DHESDE ET VJTTORJA. -
AOUT
i81.5 .
séduire Napoléon : toutefois le mouvemcnt qu'il
ordonnait
a
sa gauche était bien allongé, les corps
qui devaient
y
concourir étaient bien distants les
uns des autres, et leur coopération dépendait de
beaucoup de circonst.ances qui poavúent n'etre
pas toutes het1reuscs. Ses généraux, saos etre
moins braves, n'avaient plus cette confiance qui
soutient dans les situations hasardcuses; ses
troupes étaient jeunes et mélangées, et le ras–
semblement de Bernadotte auquel elles avaient
affaire, quoiqu'un ramassis lui-meme, composé
de gens ele toute origine, était réuni par le plus
puissant des liens, la passion. Enfin si !'un de
ses lieutenants venait
a
se faire battre, il fau–
drait allev tres-Join pour lui porter secours.
11
est done vrai qu'en cette pa11tie seulement l'ha–
hile réseau tendu par Na.poléon était un peu
relaché. l\1ais le désir ardent de rentrer dans
Berlín, d'avoir sa mafo toujours dirigée vers
Dantzig, de pouvoir en une bataille gagnée se
rctrouver sur la Vistu-Je, avait
ici
altéré quelque
peu la parfaite rectitude de son jugement mili–
taire, oomrne Ja préoccupation de refaire toute
sa grandeur d'uo seul coup avait cemplétement
égaré son jugement politique.
Cette défectuosité en avait entrainé une autre
dans la parbie de son plan que nous avons déja
reti·acée, et qui était la plus fortement convuc.
11
avait en effet trop éloigné de Dresde les quatre
corps qui gardaient son front en avant de l'Elbe.
Des bords du Bober, ou étaient postés les corps
de
Ney,
de Marmont, de Macdonald, de Lau–
riston, aux bords de l'EJbe, c'est-a-dire de Lo–
wenberg a Dresde, il
y
avait six jours de marche.
(Voir la carte nº 56.) C'était beaucoup trop pour
que NapoJéon, avec sa réserve, eút le temps de
secourir les corps qui étaient a Lowenberg, ou
ceux qui étaient a Dresdc. Tant qu'il pouvait se
tenir entre deux, soit
a
Gorlitz, soit
a
Bautzen ,
il n'y avait pas de danger, car en moins de
trois jours il lui était_facile de se porter
a
Lo–
wenberg, ou de rétrograder sur- Dresde, et
d'etre présent ainsi partout ou il serait nécessaire
qu'il fút pour prévenir, ou pour 11éparcr un
échec. Mais s'il était attiré
a
l'une des extré–
mités,
s'~l
était a·ppelé
a
Dresde par exemple,
il
se pouva1t que sur le .Bober il arrivat un grand
malheur
a
}'un de ses lieutenants, et qu'il vint
trop tard pour
y
remédier, puisqu'il faudrait
1
Cetle grave délihét-ation ele Napoléon avcc Iui-n¡eme se
trouve constatée par de longues notes qu'il a écrites sur son
plan de campagne, et dans lesquelles il a donné tous les mo–
tifs de ses diverses résolutions, bien avant le résultat qui jus-
s1x JOtu•s au moins pour
y
amcncr du rcnfort,
ou bien que s'il était a l'extrémité opposée, c'est–
a-dire
a
Lowenberg, Dresde
a
son tour se trouvat
en péril d'etre secouru trop turd. En un mot,
pour 1nanreuvrer concentriquement autour de
Dresde, comme
il
l'avait fait jadis aulour de Vé–
ronc, avec une réservc placée au centre et portée
altcrnativement sur tous les points de la ci1·con–
férence, le ecre!c était trop grand, Je rayon trop
allongé.
Était-ce inadvcrtance chez un esprit parvenu
a
une si prodigieuse expérience, a une si rigou–
r euse précision dans ses calculs? Assurément
non; mais c'était le dangereux désir de faciliter
le
r~1ouvement
sur Berlín et la Vistule.
11
avait
en effet discuté longuement avec lui-meme s'il
devait établir sur le Bober ou sur la Neisse,
c'est-a-di-re
a
Lowenberg ou a Gorlitz, son corps
le plus avancé, et, bien qu'il cut préféré le mct–
tre
a
Gorlitz, ce qui lui eút permis de placer sa
réserve
a
Bautzen, et cut réduit de moitié
le
chemin qu'il avait a faire pour aider les uns ou
les autrcs,
iI
y
avait renoncé par ce motif, qui
i·évele tout le secret de ses résolutions
1,
c'est
ql.l'cn portant a Gorlitz son corps le plus avancé,
il n'opposait pas assez d'obstacles a un mouve–
ment qlle les armées coalisées pouvaient clrc
tcntées d'exécuter par leur droitc, pour arreter
Je maréchal Oudinot dans sa marche. A Lowen–
bcrg, au contraire, les cent mille hommcs de
Ney, de l\'larmont, de l\facdonald, de Lauriston,
empechaient absolumcnt les armées enncmies de
Bohcme et de Silésie de se transporter par la
Lusace dans le Brandebourg, et de secourir
BerJin. Ainsi, toujours ce désir d'un résultat
merveilleux, ce -désir de tendre un bras vers
BerJin et sur la Vistule, gatait ses combinaisons
mililaires, comme déja
il
avait perverti ses réso–
lutions politiques, et le poussait a aífaiblir' en
l'étendant trop, un cercle de défense qui, plus
resserré, aurait été invincible
!
Bicnlót la guerre,
qui ameoe uoe rémunération immédiate des
bons et des mauvais calculs, devait récompenser
les uns par d'éclatants succes,
pun.irles autres
par d'éclatants revers
!
l\his n'antieipons pas sur
des événements dont le triste récit n'arrivera
que trop tót
!
Les forces de Napoléon étaient loin d'égaler
celles dé Ja coalition. Les corps de Saint-Cyr,
tilia les unes et eondamua les auti·es. 11
n'y
a done pas ici
un~
idéc qui luí soit faussement, ou meme conjecturalcment prc–
téc, puisque les intentions que nous lui alll'ihuons sont toutes
formi:llement constatées par éerit.