DRESDE ET VlTTORIA. -
AOUT
1815.
livrer bataille,
il
valait bien mieux les attendre
a
leur sortie des montagnes de la BohCme, et
les rencontrer sur la rive droite ou sur la rive
gauche de l'Elbe, au moment memc ou ils
déboucheraient, car en les battant on les accu–
lait aux montagnes, et on pouvait profiter de
leur engorgemcnt daos les défilés pour les enle–
ver par milliers, hommes et canons. Franchir
soi-meme les montagncs pour aller guerroyer
en Boheme, c'était se donner volontairement la
fausse position qu'il fallait leur laisser prendre
en les attendant
a
Ja sortie de ces montagnes
sur l'une ou l'autre rive ele l'Elbe. Aussi Napoléon
u'avait-il que peu de penchant pour cette sin–
guliere idée que le maréchal Saint-Cyr soute–
nait avec chaleur.
Il n'y
eut cédé' que si des
renseignements certains Jui avaient montré tout
a
fait a sa portée soixante ou quatre-vingt mille
Prussiens et Husscs, encorc séparés des cent
vingt mille Autrichiens qu'ils allaient rejoin–
dre.
Livré
a
une véritable c:ffervescencc d'esprit
en présence de lant de chances diverses, Napo–
léon monta a cheval le 19 aout au matin, et
suivi de la cavalérie légere de la garde, il pénétra
en Boheme, a la tete de quelques mille cavaliers,
faisant Ja guerre comme un jeune homme,
comme il la faisait jadis en Italie ou en Égypte.
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s'enforn;a dans les gorges jusqu'au dela de
Gabel (voir la carte nº 08), se montra meme
a
l'entrée du beau bassin de la Boheme aux Bohé–
miens surpris de le voir.
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fit
arreter des curés,
des baillis pour les questionner, et apprit de la
bouche de tous que les troupes russes et prus–
siennes venant de Silésie longeaient le picd des
montagnes en dedans de la Boheme, pour aller
rejoindre les Autrichiens, et probablement des–
cendre en Saxe sur les derrieres de Dresde. Les
coalisés devaicnt dans ce mouvement traverser
l'Elbe entre Leitmeritz et Aussig, et tout annon–
i;ait qu'ils étaient déja ou sur le bord du fleuve,
ou au dela, aux environs de Treplitz. Se jeler
sur eux était une opération dont le temps, füt–
elle bonne, était passé, et il fallait se hater de
revenir en Saxe, pour combattre autour de
Dresde, sur le champ de bataille préparé avec
une si haute prévoyance. Toutefois Napoléon
a:ffecta de se montrer, de se nommer aux habi –
tants, afinque le bruit de sa présence en Boheme
retentit jusqu'au quartier général des coalisés.
Voici l'intention qu'il avait en agissant de la
sorte.
Il devenait évident que le plan des coalisés,
apres avoir traversé l'Elbe en Boheme, était
d'en trer en Saxe, et de descendre sur Dresde
afin d'enlever cette ville, ou de se porter sur
Leipzig afin de se placer entre le Rhin et l'armée
fran<¡aise. Nous ne pouvions rien désirer de
mieux, car pour s'engnger ainsi sur les derrieres
de Napoléon, les coalisés s'exposaient
a
l'avoir
eux-mémes sur leurs cornmunications, et
a
se
trouver dnns un gouffrc s'ils perdaient une
batnille dans cette position. Cela étant,
il
impor–
lait
a
Napoléon de se jeter brusquement sur
l'armée de Silésie, qu'il avait devant lui, afin de
la mettre hors de jeu pour quelque temps, et de
revenir ensuite se donner tout entier aux affai–
res qui se préparaient en arriere de Dresde.
Pour le succes d'un tel projet
il
luí était utile de
r alentir un momep.t la marche des alliés, de les
faire hésiter, de leur causer ainsi une perle
d'uu ou deux jours, ce qui était tout gain pour
lui, qui avait a courir sur le Bober avant de
revenir sur l'Elbe.
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n'avait pas un meilleur
moyen d'y réussir que de se montrer en Boheme,
car sa présence en ces lieux devait provoquer
mille conjectures, ou inquiétantes ou pour le
moins embarrassantes.
Apres avoir employé la journée du 19 a courir
a
cheval, tantót en plaine, tantót daos les gorges,
se présentant partout sous son nom,
il
repassa les
défilés du
Riesen-Gebirge,
et revint
a
Zittau.
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consacra la journée du lendemain
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a
disposer
lui-meme le corps de Poniatowski et celui de
Víctor
a
l'entrée du défilé de Zittau, de fa<¡on
que ces deux corps pussent résister trois jours
au moins aux plus fortes attaques. Napoléon
assura en outre leurs communications avec le
général Van<lamme,, qui avait été placé entre
Zittau et Dresde vers Stolpen, afin qu'il put
courÍt' en une journée, ou a Zittau ou
a
Dresde.
Toutes ces mesures arretées,
il
avait l'intention
d'attendre encore tout un jour la complete
manifcstation des desseins de l'ennemi, sans
éprouver du reste la moindre crainte, car par–
tout les précautions étaient prises de maniere
a ne laisser aucune inquiétude. En effet, du
coté de Berlin
80
mille hommes en marche sous
le maréchal Oudinot, et appuyés par les
51)
mille
du maréchal Davoust, a Dresdc Saint-Cyr et
Vaodamme aL1x aguets sur les deux rives de
l'Elbe,
a
Zittau deux corps gardant les gorges
de Bohemc, sur le Bober
100
mille hommes
sous le maréchal Ney attendant l'eunemi qui
voudrait franchir ce fleuve , enfin
a
Gorlitz,
centre de toutes ces positions, Napoléon avec