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DllESDE ET VITTORJA. -

AOUT

1815.

145

be11igérantes, que jusquc-la elle pourrait, comme

elle le faisait actuellement , traiter confidenticl–

lcment avec Napoléon, et adopter ccrtaines de

ses proposiLions, les imposer rn eme aux puis–

sances coalisées, auxguelles nul traité ne la liait,

mais qu'a partir du 11 elle serait liée avec elles,

ne pourrait rien écoutcr saos leur en donncr

communication, et serait obligée de n'admettrc

aucune condition de paix que d'accord avec

elles.

Ces observations ·méritaient Ja plus sérieuse

attention, car la différencc qu'il y avait a traiter

Je 10 et non pas Je 11 ou le '12, consistait

a

dé–

pendrc de l'Autrichc seule, qui souhaitait Ja paix

parce qu'elle craignait la guerre, au lieu de dé–

pendre des puissances coalisées qui ne voulaient

pas la paix parce qu'elles aLtendaient davantage

de la guerre, et qu'elles étaient en proie

a

toutes

les passions du moment. Le duc de Vicence, en

rapportant exactement les communications qu'il

avait rec;ues, les accompagoa de nouvelles in–

stances exprimées daos le langage le plus beau

et le plus touchant.

<e -

Sire, disait-il

a

Napoléon, cette paix

«

coútem peut- etre quelque chose

á

votre amou1·–

"

propre, mais ríen

a

votre gloire,

car elle ne

" coUtera ríen

a

la vraie grandeur de la France.

«

Accordez, je vous en conjure, cette paix

a

la

" France,

a

ses souffrances, a son noble dévoue–

" ment pour vous, aux circonstances impé–

«

rieuses

ou

vous vous trouvez. Laissez passer

" eette fievre d'irritation contre nous qui s'est

" emparée de l'Europe entiere, et que les vic–

" toires meme les plus décisives exciteraient

u

cncore au lieu de la calmer. Je vous la de–

" mande, ajoutait-il, non pour le vain honneur

" de la signer, mais parce que je suis certain

l(

que vous ne pouvez rien faire de plus utile

a

•<

notre patrie., de plus digne de vous et de votre

({

grand caractere.

JI -

Quel devait etre l'effet

de ces nobles prieres d'un noble creur, on va le

voir!

La réponse apportée le 8 aoút par M. de Met–

ternich, transcrite pendant la journée, ne pou–

vait étre que le 9 sous les yeux de Napoléon, et

n'y fut en effet que le 9 a trois heures de l'apres–

midi.

11

aurait fallu que, souscrivant aux sacri–

fices qu'on lui demandait, et qui n'étaient que

des sacrifices d'amour-propre, comme Favait si

bien dit l\'I. de Caulaincourt,

il

s'y décidat sur

l'heure, et expédiftt la réponse dans la soirée

méme du 9, afio que cette réponse arrivant le 10

au matin

a

Prague, avec accompagnement de

pouvoirs pour M. de Caulaincourt, on put signer

les bases de la paix le 10 avant minuit. Napo–

léon n'en

fit

malheureusement ríen. D'abord

il

ne voulut pas croire

a

cette situation de l'Au–

triche, libre jusqu'au 1

o

aout

a

minuit, mais en–

gagée apres le 1O, et au lieu de dépendre d'elle

seule, dépcndant de la volonté de ses nouveaux

alliés.

JI

imagina que ce n'était la qu'un vain

langage diplomatique, qu'on lui tenait pour l'in–

timider, ou pour hatcr ses déterminations. N'at–

tachant pas d'ailleurs beaucoup d'importance

a

éviter la gue1·re au prix de sacrifices qui lui

étaient souverainement dé.sagréables, aveuglé

par une déplorable confiance en ses forces,

il

ne

se pressa pas de prendre et de faire connaitre ses

résolutions.

11

employa

la

journée a se décider,

pensant que ce serait assez tót de se résoudre

le 10, que les hostilités ne recommcrn;ant que

le 17, on aurait le temps de s'entendre, que l'Au–

triche ferait de ses alliés ce qu'elle voudrait,

aussi bien le 11 ou le 12 que le 1O, pourvu que

ce füt avant le 17, et que par conséquent

il

pou–

vait sans inconvénient s'accorder

a

lui-meme

vingt-quatre heures de rétlexion.

11

employa

done vingt-quatre heures, non pas a se combattre

mais

a

se tlatter,

a

Jaisser ainsi s'évanouir le mo–

ment décisif de cette négociation, et lui, qui tant

de fois avait saisi l'instant propice sur les champs

de bataille, qui avait du

a

cette promptitude de

détermination ses plus grands triomphes, allait

laisser échapper sans en profiter le moment po–

litique le plus important de son regne

!

Et

M. de

Bassano, que faisait-il lui-mcme pendant ces

heures fatales? Que ne passait-il cctte nuit aux

pieds de son maitre,

a

lui répéter de vive voix

les ardentes, les patriotiques prieres de M. de

Caulaincourt! et fallut-il pour le vaincre caresser

follement son orgueil indomptablc, fallut-il lui

persuader que mcme apres cette paix, il restait

plus puissant que jamais, plus puissant qu'avant

Moscou, M. de Bassano en proférant ces flatte–

ries aurait été un utile, un patrio tique flatteur,

et

il

eut été plus pres du vrai qu'en laissant eroire

a

Napoléon que la gloire consistait

a

ne jamais

céder

!

Mais Napoléon n'entendit rien de pareil, et

pendant ces quelques heures, heures qui em–

porterent sa grancleur, et malheureusement la

nótre, il n'entendit que l'écho de sa propre

pensée. Apres avoir manié et remanié durant

toute la nuit ses états de troupes avec

l\'I.

de Bas–

sano, et s'etre persuadé qu'il pouvait foire face

a

tout, il crut qu'il devait pcr.sister dans ses