LIVRE
QUAnAN'fE-NEUVIEl\IE.
avons-nous dit, pour se soustrairc aux pressantes
iostances de l'Autriche, relativement
a
la paix,
et parce qu'habitué
a
ne trouver d'actif que lui–
meme, ne comprenant pas les miracles que la
passion pouvait produire chez ses adversaires, il
croyait que pendant ces deux mois
il
arriverait
deux cent mille hommes peut-etre daos ses
rangs, et pas la moitié daos les rangs de ses ad–
versaires. Le contraire avait eu lieu, car, ainsi
qu'on va le voir,
il
n'avait guere ajouté plus de
·150 mille hommes
a
ses troupes (saos compter,
il
est vrai, le stt_rcroit de valeur morale qu'elles de–
vaien t
a
deux mois d'instruction et de repos), et la
coalition en avait ajouté bien pres de quatre cent
mille, en y comprenant les forces de l'Autriche.
Le calcul n'avait done pas été juste. Toutefois
Napoléon n'en avait pas moins employé ces deux
mois avec une admirable activité, et ses plans
étaient d'une habileté
a
déjouer tous ceux de ses
adversaires.
La position de l'Elbe, comme nous l'avons dit,
quoique facile
a
tourner en débouchant de la
Boheme sur Leipzig, avait néanmoins été adoptée
par Napoléon comme la meilleure, et meme
comme la seule admissible. (Voir les cartes n°• 28
et
58.)
Dresdc, aussi bien fortifié qu'il pouvait
l'etre depuis qu'on en avait fait sauter les mu–
railles, devait etre son centre d'opération et son
principal établissement. Il
y
avait ses arsenaux,
ses magasins, ses dépóts et trois ponts. A sept
ou huit lieues sur sa droite, au point ou l'Elbe
perce les montagnes de la Boheme pour pénétrer
en Saxe,
il
possédait les postes fortifiés de Kre–
nigstein et de Lilienstein, avec un pont solide et
des magasins, afin de pouvoir manreuvrer
a
vo–
lonté sur les deux rives du fleuve. Sur sa gauche,
a
Torgau, quinze licues au-dessous de Dresde,
il
avait des ouvrages, des vivres et des ponts; de
meme
a
Wittenberg et
a
Magdebourg. Ce der–
nicr point était de plus une vaste place, régu–
lierement fortifiée, dans laquelle il avait déposé,
outre de grands amas de munitions et de vivres,
tous les malades et blessés de la campagne du
printemps. Le poste improvisé de Werben com–
blai
t
la lacune comprise entre l\fagdebourg et Ham–
bourg, et Hambourg enfin couvrait le has Elbe. Il
était possible sans doute de passer l'Elbe entre l\fag–
debourg et Hambourg,
a
cause de la distance qui
sépare ces deux villes, distanee que le poste de
Werbcn remplissait imparfaitement; mais l'en–
nemi qui voudrait tenter cette entreprise, lais–
sant sur ses flanes les deux importantes places
de Hambourg et de Magdebourg, et ayant en tete
d'ailleurs un corps considérable dont on va voir
tout
a
l'he.ure la position et le role, ne pouvait
pas l'essayer, tant que la grande armée placée.
sous la main de Napoléon n'aurait pas perdu son
point d'appui de Dresde, ce qui ramenait
a
Dresde meme, ou Napoléon commandait en per·
sonne, tout le nreud de l'immense action rnili–
taire qui allait s'eogager.
La ligne de défense étant ainsi établie sur
l'Elbe, reste
a
savoir comment Napoléon y avait
distribué ses forces . Devinant les projets de l'en–
nemi comme s'il avait été présent aux confé–
rences de Trachenberg,
il
avait parfaitemeot
discerné qu'il aurait trois puissantes armées sur
les
~as,
une
a
droite en Boheme, une de front
en Silésie, une
a
gauche du coté de Berlin, me–
nac;ant l'Elbe entre Magdebourg et Hambourg. 11
avait pourvu
a
ces diverses attaques avec une
prévoyaoce qui ne laissait ríen a désirer. Le
nouveau corps .du maréchal Saint·Cyr, fort de
50 mille hommes partagés en quatre divisions, et
récemment amené de Mayence a Dresde, avait
été placé a Krenigstein, en dec;a de l'Elbe, c'est–
a-dire sur la rive gauche, de maniere
a
fermer
les débouchés par lesquels la grande armée cn–
nemie pouvait descendre de Boheme en Saxe sur
nos derrieres. Le corps du général Vandamme,
fort aussi de 50 mille hommes, détaché de l'ar–
mée du maréchal Davoust, et amené de Ham–
bourg
a
Dresde, avait été placé a la hauteur du
corps de Saint-Cyr, mais au dela de l'Elbe, pour
garder sur la droite du fleuve les défilés des
montagoes de Boheme aboutissant en Lusace. Un
peu plus loin en Lusace, toujours au pied des
montagnes de Boheme, au défilé de Zittau, avaient
été postés le corps de Poniatowski et celui du
maréchal Victor, dont la formation s'était ache–
vée pendant la suspension d'armes. Enfin plus
loin encore, c'cst-a-djre en Silésie, sur la ligne
frontiere de l'armistice, sur la Katzbach et le
Bober, se trouvaient les quatre corps, de Maedo–
nald (le H e), de Lauriston (le
5c),
de Ney (le 5°),
de Marmont(le
6e),
présentant cent mille hommes
a eux quatre. En arriere, pres de Bautzen, se
trouvaient la garde impériale, portée pendant
l'armistice de
12
mille hommes a 48, et les trois
corps de cavalerie de réserve des géoéraux La–
tour-Maubourg, Sébastiani, Kellermann, compre–
nant 24 mille cavaliers parfaitement montés.
Agauche trois corps, ceux d'Oudinot (le
f
2e),
de
Bertrand (le 4°), de Reynier (le
7e),
avaient rec;u
Ja mission de s'opposer a l'armée du Nord, eom–
mandée par Bernadotte.