160
LIVRE QUARANTE-NEU\TIE:l\JE.
rait diriger vers Berlin, contre Je corps du ma–
réchal Oudirrot. Toujours occupé, comme on le
voit, de la marche de ce maréchal sur Ja c:ipitale
de la Prusse, pour laq uelle il avait déja trop
étendu le cercle de ses opérations, Napoléon con–
tinuait
a
faire
a
cet objet des sacrifices regrctta–
bles, car l\facdonald' laissé
a
quarante lieues de
Dresde, pouvait, quoique débarrassé de l'ennemi
en ce moment, etre assailli de nouveau avec plus
de vigueur, et courir degrands dangers en atten–
dant qu'on vinta son secours.
Ces dispositions prises, Napoléon ayant vu
Blucher en retraite sur Jauer, partit pour Gor–
litz, vers le milieu du jour, tandis que la garde,
le corps de Marmont et la cavalerie de Latour–
Maubourg y marcbaient au pas
des
troupes. Les
nouvelles se multipliaient
a
mesure qu'il appro–
chait, et lui peignaie!!_t la ville de Dresde comme
fort émue. Le roi de Saxe, la population, les gé–
néraux memcs préposés a la défense de ce poste
important, étaient frappés de la masse immense
d'ennemis qui, venant de la Boheme, dcsccn–
daient des montagnes sur les derricres de cette
capitale. Les rapports s'accordaient unanimement
a
dire que les hauteurs qui entourent Dresde sur
Ja rive gauche de l'Elbe, étaient couvcrtes de sol–
dats de toutes nations. On y voyait poindre au
sommet des coteaux la lance des Cosaques, tant
redoutée des habitants paisiblcs.
La grande armée de Ja coalition, celle qui,
composée de Prussiens, de Russes, d'Autrichiens,
au nombre de 250 mille hommcs , devait profiter
de la Boheme pour tourner la position de l'Elbc,
avait en e.1fet exécuté le plan arreté
a
Trachen–
berg, et apres avoir opéré sa concentratioo, entre
Tetschen et Commotau (voir la carte n º 08),
venait de déboucher en Saxe par tous les défilés
de
l'Erzgebirge.
Elle avait marché sur quatre
colonnes, formées d'apres l'emplacement des
troupes. Les Russes venant du fond de la Boheme,
puisqu'ils partaient de la Silésie, n'avaien t guere
pu dépasser l'Elbe, et avaicnt pris la chaussée de
Péterswalde, qui longe Je camp de Pirna, et des–
cend sur Dresde en ayant toujours l'Elbc en vue.
Le corps prussien de Kleist, marchant en avant
des Russcs, avait suivi la routc qui se trouvait
un peu plus a gauche (gauche des coalisés dé–
bouchant en Saxc), laquellc était moins bien
frayée, mais encore fort praticable, et passait
par Treplitz, Zinnwald, Altenberg, Dippoldis–
walde. Les Autrichiens, les plus avancés parce
qu'ils partaient de chez eux, avaient pris la
chaussée de Commotau
a
Marienberg et Chem-
nitz, qui est a Ja gauche des précédentes, et
forme Ja grande route de Prague
a
Leipzig.
L.esnouvelles levées autrichiennes, composantsous Je
général Klenau une qnatrieme colonne, devaient
par Carlsbad et Zwickau s'abattre sur Leipzig.
l\'Iais
a
peine était-on en marche, que le plan
arrcté par les coalisés
a
Tracbenberg avait été·
modifié, grace
a
l'instabilité des cooseils mili–
taires de la coalition, ou personoe ne comman–
dait, parce que personne n'en était tout
a
fait
capable. Le commandement nominal avait bien
été déféré au prince de Schwarzenberg pour
flatter l'Autriche, mais au fond l'empereur
Alexandre regrettait de ne pas l'avoir pris lui–
meme, aurait bien voulu le ressaisir, surtout
depuis l'arrivée
a
son camp du général Moreau
et du général Jomini, avec Je secours desquels
il croyait pouvoir conduire glorieusement les
affaires de Ja coalition.
Le général 1\foreau, comme nous l'avons déja
<lit, rcvenu d'Amérique au bruit du désastre de
Napoléon en Russie, saos autre but qu'une espé–
rance vague de rentrer dans son pays par des
voies honnetes, avait formé un projet qui n'était
pas dépourvu de chances de succes. Ayant appris
que I'empereur Alexandre avait plus de cent
mille prisonnicrs
fran~ais ,
tous exaspérés contre
l'autcur de l'expédition de 1\foscou,
il
avait ima–
giné qu'on pourrait bien armer quarante ou cin–
quante mille d'entre eux, les transporter au
moyen de la marine anglaise en Picardie, et
il
répondait, en marchant avec eux sur París, de
renverser le tróne impérial, pourvu que les sou–
vcrains alliés le munissent d'un traité de paix
dans lequel la France, laissée libre de se choisir
un gouvernement, conserverait ses Jimites natu–
rclles, les Alpes et Je Rhin. Moreau, aimant
la
liberté, ayant en haine le gouvernement despo–
tiquc qui pesait alors sur la France, se croyant
supérleur aux lieutenants de Napoléon, préten–
dait qu'il Jeur passerait sur le corps
a
tous,
moyen nant qu'il se présentat
a
la tete de soldats
fran~ais,
qu'il annon9at une paix honorable, une
liberté s:ige, et la fin de l'épouv:rntable carnage
auquel Napoléon obligeait l'Europe par son am–
bition démesurée. Sans liaisons avec les Bour–
bons, n'étant aucuncment porté vers eux, il ad–
mettait ccpendant que l'on cherchat
a
-concilier
cette antique famille avec Ja Révolution fran–
c;aise, et qu'on la rappeJat pour établir un gou–
vernement
a
Ja fois stable et Iibéral, qui mlt fin
aux longs troubles de la Franee. C'est avec ces
idées qu'il était vcnu
il
Stockholm, et la son an-