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LIVRE QUARANTE-NEUVIEME.

vues, et ne pas accorder

a

la paix un sacrifice

de plus. Voici done les conditions auxquelles il

s'arreta.

11

consentait bien

a

sacrifier le grand–

duché de Varsovie, comme un essai de Pologne

condamné par l'événement, mais il ne vo ulait

pas, en rendant quelque grandeur

a

Ja Prusse,

la récompenser ·de ce qu'il appelait une trahison.

Il admettait qu'on luí accordat la plus grande

partie du duché de Varsovie, la totalité meme,

si la Russie et l'Autriche consentaient

a

faire ce

sacrifice pour elle ; mais il voulaít la rejeter au

dela de l'Oder, lui óter, pour les attribuer

a

la

Saxe, le Brandebourg, Berlín, Potsdam, c'est–

a-dire son sol natal et sa gloíre, Ja transporter

entre l'Oder et Ja Vístule, la faire ainsi une

puissance polonaise plutót qu'allemande, luí

laisser le choix comrne capitale entre Varsovie

et Krenígsberg, sans luí donoer Dantzig, qui

redeviendrait ville libre. Il voulait

a

sa place,

entre l'Oder et l'Elbe-, mettre la Saxe, et at.tri–

buer

a

celle-ci tout l'espace qui s'étend de

Dresde

a

Berlín. Quant

a

Lubeck, Hambourg,

Breme, c'étaient des parties du territoire con–

stitutionnel de l'Empire, et

iI

ne souffrait pas

meme qu'on en parlat. Quant au t itre de pro–

tecteur de la Confédération du Rhin, c'était,

a

l'entendre, vouloir lui ínfliger une humiliaLion

que de le lui enlever, puisqu'on reconnaissait

que ce n'était qu'un titre absolument vain.

Quant

a

l'Illyrie, il était pret

a

la rendre

a

l'Au–

triche' mais en gardant l'lstrie' c'est -

a-

dire

Trieste, seule chose que l'A utriche désirat

ardemment.

11

prétendait en outre cooserver

plusieurs positions au dela des Alpes Julien nes ,

telles que Villach, Goritz, en un mot tous les

débouchés qui permettaient de descendre en

lllyríe, disant qu'il n'était pas sut' de Venise

s'il n'avait pas ces positions, c'est-a-dire qu'il

n'était pas en s"ureté dans sa maison s'il n'avait

pas les clefs de la rnaison d'autrui. A ces con –

ditions

il

admettait la paix sans se tenir pour

froissé, et consentait

a

rentrer sur le Rhin avec

ses armées. A d'autres conditions il aimait mieux

lutter pendant des années contre l'Europe

entiere. Telles furent les propositions qu i

sortirent des méditations de cette nuit funeste.

Toutefois, comme il n'y avait aucunc chance

que l'Autriche put obtenir de ses futurs alliés

l'abandon de Berlin par la Prusse, afin de com–

poser avec la Saxe une fausse Prusse, sans

passé, saos coosistance, sans réalité, il autorisa

M. de Caulaincourt

a

renonccr

a

ce premier

projet s'il n'était pas accueilli , et

il

consentit

a

laisser

a

Ja Prussc, outre ce qu'on luí accol'–

der.ait du duché de Varsovie, tout ce qu'elle

possédait entre l'Oder et l'Elbe, mais en main–

lenant Dantzig comme ville libre, mais en ·ne

souffrant pas davantagc qu'on parlat de Lubeck,

de Hmnbourg, de Breme, de la Confédération

du Rhin, et enfin en ne restituant l'lllyríe qu'a

conclition de reteni1· l'lstrie , T1·icsle surtout,

parce que, répétait-il toujours, vouloir Trieste

c'était vouloir Venise.

Le matin du

1

O

Napoléon manda aupres de

luí

~'l.

de Bubna, qui formait des vreux sinceres ·

pour la paix, et qui malheureusement se pre–

tait un peu trop aux vues de son puissant inter–

locu~ur

daos l'espérance de l'adoucir.

Ii

lui

fit

connaitre la négocíation secrete entamée avec

M. de Metternich, luí communiqua ses états de

troupes, lui maoifesta ouvertement son pen–

chant

a

faire cette eampagne de Saxe, <lu résul–

tat de laquelle

il

se promettait autant de ¡rnis–

saoce que de gloire, se montra ce qu'il était,

confiant, gai meme, inclinant autant

a

Ja guerrc

qu'a la paix, dísposé par conséquent

a

donner

peu de chose pour que ce füt l'une ou l'autre

qui sortit des négociations de Prague; puis

apres avoir, saos vain étalage, sans forfanterie,

r évélé cette funeste énergie de son ame, il exposa

ses conditions, demandant presque

a

chacune

un assentiment, que

l\f.

de Bubna ne pouvait

pas accorder sans donte, mais qu'il ne refusait

pas assez péremptoirement pour. dissíper toute

espece d'illusion. Sur dcux points notamment,

les villes hanséatiques et la Confédération du

Rhin, M. de Bulma n'ayant jamais trouvé sa

cour aussi absolue que sur le reste,

il

parut

faiblir, et Napoléon se figura que, saos suuir

ces deux conditions qui lui étaient particuliere–

ment insupportables, il pourrait avoir la paix,

sauf peut-etre

a

aban~onner

Trieste.

11

ne déses–

péra done pas d'une paix cooclue sur ces bases,

mais en tout cas il en avaít pris son partí, et

n'avait nul chagrín de se battre encore;

il

se

disait meme qu'il retrouverait dans une conti–

nuation de la guerre, non pas toute sa gloire,

qui étaít restée entiere, mais touLe sa puissance,

toute celle qu'il avait eosevelie sous les ruines

de Moscou.

Apres cet entretien il renvoya M. de Bubna,

le chargeant d'écrire

a

son cabinct dans ce sens,

et manda ses dernieres résolutions

a

M. de

Caulaincourt. Le coúrrier qui les portait ne

pouvait arriver que le

11.

Napoléon ne se

préoccupa guere de ce retard, et attendit la