DRESDE ET VITTORIA. -
AOUT
18·115.
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rance depuis la bataille de Vittoria, et surtout
depuis l'adhésion de l'Autriche. Pcut-etre meme
sans cette puissance il se serait flatté de pouvoir
soutenir la lutte, ayant re(}U dans les deux der–
niers mois de nombreux renforts, et la Prusse,
elle aussi, ayant fort augmenté ses armements.
Mais, avec l'Autriche de plus, avec les nouvel!es
que les Anglais mandaient de leurs progrcs en
Espagne, de leur prochaine entrée en France,
il ne doutait pas d'etre bientót vainqueur de Na–
poléon et de Je remplacer en Europe
!
La tete de
ce jeune monarque était dans un état d'incan–
descence extraordinaire , et pour atteindre au
terme de cette amhition,
il
n'était ni dangers
qu'il ne füt résolu
a
braver, ni caresses qu'il ne
füt disposé
a
prodiguer
a
ses associés anciens et
nouveaux. 11 était en effet plein de soius, de dé–
férence apparente pour tous, et, Join de se gran–
dir, il affectait au contraire de se montrer moins
grand, moins puissant qu'il n'était, de peur d'of–
fusquer et de déplaire. Avec beaucoup de rcspect
et de condescendance pour l'empereur Fran(}ois,
et saos afficher l'intention de détróner Napoléon,
c'est-a-dire l\1arie-Louise, il manifesta l'espérance
de conquérir bientót par la guerre des conditions
meiJieures, et une indépendance de l',Allemagne
infiniment mieux garantie. 11 avait d'ailleurs une
raison toute-puissante
a
faire V¡lJoir aupres de
l'Autriche, c'est que, sans l'abandon des villes
hanséatiques,
il
serait impossible d'obtenir l'ad–
hésion de l'Angleterre
a
laquelle on était étroite–
ment lié, et il avait de plus un appat bien sédui–
sant a faire briller a ses yeux' c'était Ja possibilité,
si on était victorieux, de lui restituer une partie
de l'Jtalie. En conséquence, sans attendre l'ar–
rivée du roi de Prusse, Alexandre fit répondre
par écrit, et par l'intermédiaire de lVI. <le l'vletter–
nich a
l\'1.
de Caulaincourt, que Leurs l'vlajestés
les souverains alliés, apres en avoir conféré entre
eux, pensant
que toute idée de paix véritable
était inséparable de la pacification générale que
Leurs lJtlajestés s'étaient flattées de préparer par
les négociations de Prague, elles n'avaient pas
trouvé dans les articles que proposait maintenant
Sa Majesté l'empereur Napoléon, des conditions
qui pussent
f
aire atteindre au grand but qu'elles
avaient en vue, et que par conséquent Leurs
Majestés jugeaient ces conditions inadmissibles.
C'était dire assez clairement qu'on regardait
~es
conditions comme tout
a
fait inacceptables par
l'Angleterre.
1\1.
de Bender, employé de la légation autri–
chienne, fut chargé de porter lui-meme cette
réponse ·a M. de Caulaincourt au chatean de Kre–
nigsal, et de la lui remettre par écrit. Quoique
s'y attendant, M. de Caulaincourt en fut cepen–
dant consterné, car dans son bon sens, dans son
noble patriotisme,
il
n'augurait que de grands
malheurs de la continuation de cette guerre. 11
fit
ses préparatifs de départ, vit une derniere
fois M. de Metternich, avec Jeque] il échangea de
nouveaux et inutiles regrets, convint avec lui
qu'on pourrait ouvrir un congres afin de négo–
cier en se battant, faible espérance qui laissait la
chance pour les uns ou pour les autres de signer
apres un affreux duel sa propre destruction, puis
il alla r ejoindre Napoléon en Lusoce. Le creur
plein d'une sorte de désespoir,
il
écrivit
a
1\1.
de
Bassano pour lui exprimer en un langage baut
et amcr le déplaisir d'avoir été employé
a
une
négociation illusoire, et, arrivé aupres de Napo–
léon,
il
lui témoigna, avec un respect grave, mais
avec une convietion ferme, la douleur qu'il
éprouvait d'avoir vu négliger cette occasion uni·
que de conclure la paix. Napoléon d'une fa(}on
assez légere essaya de le consoler de eette occa–
sion manquée, promattant de lui en fournir bicn–
tót une plus belle, et lui rendit ses fonctions, qui
nominalement étaient celles de grand écuyer,
mais qui devenaíent, depuis la mort du maréchal
Duroc, tantót celles de grand maréehal, tantót
meme celles de ministre des affaires étrangeres
et d'ambassadeur extraordinaire. Les honneurs
pouvaient toucher ce grand creur, sensible assu–
rément aux faveurs de cour, mais ne pouvaient
a aucun <legré lui faire oublier les infortuncs de
son pays.
Telle fut cctte célebre et malheureuse négo–
cia tion avec l'Autriche, commencée, conduite
sous l'empire des plus funestes illusions, et avec
une maladresse que les passions seules peuvent
expliquer chez un esprit aussi pénétrant que
celui de Napoléon. Comme nous l'avons dit,
eomme l'avaient soutenu MM. de Caulaincourt,
de Talleyrand, de Cambacéres, lors du conseil
tenu aux Tuileries, il fallait ou annuler l'Au–
triche daos cette occasion, l'essayer au moins en
la comblant d'égards, en affectant de ne pas vou–
loir l'engager daos une guerre qui lui était
étrangere, et surtout en ne lui demandant aucune
portion de ses forces pour ne pas luí fournir soi–
meme un prétexte d'armer ; ou bien' si on ]a
pressait d'entrer plus avant dans les événements,
si on lui fourni ssait par la un motif spécicux
d'augmenter ses forces , si on la conduisait pour
ainsi dire par la main an role de médiatrice, il