DRESDE ET VITTORJA. -
AOUT
1813.
!39
11 poussa l'attention jusqu'a recommander au
prince Cambacéres de .la faire partir avant la
rupture de l'armistice, afin qu'elle n'apprit les
nouvelles hostilités que bien des jours apres leur
reprise, et peut-etre apres quelque grand événe–
ment capable de Ja rassurer. 11 voulait ainsi
distraire, consoler et faire aimer de la France
cette jeune femme, mere et tutrice de son fils,
régente de l'Empire, destinée
a
le remplacer s'il
venait
a
succomber sous un boulet cnnemi.
Pourquoi , hélas
!
les sinistres pressentiments
dont ces soins délicats étaicnt la preuve, ne
contribuaient-ils pasa vaincre l'obstination fatale
a
laquelle il allait sacrifier son fils, son épouse,
son tróne et sa personne
!
Apres avoir passé du 26 juillet au
'l
cr
aout
avec Marie-Louise, il l'embrassa en présence de
toute sa cour, et Ja laissant en larmes, partit
pour la Franconie. Déja
il
avait inspecté
a
Mayence les divisions du maréchal ·Augercau,
qui achevaient de se former sur les bords du
Rhin. A Wurzbourg se trouvaient deux des di–
visions du maréchal Saint-Cyr, actuellement en
marche vers l'Elbe , ou elles devaient venir
prendre la position de Koonigstein. Elles lui pa–
rurent belJes, assez .bien instruites, et animées
des sentiments qu'il pouvait leur désirer. 11
visita Ja place de Wurzbourg, la citadelle, les
maga'sins, en un mot J'établissement militaire
lout entier dont
iI
voulait faire un des points
importants de sa ligne de communication ; en–
suite il se dirigea sur Bamberg et Bayrcuth , ou
il vit successivement les autres divisions du
maréchal Saint-Cyr, et les divisions bavaroises
destinées
a
faire partie du corps d'Augereau.
Apres avoir porté sur toutes choses son ooil inves–
tigateur, donné les ordres et les encouragements
nécessaires, il repartit pour Erfurt, et arriva
Je 4 au soir
a
Dresde. Le
!>
de grand matin iJ
était debout et
a
.l'oouvre, pressé qu'il était d'em–
ployer utilement les derniersjours de l'armistice.
La vue des troupes qu'il avait inspectécs sur
sa route, ses méditations incessantes sur le plan
1
Voici de singulieres paroles écriles par
i\I.
de Bassauo
a
111. de Vicence, et qui pronvent ce que nous avan9ons iei.
• L'Empereur part demain et irn coucher
a
Bautzen.. . Nous
" sommes ici dans l'allente et da ns la meilleure espéranee
de~ ,
• événements. Toute l'armée est en mouvement. La confiance
«
est partout. Le roi de Saxe et la fomille royale ne quittent
«
pas Dresde... Sa Majesté ne veut pas de prolongation cJ'ar-
" mjstice, elle est prete
a
Ja
guerre. Elle l'est plus que l'Au-
" triche. Elle n'a pas de motifs d'attendre pour ses subsistan-
«
ces, et elle ne veut pas perdre un tcmps précicux et se
«
'3isser engager dans l'hiver ... (Dans ce moment en effct
" Napoléon avait renoncé
a
une prolongation cl'armistice, et
de la prochaine campagne, avaient redo.ublé sa
confiance dans son armée et dans son génie. En
voyant venir le moment de cette terrible lutte,
en méditant sur ses chances , en se souvenant
combien ses soldats bravaient facilement la
mort, combien Iui-meme, une fois au milieu du
danger, trouvait de combinaisons heureuses
la
ou ses adversaires ne trouvaient que des fautes a
commettre, ne sachant pas se rendre compte
des passions généreuses qu'il avait soulevées
contre luí, et dont l'ardeur pouvait compenser
chez ses ennemis une direction malhabile, il
sentait en lui-meme cornme une sorte de cha–
leur d'ame qui animait toute sa personne, qui
éclatait dans ses yeux, et lui donnait l'aspect du
contentement, de l'espérance et de l'audace. Ceux
qui l'entouraient en étaient frappés, et les plus
sages en étaient plutot inquiets que réjouis
1 •
Le jour meme ou
il
arrívait a Dresde, les
instances de M. de Caµlaincourt et de M. de
Narbonne pour obtenir le pouvoir de traiter
sérieusement, étaient devenues plus vives que
jamais. 11 en parut importuné, et adressa des
reproches
a
ces deux négociateurs, pour s'etre
laissé, disait-il, scrrer de trnp pres par M. de
Metternich. 11 trouvait qu'ils avaient manqué de
fierté, en p.ermettant au ministre autrichien de
leur dire que dans tel ou tel cas, l'Autriche s'uni–
rait aux ennemis de la France pour luí déclarer
la guerre, commc si c'eut été une offense
que d'annoncer franchement ce qu'on ferait, si
certaines cpn,ditions n'étaient poínt accordées.
L'cnivrement de
la
puissance était te] chez Napo–
Jéon, qu'il ne vouhiit pas qu'on osat parler de
luí déclarer la guerre, comme d'une chose natu–
reHe, inévitable meme dans certains cas. 11 vou–
lait qu'on n'y pensat qu'en tremblant (ce qu'on
faisait du reste), qu'on n'en parJat qu'avec une
sorte de craíntc respectueuse, comme d'un mal–
heur dont
Oll
admettait
a
peine la possibilité.
l\fais apres ces réprimandes peu méritées, et peu
séantes actuellemcnt , il s'occupa de quelque
chose de plus sérieux. 11 ne croyait plus, apres
" ne voulait que diffél'er l'entrée en action de l'Autriehe.).. .
"
l\I.
de Bubna, qui sera arrivé longtemps avant le •courrier
" porteur de cette dépéchc, connait notre position.
La secrete
•
joie qu'éprouve Sa llfnjesté de se trouver dans
une
circon–
«
stance difficilc, ma,is digne de son gén'ie, n'a point échappé
"
á
111. de Btibna.
..
Sa nlajesté, qui se fíe
a
la Providence, en–
" t.rcvoit les grands cJesscíns qu'elle a foncl és sur elle. Ses
«
plans sont arrélés, et elle ne voit partout que des mot.ifs de
«
confiance. " (Dépéche de
GI.
de Bassano
a
ni.
le duc de Vi–
ceocc en luí envoyant ses pleins pouvoirs,
it
la date du
13
aolit f81 5.)