DHESDE ET VI1'TORIA. -
AOUT
18H.
17!>
nemi, et Saint-Cyr et Ney, s'ébranlant
a
gauche,
gravissaient les hautcurs
a
la suite des Russes. A
six heures du soir nous avions enlevé aux coa–
lisés
1
l'S
a
16
mille prisonniers, au moins qua .
r:mte bouches
a
feu, et
il
restait sur le terrain
'10
a
11
mille ennemis morts ou blessés, la plu–
part par le canon, excepté ccux qui avaient suc–
combé sous les ba'ionnettcs de Victor et les sa–
bres de l\'lurat. Les coalisés avaient done perdu
26 ou
27
mille hommes, sans compter les trai–
nards et les égarés que nous allions recueillir par
milliers. Cette belle journée, clerniere faveur de
la fortune dans cette affreuse campagnc, nous
avait couté enviroi1 8
a
9 mille hommes, presque
tous atteints par les boulets. Elle était principa–
lément due
a
Napoléon, qui d'un coup d'reil avai t
vu dans la vallée profonde de Plauen un moyen
d'isoler et de détruire une aile de l'armée enn e–
mie, et apres Napoléon
a
1\furat, qui avait exé–
cuté cette belle manreavrc avec un succes mcr–
veilleux. Sans cet accident de terrain le champ
de bataille de Dresde, partout dominé, n'eut pas
été tenable pom nous, rnais Napoléon en saisis–
sant avec le regard du génie une particularité
toute locale, en avait foit soudainement un
théatre de victoire pour lui, un théatre de con–
fusion pour ses adversaires
!
Heureuse inspira–
tion de laquelle
iI
attendait de plus grands r é–
sultats encore que ceux qu'il vénait d'obtenir.
Ayant
a
quatre lieues sur sa gauche quarante
mille hommes embusqués, il ne pouvait penser
saos une involontaire joie
a
l'effet que produi–
raient ces quarantc mille hommes tombant
¿,
l'improviste sur les derrieres des ennemis battus, ·
et tout en s'applaudissant de la victoire du jour,
il
se promettait,
il
prornettait
a
tout le monde
de bien autres trophées pour le Jcndemain. Hélas!
il
ne se doutait pas qu'une combinaison des linée
a produire les plus brillants résultats ne serait
bientót qu'une source de malhcurs
!
La fortune
daos ces derniers temps ne devait· plus lui ac–
corder que de's triomphes empoisonnés, ordi–
naire traitemeot qu'elle réserve
a
ceux qui ont
a:busé d'elle
!
Nápoléon rentra daos Drcsde
a
la chute du
jour, au milieu des cris enthousiastes de la po–
pulation, enchanté'e d'etre débarrassée des deux
cent
mille
coalisés qui, avant de la délivrer des
Ftan<;ais, lui auraient fait subir les horreurs
d'une prise d'assaut. Ayant supporté pendant
douze heures une pluie cootinuelle,
il
avait les
bords de son chapeau rabattus sur les épaules,
était couvert de bo1,1e et rayonnant de satisfac-
tion. Il alla chez le roi de Saxe, qui lui témoigna
la satisfaction la plus vi ve, et an milieu de ce
contentement, sincere chez les un s, affecté chez
les autres, démonstratif chez tous, il y avait une
qucstion qu'il ne cessait d'ad1·esscr
a
chacun. Au
moment ou le boulet qui avait frappé Moreau
était tombé dans le groupe de l'empereur Alcxan–
dre, Napoléon avait clairement disccrné,
a
l'éclat
des u niformes, que ce groupe était celui des sou–
verains, et
il
ne se lassait pas de dcmander : Qui
doncavons-nous tué dans ce brillant escadron
?...
- 11 le sut peu d'instants apres par le plus
étrange des incidcnts. L'illustt·e blessé avait un
chien qui était resté dans ia chaumiere ou on lui
avait donné les premiers soins. Ce chien, amené
a
Napoléon, portait sur son collier :
J~appa1·tiens au
général
Mo1·eau
!
C'est ainsi que Napo–
léon apprit la présence ét la mort de 1\foreau
dans les rangs des coalisés
!
En at.tendant
il
donna ses ordres pour que ses corps d'arméc,
apres s'etre r éch auffés
a
de grands feux et re–
posés une nuit entihe, se missent en mouvement
des la pointe du jour du 28, afin de poursuivre
l'ennemi
a
outrance, et de r ecucillir toutes les
conséquences de Ja belle victoire du
27.
Les coalisés ayant r étrogradé jusqu'au sommet
des hauteurs qui entourent Dresde, se mirent a
disculer la direction qu'ils donneraient
a
la re–
traite. Les uns voulaient s'arreter aux débouchés
des monlagnes de la Boheme, comme l'avait con–
seill é le général Moreau avant la bataille, les autres
voulaient se retirer tout de suite en Boheme, au
dela meme de l'Eger, et de cet avis était surtou t
le généralissime prince de Schwarzenberg, qui
désirait r éorganiser son armée, et la remeltre
du r ucle coup qu'elle venait d'essuyer. Demeurer
sur le vcrsant des montagnes en présence d'un
ennemi victorieux, et habitué comme Napoléon
a
tirer
UD SÍ
grand partii de la VÍCtoire7 h'était
plus proposable. Repasser les montagnes, sauf
a
décider ensuite jusqu'ou l'on pousserait le mou–
vement rétrograde, était done la premiere et la
plus inévitable des résolutions
a
prendre. Elle
fut prise. Restait
a
savoir quels chemins
OD
sui–
vrait pour repasser les montagnes. La grande
route de Pélerswalde était sinon perdue, au
moins fort compromise. En effet, le général Van–
damme exéculant les ordres de l'Empereur avait
la veille, c'est-a-dire le 26, franchi l'Elbe
a
Kre–
nigstein, assailli le plateau de Pirna faiblement
gardé, et s'était établi dans ce camp, d'oti
il
do–
minait la route de Péterswalde sans toutefois
l'intercepter entierement. On avait bien envoyé