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LIVRE QUARANTE-NEUVIEME.
3 celui-ci son départ isolé ; que M. de Caulain–
court au contraire resterait pour attendre le ré–
sultat des ouvertures dont M. de l\Icttemich était
chargé aupres des souverains de Prusse ,et de
Russie, lesquels devaient etrc rendus
a
Prague
sous deux ou trois jours. Cette prolongation de
séjour était fort désagréable
a
M. de Caulain–
court, car sa position allait devenir tout
a
fait
fausse, lorsque l'empereur Alexandr.e étant
a
Prague,
il
se ' trouverait
da.nsla meme ville sans
le voir. Mais tout ce qtJ.i Iaissait une chance
a
la
paix lui parmssait supportable, meme désirable,
et il consentit volontiers
a
rester. En racontant
ce qui avait cu lieu entre lui et le ministre autri–
chien, il adressa de nouvelles instances
a
Napo–
léon en faveur de Ja paix , le supplia de continuer
cetle négociation, si difficile qu'elle fUt devenue
depuis qu'elle se passait non plus avcc l'Autriche
seule, maisavec toutes les puissances belligérantes,
Je pressa de luí donncr quclque Jatítudc pour trai–
ter, et de Ju i cnvoyer surtout des pouvoirs authen–
tiques pour signer, car dans cet ínstant supreme,
Je moindre défaut de forme pouvait etre pris
pour un nouveau faux-fuyqot, et luí valoir un
congé définitif. Tout ce qu'un honnete homme,
un bon citoyen, peuvent dire
a
un souverain afin
de lui épargner une faute mortelle, M. de Cau–
Jaincourt Je répéta encore
a
Napoléon, dans un
Iangage aussi ferme que soumis et d.évoué.
Ces communications envoyées
a
Dresde trou–
vcrent Napoléon tout préparé
a
la guerre, et
aussi peu afiligé que peu surpris de la rupture
du congres. Le jour meme ou l'Autriche avait
déclaré Je congres dissous avant d'avoir été réuni ,
et annoncé son adhésion
a
la coaJition, J'armi–
stice avait été dénoncé par les commissaires des
puissances belligérantes, ce qui :fixait au 17 aout
Ja reprise des bostilités. La possibilité de re–
nouer, par des voies secretes, des négociations
rompues d'une maniere si éclatante, était pres–
que nulle , et Napoléon se conduisit comme s'il
n'y comptait pas du tout. II prescrivit
a
M. de
Narbonne de revenir
a
l'instant meme de Prague,
car ce diplomate, étaut
a
la fois plénipotentiaire
au congres et ambassadeur aupres de Ja cour
d'Autriche, ne pouvait pas figurer plus long–
temps aupres d'une cour qui venait de déclarer
la guerre
a
la France. 11 autorisa M. de Caulain–
court
~t
derneurer
a
Prague, non pas dans la ville
meme' mais dans les environs, afin que cet
ancien ambassadeur de France en Russie ne se
trouvat pas daos le mcme lieu que I'empereur
Alexandre , dont il ne fallait pas, disait-il,
orner
le triornphe,
triomphe , hélas
!
que nous lui
avions ménagé nous-mémes par une obstination
aveugle;
iI
consentit
a
ce que ses dernieres pro–
positions fussent transmises
'h
la Prusse et a la
Russie, non pas en son nom, mais au nom de
l'Autriche, qui les présenterait comme sfonnes,
car pour Iui, il ne jugeait pas, ajoutait-i:I, de sa
dignité de ríen proposcr aux puissances belligé–
rantes. 11 envoya a M. de Caulaincourt des
p.ou–voirs en forme, maisaucune latitude pourtraiter,
ses conditions étant invariables
a
l'égard des villes
hanséatiques, du protectorat du Rhin, et meme
de Trieste, qu'il voulait retenir en restituant
l'Illyrie
a
l'Autriche. C'étaient la de bien faiblcs
chances d'aboutir
a
la paix, l'Autriche ne· pou–
v;rnt adrnettre de pareilles conditions et,
le
vou–
hit-elle, ne pouvant plus jeter dans la balance
le poids décisif de son épée, depuis qu'on Iui
avait laissé, malgré ses avis répétés, te temps de
s'engager
a
la coalition.
Mais toutes ces raisons ne touchaient guere
Napoléon. Les instances de
l\'I.
de Caulaincourt
n'avaient produit sur luí aucune impression. 11
respectait le caractere,
la
franchise de ce person–
nage, le traitait avec plus de considération que
l\L
de Bassano, mais l'écoutait peu, parce qu'il
le savait dans de tout autres idées que les sicn–
nes.
JI
venait de faire célébrer le
1
Oaout sa fCte,
ordinairement fixée au
1
!'5,
avait donné des fes–
tins
a
tou te l'armée, distribué des prix nombreux
pour le tir, et écarté autant que possible les si–
nistres images de mort de l'esprit de ses soldats,
¡j
faciles
a
distraire et
a
égayer. Ses corps d'ar–
mée étaient tout préparés, et des le 11 ils avaient
commencé
a
sortir de leurs eantonnements pour.
se concentrcr sous Ieurs chefs et se po1·ter sur
la ligne ou ils étaient appelés
a
combattre. les
anciens corps étaient reposés, recrutés et com–
plétés . Les nouveaux venaient d'achever Icur
organisation. La cavalerie, quoique jeune, était
redevenue belle, et meme nombreuse.
L.estra–
vaux de Krenigstein et de Lilienstein, de Dresde,
de Torgau, de Wittenberg, de Magdebourg, de
Werben, de Hambourg, étaient terminés ou
bien pres de l'étre. Les vastes approvisionne–
ments qui avaient du remonter par l'Elb'e de
Hambourg sur Magdebourg, de lUagdebourg sur
Dresde, étaient déja réunis sur les points oú l'on
en avait besoin. Dresde regorgeait de grains, de
farines, de spiritueux, de viande fraiche et salée.
Tous les convois avaiént été accélérés , et les
ordres étaient donnés pour que le 1D il n'y
eut
ni une voiture de roulage sur les routes d'Allc-