DRESDE ET VITTOUIA. -
Aóúr
·t 815.
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cien camarade Bernadotte·, feignant d'écouter ses
scrupules, mais réchauffant ses haines, lui pro–
mettant qu'il trouverait aupres de l'cmpcreur
Alexandrc satisfaetion pour tous ses désirs, l'a–
vait envoyé au quartier géoéral russe
1 •
Alexandrc
avait accueilli ce proscrit avec des; hooneurs io–
fiois, l'avait trailé en ami, et avai t calmé ses
scrupules en luí affirmaot qu'on n'co voulait ni
a
la France ni
a
sa grandeur, qu'oo était pret
a
lui laisser les belles condilions du lraité de Lu né–
ville, qu'on n'entendait luí imposcr aucune forme
de gouvernement, et qu'on s'emprcssernit au
contraire de reconnaitre celui qu'clle aurait clle–
rneme ehoisi, ce gouvernement fUt-il celui de Ja
répul>lique. Rcpoussn nt cornme imp1·ali cablc le
projct d'armer les prisonniers frao<;:ais,
il
avnit,
par une pente insensible, d'ou toulcs les appa–
rences coupables étaicnt soigr1euscment écar–
tées, amcné l'infortuné Morcau
a
la déplorablc
résolution, non p:is dé servir conlrc Ja Frnn ce,
mais de rcsler auprcs des souvcrains qu i Ja com–
ballaient, difl'ércnce qui pouvait luí faire illu–
sion, mais qui n'cn étai t pas une, car il était im–
possible qu'il ré idat auprcs d'eux pcndant celte
cruellc guerre sans les éclaircr au moins de ses
conseils. Pour achever celtc éd uclion, Alexandre
avait employé sa sceur, la grande-duch cssc Ca–
therine, veuve du duc d'Oldenbourg, princcsse
remarquable par l'csprit, le caraclcre, les agré–
ments extéricurs, et tous deux, trailant 1'1orca11
comme un
ami,
l'avaient ai nsi aveuglé, élourdi
par les plus adroiles fl attcries, et l'a vaicnt en–
traioé définitivemcnt sur la voie oú il allait r cn–
contrer la plus cruclle des morts , ccllc qui avec
sa vie devait cmporter sinon sa gloire, du moins
son innocence. C'est depuis qu'il avaiL J\Ioreau
a
ses cotés qu'Alexandre r egrettait le cornmande–
ment général.
11
aurait voulu le prendre pour
chef d'état-mnjor, et avec lui dirigcr la guerre.
1\fais
il
n'était pas possible d'imposer Moreau au
prince de Schwarzenberg, ni comme supéricur
ni comme subordonné, et de luí ménager un
róle mcme !;éant, soit pour lui, soit pour les gé–
néraux de la coalition. l\Ioreau se lrouva it ai nsi
daos le camp des coalisés
a
tilre d'ami privé de
l'empereur Alexandre , vivant ta ntót pres de lui,
tantot pres de Ja grandc-duchesse Catherine qui
était établie
a
Tceplitz, n'aimant point
a
figurer
1
Ce n'est point sur des conjcctures ni sur les inlcrpréla-
1ions des amis du génél'al Mo1·ea u, muis d'aprcs les letlres de
ce général, 11·ouvées depuis sa mort, que j'écris ces pages. La
faute du général l\lorcau fut assez grave pour qu'on
11c
)'exa–
gere point, et on doit 11 ses grands scrviccs d'au\rcfois,
a
son
CONSVLAT.
1),
dans ces conseils militaires oú l'on varlait. si lon–
gucment, oú l'on étai t
a
la foi s bouillant d'un
pn lriotisme qui é!ait pour lui un reproche, et
plein d'idécs théoríqucs qui n'allaicnt pns
a
son
génie simple et pratique, se bornant
a
donncr
dircclement ses avis
a
Alexnndrc, réussissan t ra–
rcmcnt
a
les faire prévaloir
a
tr avers le chaos
des avis contraires, et déja cruellemcnt puni de
sa fnute par
ln
position fausse, gcnéc, presque
humilian le, qu'il avait au m ilicu des enncmis de
sa patrie.
Le général Jomini, Su isse de naissance, écri–
vain milítaire supérieur, et da ns In pratique <le
la guerre officicr d'état-major d'un jugcm<:nt
aUSSÍ
Slll'
qu'élevé, ::wait
J'COQ ll
a
)'arméc fran–
<;:nise, soit
a
Ulm, soit
a
la Ilérézina , soit
a
Bautzen, des scrvices dont il avait élé mnl ré–
compensé . A Bautzcn notnmmeot, nprcs avoir
sigoalé au maréchal Ney le vrai point ou il au–
ra it fallu marcbcr,
il
avait rcc;u une punilion au
licu d'une récompense, ce qu' il dcvait aux mau–
va is officcs du prince major général , dont il avail
souvent biessé la susccptibilité. Vif, irritab le,
ayant voulu plusieurs fois donner sa dém ission
et entrer au ser vice de Ja Russie qui sºéta it em–
pressée de répond rc favoraulcmeot
a
ses désirs,
il n'avai t pas su se contenir en éprouvan t le der–
nier désagrémcnt qu'on venait de l ui iníligcr, et
pcndant l'armistice il ava it pnssé nux Russcs,
sans emportcr, comme on l'a dit, des plans qu'il
ignorait, saos manqucr asa patrie puisqu'il était
origioaire de Ja Sui se, muis ayant le tort de ne
pns sncrifie1· des gricfs memc fo n<lés
i1
une vi ril le
confrnlernité d'armes, et se préparant ainsi des
rcgrets qui dcva icnt altristcr sa vic.
JI
était ar–
rivé au prcs d'Alexandre, qui, connaissant son
mérite , lui nvait fa it le plus bri llant accucil. La
il parlait hant., avec Ja c11aJcur d'un esprit ardent
et comaincu, déplaisait aux généraux alliés en
vantant Napoléon et les Fran<¡ais qu'i l était pres–
que fach é d'avoir qu ittés, et censurait saos rné–
nagemen t tous les projets militaircs formés
a
Tracbcnbcrg.
JI
n'avait pas eu de peine
a
prou–
ver
a
J'cmpcreur Ale:xandre que marcher sur
Leipzig était une .insigne foli e, que se porter sur
les communications de l"enn em i Jorsqu'on é tait
sur de ne pns compromellre les sienncs, et qn'on
ne craignait pas une rcncontre décisive, pouvait
ancicn désinléresscmcn1,
a
sn gloirc, de réduírc
a
ce qu'il
fu t
véri tabiemcnt, !'acle coupablc qui a terni une des plus bellcs
vies des tcmps modcrnes. Les lctLres que j'ui dans les mains,
écriles avcc la plus parfai1c simplicitr, él:.i blissent ce que j"a–
vance d'une mnniere incontestable.
H