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LIVRE QUARANTE-NEUVIEME.
rections, et
a
Mortier d'etre aux écoutes, pret
a
courir
a
Kuhn si Vandamme en avait bcsoin.
Ayant la tete pleine des souvenirs du passé, se
rappelant avec quelle facilité
il
ramassait jadis
les Prussiens ou les Autrichiens vaincus, ne vou–
lant pas tenir compte de la passion qui les ani–
mait aujourd'hui et les r endait si difliciles
a
décourager,
il
estimait que c'était assez de pré–
cautions pour obtenir encore de tres-grands r é–
sul ta ts de la victoire de Dresde. D'ailleurs il était
absorbé en ce. moment par une vasle combinai–
son
1,
au moyen de laquelle il espérait, profitant
du coup si rude frappé sur I'armée de BoLeme,
s'avancer sur la route de .Berlín
a
cinq marches
de Drcsde, écraser l'armée du Nord, accablcr
d'un meme coup Ja Prusse et Beroadotte, ravi–
tailler les places de l'Oder, envoyer des encou–
ragements
a
celles de
la
Vistule, et imprimcr de
la sorte une face nouvelle
a
la guerre, dont le
théatre serait pour un instant reporté au nord
de l'Allemagne. Ainsi Berlin, les places de l'O–
der et de la Vistule, qui déja l'avaient disposé a
trop étendre le cercle de ses opérations, le préoc–
cu paient de nouveau, et allaient le détourner de
ce qui aurai t du etre pour quelques heures son
objet essentiel et uniqu e. Sans doute, comme on
en jugera bienlót, sa conception était singulierc–
ment grande, mais elle était malheureusement
intcmpestivc, et prématurée au moins de deux
jours
!
Tout entier a ses calculs et da ns le feu
d'une premiere conception, il expédia les ordres
sui vants pendan t la matinée du 50. 11 enjoignit
au maréchal :Mortier
a
Pirna de Jui r envoyer
a
Dresde deux divisions de
Ja
jeune garde, et avec
les deux autres <l'aller au secours de Vandamrne;
a
lUurat de lui r endre une moitié de la grosse
cavalc rie, et avec le r este de continuer a pour–
suivre l'eonemi sur la chaus ée de Freyberg . 11
or donna au marécbal l\!armont de pousscr vive–
mcn L I'cnnemi sui• le tlébouché d'AHenberg et
Zinnwald , ou d'apres tous les rápports les co–
lonnes des llusses, des Prussieos et des Au tri–
chiens se pre saient pele-mcle; au rnaréchal
Soint-Cyr de secooder l\Jarmon t dans ceLle opé–
ration , ou, ce qu i valait mieux, de chercher par
1
Quand il voulait se rendre bien eomple de ses idées, ·a–
poléon les meUait sur le papíer, >achant, comme tous les
bommrs qui ont beaucoup pensé, que rédiger ses idécs c'est
les approfo ndir davantage. JI avait done diclé son projet dans
une note adm irable, intilulée :
Note siw la situalion gé11érale
de mes affaires le
50
aoüt,
assez semblable
a
cellcs qu'il écri–
vit
a
Jo
cou en octobrc 1812, et révélant sa pcnsée toul en–
tifa·e au moment oü Vandammc étail
a
Kulm. On voit dans
eeUe note la waie cause de la négligencc qu¡ amena le malheyr
un chcmin latéral
a
gagner la chaussée de
'Pé–
terswalde, afio de se joindre
a
Vandamme, et il
espéra ainsi que pressés en queue, menaeés en
flanc, retenus en tete, les eoalisés essuieraient
quelque désaslrc. II prescrivit de faire immé–
diatement passer l'Elbe anx troupes qu'il rede–
mandait, et ne cacha point
a
Murat que c'était
dans l'intention de marcher sur Berlin.
Tandis qu'il concevait ces projets, et expédiait
ces ordres, les coalisés
a
Treplilz ne formaient
pas d'aussi vastes combinaisons, et ne songeaient
qu'a se tirer <lu péril auquel ils s'étaient irnpru–
demrnent exposés en descendant sur les der–
rieres de Dresde. La r ésistance heureusement
opposée
a
Vandamme dans la journée du 29
leur avait rendu quelque confiance. Tout ce qui
leur étaitarrivé de troupes russcs etautrichiennes
par le chemin d'Altenberg sur Treplitz, avait été
rabattu sur leur gaucbe, et placé derriere Pries–
ten et Karbilz, afin de présenter
a
Vandamme
une barriere de fer. lis se flattaient done de
l'cmpecher de déboucher de Kulm, et de lui
faire peut-etre éprouver un écbec, ce qui les dé–
dommagerai t lant soit peu des journées du 26
et du 27 aout, et procurerait
a
toutes Jeurs co–
lonnes le temps de r epasser les montagnes en
sureté. Pourtant il lcur restait une grave inquié–
tude, c'était pour le corps prussien de Kleist,
qui avait du suivre le corps autriehien de Collo–
redo daos le premier projet de retraite, et pas–
ser avec luí par Dippoldiswalde, Altcnberg,
Zinnwald: Treplitz, mais qui en avait ét.é em–
pcché par le mouvement transversal de Barclay
de Tolly, lequcl, ainsi qu'on l'a vu, s'était re- ·
porté brusquement ele la chaussée de Péterswalde
sur le chemio d'Altenberg, afi n d'éviter Van–
damme. Retardé dans sa marche, et obligé d'at–
tcndre que Je ch emin füt libre, le corps de Klcist
était encore le 29 au soir sur le r evers du GeyeT's–
berg, et on craignait pour lui les plus grands
malheurs, car le corps de Saint-Cyr était tout
a
fait sur ses t::ilons. Le roi de Prusse, apres en
avoi r conféré avcc l'cmpereur Alexnndre, en–
voya le colonel Schreler, l'un de ses aides de
camp, au géoéral Kl eist, pour le prévenir de la
de Vandamme, surlout en la rapprochant des orclres donnés
Je mémc jour
a
Mural et
il
Mortier, el on sent combien est ridi–
cule la fob le de celle indisposition que certains narraleurs
onl invenlée, et qu'ont accueillie avec empressement ceux qui
ont le gotit de croi1·e qu'en histoire les plus grands événc–
ments vicnnent des plus pelites causes, gout singulicr et qui
attcslc une médiocre portéc d'esprit. Tanl pis, en effel, pour
ccux qui c1·oicnt plus volonlicrs aux pelites causes qu'aux
grandes!