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LIVHE QUAHANTE-NEUVJEl\fE.
fallait prévoir ses désirs qui naissaient de sa si–
tuation méme, et se résigner
a
]es sat.isfaire, ce
qui apres tout n'aurait pas été tres-couteux. :Mais
]a pousser
a
prendre son épée, et se figarcr
qu'elle l'empJoicrait pour nous et non pour elle,
a notre gré et non au sien, était le comble des
iHusions, de ces illusions que les grands esprits
se font aussi bien que les plus petits, lorsqu'ils
ont besoin de se tromper eux-rnémes. Si
a
eotte
faute on joint celle d'avoir signé l'armistice de
PJeiswitz avant d'avoir rejeté les coalisés sur Ja
Vistule et Join des Autrichiens, seconde fo ute
qui tenait, comrnc on l'a vu,
a
ce meme désir
obstiné d'échapper aux conditions de la cour de
Vienne, on a les vraies causes qui fircnt :iboutir
a
un si fatal dénoument ]es événements d'abord
si heureux du printemps de
1815.
Du reste, le canon retentissait déja sur une
lignc de cent cinquante lieues, depuis Krenig–
stein jusqu'a HambouTg, et Napoléon, excité par
le bruit des al'mes, avait bienbót oublié les allées
et vermes, les dits et rc<lits des dip]omates, pouL'
ne songer qu'aux vastes desseins militaires des–
quels il attendait les plus grands r€sultats. Le
moment est venu de faire connaitre son plan et
ses forces
po.urcette seconde partie de la cam–
pagne de Saxe. i\fais afio de ]es mieux compren–
dre,
il
faut d'abord se rendrc compte du plan et .
des forces de nos ennemis.
On se souvient qu'a Trachenberg
il
avait été
coovenu par ]es coalisés, que trois armées prin–
cipales marcheraient contre Napoléon, qu'eHes
agiraient offensivement toutes les trois, mais
avec précaution , afin d'éviter les écbauffourées;
que, daos cette vue, celle des trois sur Jaquelle se
dirigerait Napoléon ralentirait Je pas, tandis que
les dcux all tres tachcraient de se jeter sur ses
flanes et ses derrieres, et d'accabler ainsi les
Iieutenants qu'il aurait chargés de les garder.
Ces trois armées dcvaient etr e celles de Boheme,
de SiJésie, du Nord, qu'oo espérait avec lec; corps
d'Ilalie et de Baviere porter
a
575
millc hommes
de troupes actives, trainant
1,500
bouches a feu,
sans compter
21:>0
mrne hommes en réser ve, ré–
pan<lus dans la Bohéme, la Pologne,
la
Vieílle–
Prusse. On était en e:ffet
a
peu pres arrivé
a
ces
chi:ffres énormes pendant la durée de ]'armistice,
qui n'avait pas moins profité
a
la cbalition qu'a
Napoléon, car ]es Russes avaieot rec;u leurs ren–
forts et leur matériel que, dans la précipitation de
Jeur marche d'hiver, ils n'avaient pas eu le temps
d'amener ; les Prussieos avaient également eu le
loisir d'armer et d'instruire leurs innor:nbrables
voJontaires, et l'Autriche cofin avait organisé son
armée, qui existait
a
peine sur le papier au 1nois
dejanvier, de sortequ'indépendamment de l'avan–
tage politique de décider l'Autriche, l'armistice
de Pleiswitz avait eu enc01,e pour les coalisés
celui de doubler en nombre les troupes qu'ils
allaient nous opposer.
Les forces de la coalition avaient été ainsi ré–
parties. Cent vingt miUe Autrichiens eoviron,
dont moitié d'anciens soldats, se trouvaient en
Boheme, rangés au pied des montagnes qui sé–
parent ce.tte province de la Saxe, et Lout prets
a
en franchir les défilés. Soixante-dix mille Russes
sous BarcJay de To1ly, 6(i) mille Prussiens sous le
g.énéral Kleist, avaient attendu Ja déclaraiion de
l'Autriche pour passer de Silésie en Boheme, et
venir former avec les Autrichiens la grande ar–
méc d·cstioée
a
tourner la position de Dresde,
par une marche en Saxe. (Voir la carte nº 58.)
te point de mire de cette armée, diite de Boheme,
était Leipzig, et ]es ooalisés ne comprenaient pas
que NapoJéon, abordé de front sur l'Elbe par
deux autres armées, put tenir
a
Ufü~
attaque
aussi formidable que celle qu'on Jui préparait
sur ses derrieres avec 21:>0 miJle hommes. Par
déférence pour l'Autriche, et pour Ja déci<ler par
tous ]es moyens imaginables, ceux de la tlattc11ie
compris, on avait décerné le c0mmandement
supérieur de l'armée de Boheme au prince de
Schwarzcnberg, qui avait négocié en qualité
d'ambassadeur le mariage de M1111ie-Louise, qui
avait comman:dé le corps autrichieni auxiliaire
en
18i2,
et vcnait tout récemment d'etre en–
voyé
a
París. Ces róles si contradictoires cau–
saient que]que embarras
a
ce personaage' qui
devait
a
Napoléon Je ha.ton de maréchaJ sans
l'avoir mérité, et était appelé
a
le mériler contre
celui meme qui Je lui avait fait obtenir.
JI
éprou·
vait aussi une
singulie.recrainte de se trouver en
présence d'un adversaire te] que Napoléon, bien
qu'il et'i.t beaucoup parlé dans Je conseil aulique
de l'a:ffaiblissement de l'armée
fran~aise,
et,
comme d'usage, il se consoJait d'une situation
fausse par ]es vives jouissances de l'orgucil satis–
fai t. C'était e:ffectivement uo honneur insigne
pour lui que d'exercer un
si
vastc commande–
ment sous les yeux des souverains coalisés, et iJ
n'en était pas indigne
a
certains égards, car
il
était sage, avait quelque entente de la grande
guerre, et possédait un savoir-vivre qui Je ren–
dait propre a mañier les caracteres si divers
dont se composait la coalition.
A
cette flatterie
eovers l'Autriche, on avait ajouté un genre de