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LIVRE QUARANTE-NEUVIEl\'IE.
pouvait pas remplir
a
elle seule. Entre cetle di–
vision et la deuxieme, c'est-a-dire vers le centre,
les forces paraissant insuffisantes, Napoléon y
envoya une partie de la garnison de Dresde
composéc de Westphaliens.
11
ordonna au gé–
néral Teste de rentrer en ville avec sa l>rigade
laissée sur l'Elbe, pour venir soutcnir la cava–
lerie de Latour-1'1aubourg daos la plaine de
Friedrichstadt.
On attcndit ainsi résolument l'attaque des
deux cent 1nille ennemis qu'on avait devant soi,
et dont on devait supposer que l'e[ort serait
violent, car ils ne pouvaient se flattcr d'emporter
Dresde que par un coup d'extreme vigueur.
Pourtant on était
a
la moitié du jour, et on
n'en tcndait qu'un feu de tiraillcurs sur notre
gauche, du coté du
Gross-Garten.
Ce feu s'était
engngé entre les Prussiens et la
44ª
division
habileme11t ·commandéc par le général Berthe–
zcne.
Il cst 3isé de deviner pourquoi les coalisés
étaicnt si lents ce jour-la, c'est qu'il s'était élevé
un nouveau conOit d'opinions au scin de leur
état-major. Ils éLaicnt convenus Ja veille d'ajour–
ner toute résolution jusqu'au lendemain 26, soit
pour laisser arriver la quatriemc colonne, celle
de Klenau, soit pour lire plus elairemcnt da ns
les desscins des Franc;ais. Le 26 au matin tout
Jeur avait paru changé , car Saint-Cyr, au licu
d'etre déployé dans la plaine , s'était sagement
rcplié sm les ouvrages de la ville, et ne semblait
pas facile
a
forcer dans sa position. De plus on
dcvait supposer que Napoléon n'était pas homme
a
l'y abandooner sans secours, et que des lors
les cinq ou six rnille hommes, les dix mille peut–
etrc, qu'on serait obligé de sacrifier pour enlevcr
Dresde, seraient probablement sacrifiés ioutile–
ment, ce qui était un triste début poor la grande
armée coalisée, sans compter les dangers qu'on
pomrait courir do cóté de Pirna, et dont per–
sonne au reste n'avait une idée claire parmi les
conlisés
!
Dans ce nouvel état de choses, le général
Jomini, qui avait !'esprit ardent mais juste, se
rangca au sentiment du général l\foreau , l'crn–
pereur Alexandre a celui de tous les deux, et on
parut décidé
a
se rcplíer sur les hauteurs de
Dippoldiswalde, pour s'y établil', le dos contrc
les montagnes, dans une position tout
a
la fo is
sure et mena<¡ante. 1\Iais le roi de Prusse, do –
miné par les passions de son armée, <lit avec un
ton d'opiniatreté froid e, qu'apres avoir fait une
tcntative si ambitieuse sur les derricres de Na–
poléon, se r elirer sa ns mcme cssaycr une dé-
monstration contre Dresde, était une conduite
qui dénoterait autant de légereté que de fai–
blcsse, et qui d'ailleurs froisserait singulierement
le patriotisme de ses soldats. Le général Jomini
répliqua que la guerre n'était pas une affaire de
sentirnent, mais de calcul, qu'il aurait fallu at–
t.aquer la veille, c'est-a-diré le 25, qu'alors on
aurait cu des chances, mais qu'aujourd'hui il n'y
en avait pas assez pour sacrifier six mille hom–
mes. l\foreau appuya cet avis; Alexandre, sui–
vant son usage, paraissait flottant,
Je
roi de
Prusse se montrait mécontent et roide, lorsqu'uu
habitant de Dl'esde, arreté :.iux avant-postes, et
sommé de dire ce qu'il savait, déclara que Na–
poléon venait d'entrer dans Drcsde, qu'il n'y
était pas entré seul, et donna des détails tcls., qu'il
était impossible de conserver aucun doute
a
cct
égard , De son coté la colonne russe descend ue
par Péterswalde avait aperc;u au dela de l'Elbe
les masses de l'armée frau <¡aise accourant sur
Dresde, de fac;on que lout annon<;ait une résis–
tance des plus sérieuses. Des lors
il
ne pouvait
plus y avoir qu'un avis, celui d'aller prcndre
tout de suite la position de Dippoldiswaldc. Le
prince de Schwarzenberg, tout en rcconnaissant
qu'on avait raison, répondit qu'il n'était pas aussi
facile de se retirer qu'on l'imaginait, que sa qua–
tricme colonne , arrivée la derniere, et fort
avancée vers la gauche, se trouverait en péril si
on r étrogradait trop vite, car dans le mouvement
de convcrsion en nrriere qu'on allait opérer pour
s'éloigner de Dresde et s'adosser aux montagnes,
elle aurait !'are de cercle le plus long a décrire,
plusieurs vallécs
a
traverser' et qu'il fallait
a
cause d'elle ruettre beaucoup de lenteur
a
se re–
plier. 11 promit au surplus de contremander tout
projet d'altaque. Le généralissime autrichien,
qui avait pour prineipal rédactcur de ses dispo–
sitions le général Radetzki, avait adressé la veille
pour le lendemain l'ordre convenu de faire une
forte démonstration sur Dresde, ce qui, dans
tous les cas, était tres·mal imaginé, car il aurait
fallu ou une attaque furieuse, ou ríen. Soit la
difficulté de changcr assez vite les ordres destioés
a
une masse de deux cent mille hommcs, soít la
répugnance
a
s'en allcr sans combaltre, l'ordrc
d'altaquer ne fut pas contrcmandé
a
temps, et
les cloches de Dresde ayant
a
toutes les églises
sonné trois heures, les nornbreuscs colonnes
des coalisés s'ébranle1·ent a Ja fois, et bientot une
violente canonnade se
fit
enLcndre, au grand
étonnement des souverains qui ne songeaient
qu'a se retirer. Le mouvemcnt étant ainsi donné,