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LIVRE QUARANTE-NEUVIEME.
communications de Dresde, et avoir donné
quelques prétextes
a
M. de Narbonne afin d'ex–
pliquer la prolongation de son séjour
a
Prague,
s'était rendu aupres de M. de l\'letternich pour
lui montrer ses pouvoirs, pour lui fournir ainsi
la preuvc qu'il était autorisé
a
négocier sérieuse–
ment,
a
la coodition toutefois de présenter au
nom de l'Autriche et non pas au nom de la France
les proposi Lions qu'il s'agissait de faire adopter.
Quant au fond des choses, il ne pouvait pas of–
frír grande salisfaction, puisque Napoléon avait
a
peu pres persisté daos toutes ses prétentioos.
Néanmoins, si l'Autriche eutencoreété libre, elle
cut pcut-etre admis les conditions frarn;aises, car
recouvrant l'Illyrie, recouvrant en outre la part
de la Gallicie qu'on lui avait prise pour constituer
le grand-duché de Varsovie, obtenant une es–
pece de reconstitution de la Prusse au moyen de
la dis olution de ce grand-duché, étant débar–
rassée elle et ses alliés du fantóme de la Pologne,
que depuis quelques années Napoléon avait tou–
jours ten u sous les yeux des anciens copartageants,
elle aurait probablcment pensé que c'était assez
tirer des circonstances, et elle n'eut pas bravé les
chances de la guerre pour Trieste, et surtout
pour Hambourg, qui iotéressaít la Prusse et l'An–
gleterre beaucoup plus qu'elle-meme. Malheu–
reusement elle n'était plus libre, et ne voulant
pas manquer de parole
a
ses nou veaux alliés, elle
ne pouvait que leur adresser des conseils, sans
avoir, pour les décider, le moyen de leur refuser
son alliance, accordée depuis le 10 aout
a
minuit.
M. de Metternich, en disant plus qu'il n'en avait
jamais dit, depuis que ses confideoccs étaient
sans inconvénients, avoua au duc de Vicence que
ces conditioos un peu modifiées auraient vrai–
semblablement amené la paix, huitjours aupara–
vant, mais que mainlenant, dépendant d'autrui,
ne pouvant ríen sans ses alliés,
il
désespérait de
les leur faire accepter. 11 parla des passions qui
les animaient, des espérances qu'ils avaient con–
c.mes, de l'effet produit sur eux par la bataille de
Viltoria, et
a
l'émotion qu'il éprouvait,
i1
était
aisé de voir qu'il était sincere dans ses regrets.
En effet, pour l'Angleterre protégée par la mer,
pour la Russie protégée par la distance, la lutte
apres Lout ne ponvait pas avoir de conséquences
mortelles; mais pour la Prusse et l'Autriche, que
ríen ne garantissai t des cou ps de Napoléon, et
qui avaient passé avec lui de l'alliance
a
la guerre,
la lutte pouvait amener des résultats désastreux,
et M. de Metternich sentait bien que, quelque
raison qu'il eut d'essayer en cette occasion de re-
faire la situation de son pays, on l'aecablerait de
sanglants reproches si Napoléon était_vainqueur.
Il est done tres-présumable que, libre encore, il
eut. sauf quelques différenees, accepté les con–
ditions proposées, et
il
était visible qu'en perdant
le temps avec une déplorable obstination, on
s'était plus nui peut-etre qu'en persistant dans
des prétentions excessives.
Quoi qu'il en soit, on convint que des l'arrivée
de l'empereur Alexandre et du roi de Prusse
a
Prague, M. de Metternich leur ferait pour le
compte de son maitre les ouvertures dont
il
vient d'etre question, et qu'il donnerait la ré–
ponse avant le 17 ·aout. Pour rendre conv.enable
la position de
1\1.
le duc de Viceoee, auquel on ne
maoqua jamais de témoigner les égards dont
il
était digne, il fut décidé qu'il irait attendre la
réponse de
l\I.
de Mettcrnich au chateau de Kre–
nigsal, situé pres de Prague, et appartenant
a
l'empereur Frarn;ois. 11 serait aiosi dispensé de
se trouver daos le merne lieu que l'empereur
Alexandre, et dispensé aussi d'assister
a
toute la
joie des coalisés, qui accueillaient avec transport
la nouvelle des prochaines hostilités et de l'adhé–
sion de l'Autriche
a
la coalition européenne.
Déja depuis le 11 aout une partie des états–
majors prussien et russc était accourue
a
Prague
pour coneerter les opérations militaires avec
l'état-major autrichien; une armée de plus de
cent mille hommes, Prussiens et Russes, entrait
en Boheme pour se r éunir
a
l'armée autrichienne;
les officiers des trois armées s'embrassaient, se
félicitaient de combattre ensemble pour contri–
buer
a
ce qu'ils appelaicnt la commune déli–
vrance, et partout éclatait une joie pour ainsi
dire eonvulsive, car elle était un mélange d'espé–
rance, de crainte et de résolution désespérée.
Le
1o,
l'empereur Alexandre
fit
son entrée
dans Prague, et y fut rec;u avec les honneurs dus
a
son rang et au róle de libérateur de l'Europe
que tout le monde lui attribuait alors, exeepté
toutefois le gouvernement autrichien, assez of–
fusqué de ces témoignages enthousiastes, et peu
disposé
a
échanger la domination de la France
contre celle de la Russie. Des que ce monarque
fut rendu
a
Praguc, et avant que Je roi de Prusse
y ftit arrivé, M. de Metternich et I'empereur
Frarn;ois luí firent connaitre le secret de la né–
goeiation clandestine, qui avait pris naissance
a
eóté de la négociation officielle dans les derniers
jours du congres de Prague, et lui demanderent
son avis. Parler paix dans ce moment n'était
guere de saison. Alexandre était enivré d'espé-