimable et sincere, et savait l;étre
au besoin. Il
fit
avcc M. de Narbonne assaut de ...
grace; il l'accueillit comme un ami auqüel
il
n'a–
vait rien
a
cachet', et avcc le sccours duquel il
voulait sau ver la France, l'Autriche, l'Europe
d'une aífreuse calastrophe, en s'expliquant fran–
chemcnt et tout de suite sur toulcs choscs. ll se
donna done beaucoup de peine pour savoiL' si
l\L de Narbonne apportait enfin quelques conces–
sions
~1
la politique européenne, qui prouvassent
de la part de Napoléon une disposition a la paix.
:Mais
1\1.
de Narbonne attendait encore de Paris
ses dernicrrs instructions, dans lcsquclles on do–
vait lui traccr point par point la maniere dont
il
fcrait succcssivement a l'Autriche les importantes
ouverlurcs dont on allait le ehargcr. Jusque-la
il
n'avait presque rien a dire, si ce n'est que Napo –
léon entendait ne ríen céder, mais que si l'Autri–
che voulaít devenir sa complice,
il
la payerait
bien, ovec des territoires qu'on prendrait n'im–
porle a qui. En pareille situalion, se taire, beau–
coup .écouler, beaucoup deviner, en attendant
qu'il pót parler, était tout ce que l\I. de NarLoirne
avait de mieux
a
faire, et e'est ce qu'il
fit.
Comme
il ne parlait pas,
1\1.
de l\fotternich essaya de
parler. Il <lit des choses qu'on aurait du deviner
sans qu'il les dit, et qu'on aurait au moins du
comprendre, quand il prenait.soin de les répéter
sisouveut, et avcc une bonne volonté si évidente
de les rendre utiles. On était
a
Vienne,
~uivant
1\1.
de l\fetternich (et il disait vrai), dans une po-·
sition <les plus difliciles depuis la défection de la
Prusse. L'Allemagne entiere demandait qu'on se
joignit aux Russcs el aux Anglais contre les Fran'.:.
~ais.
Toutes les classes
a
Vienne, quoique moins
hardies qu'a Berlin, tenaient au fond le meme
langage, et ce qu'il y avait de plus grave, c
9
est
que l'arrnée partageait leur avis. Tout le monde
voulait qu'on profitat de l'occasion poúr affran–
chir l'Allemagne du joug de la France, et pour
faire ccsser un état de choses intolérable. L'Au–
triche savait saos doute tout ce qu'il y avaiL
d'exagéré, d'imprudent dans ce langage. Elle
savait que Napoléon était tres-puissant, tres–
redoutable, qu'il ne fallait pas s'attaquer
a
luí
témérairement; el lui,
1\1.
de l\fetternich, n'allaii
pas retomber dans les fautes dont il avait voulu