LUTZEN ET BAVTZEN. -
AVRIL
i8f5.
nait pour soi, ce qui au milicu de beaucoup de
vues de bien public n'était pas indifférent
a
l'Au·
triche, la porlion de la Gallicie perdue apres la
bataille de Wagram. C'était done un point bien
important
a
obtenir du roí de Saxe, et on pour–
suivait cet objet aupres de lui avee secret, dex–
térité et insistancc. On voulait enfin que la Saxe
n'employat ses forces qu'avec celles de l'Autri–
che, en meme temps, dans la meme mesure.
Ses forces eonsistaient daos la belle cavalcrie
qui avait suivi la.cour, dans les dix mille hom–
mes d'infanterie cantonnés
a
Torgau, daos la
place de Torgau elle-meme, daos la
forter~sse
. <le Krenigstein sur l'Elbe, et enfin daos le con–
tingent polonais du prince Poniatowski, qui
s'était retiré vers Cracovie a la suite du prince
de Schwarzenberg. Cette derniere parlie des
forces saxonnes était la ¡jlus intéressantc aux
yeux de l'Autriche, non a cause de son impor–
tnnce 'Jnilitaire, mais
a
cause de sa position toute
spéciale. Il fallait empecher, en effet, que le
corps polonais'
a
la réouverturc prochaine des
hostilités, ne se mit en mouvement sur l'ordre
qu;il recevrait de Nap.oléon, et n'attirat ainsi les
Russes vers la Boheme. Ajoutez qu'a la reprise
des hostilités ce n'était pas seulement aux Polo–
nais que Napoléon devait envoyer des ordres de
mouvement, mais au corps autrichien lui-meme.
Pour dénouer tant de complications, M. de Met–
ternich, avec sa fertilité d'esprit ordinaire, avait
imaginé un premier moyen, adroit mais dange–
reux s'il était divulgué, c'était de continuer par
convention écrite ce qu'on avait déja
fait
par
convention tacite, c'est-a-dire de se retirer de–
vaot les Russes en feigoant d'y etre contraint
par
de~
forces supérieurcs. En conséquencc,
employaot
a
UD
double usage M. de Lebzeltern,
qui avait· été envoyé
a
Kalisch pour y offrir la
médiation autrichienne, on était eonvenu des
faits suivants par une note, échangée entre les
parties, qu'on s'était promis de tenir a jamais
' secrete. Le général russe, baron de Sacken, dé–
noncerait l'armistice par lequel les Russes avaient
suspendu les hostilités avcc les Autrichiens a la
fin de la derniere campagne, et fcindraiLde dé–
ployer sur leur flanc une force considérable;
ceux-ci , de leur cóté, feindraient de se retirer
par
oéce~sité,
repasseraient la haute Vistule,
abandonneraicnt Cracovie , rentreraient en Gal–
licie, et emmcner{lient le corps polonais de Po–
niatowski avec eux, en l'obligeant
a
subir cette
prétendue nécessité. Une fois arrivés la, les Rus–
scs s'arreteraient et respccteraient les frontieres
autrichiennes. .l\fais pour ne pas garder les Po–
lonais si pres du grand-duché de Varsovie, et
surtout pour ne pas les laisser séjourner au mi–
lieu de la Gallicie,
a
laquelle ils pouvaicnt mettre
le feu, le cabinet autrichien voulait convenir
avcc le roi de Saxe, leur grand-duc, de les ra–
mcner
a
travers les États autrichiens sur l'Elbc,
ou Napoléon fcrait d'eux ce qu'il luí plairait. On
aurait ainsi résolu l'une des plus grosscs díffi–
cultés du moment.
Les Russes avaient aecepté la secrete conven–
tion dont nous venons de parler, et
l\'I.
de Nes–
selrode, dcvenu, non pas encore en titre mais en
fait, le ministre dirigeant d'Alexandre, s'était
ha.téde la signer. Restait a faire agréer ces di–
vers arrangements au roí de Saxe.
Ce pauvre roi, horriblcment tourmenté, ne sa–
chant plus
a
qui se donner, mais suivant volon–
tiers l'Autriche , dont la posítion ressemblait fÓrt
a la sienne, avait consentí
·a.
tout ce qu'on lui
avait proposé. II avaít stípulé
a
l'égard de saca–
·valcl'Íe conduite a Ratisbonne, de son infanlerie
enfermée daos Torgau, de la place de Torgau et
de celle de Krenigstein, qu'il ne serait usé de ces
forces et de ces places que d'accord avec l'Au–
triche, conjointcment avec elle, et conformément
a
son plan de médiation. A l'égard des troupes
polonaises, il avait consentí que, rentrées en
Gallicie, on leur otat momentanément leurs
armes, sauf a les leur rend1·e ensuite, et qu'on
les conduisit
a
travers les États autrichiens, en
lcur fouroissant tout ce dont elles auraient be–
soin, a un point de la Baviere ou de la Saxe qui
scrait ultérieurement désigné. Par malheur pour
cette comhinaison, il se trouvait dans les troupes
polonaises un bataillon de voltigeurs fran<;ais, et
ce n'était pas une médiocre affaire de désarmcr
des Fran<;ais, surtout en prétendant rester les
alliés de la France.
Ce poiot obteou,
il
fallait arracher au roi de
Saxe l'abandon définitif du duché de Varsovie,
afin d'oter
a
Napoléon, avons-nous dit,. un em–
barras et un argument, et l'Autriche voulait pro–
poser
a
la Saxe comme dé<lommagcment de la
Polognc la jolie .principauté d'Erfurt, jusqu'ici
gardée en dépót par la Fraoce, et un moment
offertc en dédommagement au duc d'Oldenbourg.
Mais Ja Saxe, tout en· cédant aux vues de l'Au–
triche, s'était défendue quand on lui avait parlé
du sacrifice du grand-duché de Varsovie, car
El'furt, quoiqu'une jolie enclave de ses État9,
ne valait pas cette glorieuse couronne de Po–
lognc , qui un siecle auparavant brillait si bien
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