DRESDE ET VITTORIA. --
JUILLET
1815 .
avait refusé de le recevoir, et lui avait ordonné
de rester a Paris, sous prétexte que sa présence
y était nécessaire.
Usant du procédé trop ordinaire a un gouver–
ncment qui s'entete dans ses erreurs, et qui voit
dans les manifestations de l'opinion publique
des actes a réprimer au lieu de
le~ons
a
méditer,
il déploya contre le clergé certaines rigueurs
lout
a
fait étranges par l'audace apportée dans
l'arbitraire. Le clergé naturellement ne négli–
geait aucune occasion de multiplier ses mani–
feslations hostiles, surtout en Belgique, et par
ses fautes
il
provoquait ainsi celles du pouvoir.
Le concordat de Fontainehleau, contesté avec
une remarquable mauvaise foi par la correspon–
dance secrete des cardioaux , était considéré
daos tout le clergé comme un acle non avenu.
On s'obstinait a ne pas reconnaitre les 11ouveaux
prélats que Napoléon avait nommés et que
Pie VII, apres l'avoir promis, refusait toujours
d'instituer. Les plus ·prudents se tenaient éloi–
goés de leurs
no~veaux
siéges pour éviter des
scandales. M. de Pradt, dcvenu ennemi de
l'Empire depuis sa facheuse .ambassade a Var–
sovie, et peu jaloux de s'attirer des désagréments
pour plaire au gouvernement, s'était abstenu de
se présenter a Malines, dont il avait été nommé
archeveque. l\'Iais les nouveaux éveques de
Tournai et de Gand, ayant voulu se rendre
dans leurs dioceses et officier publiquement
dans leurs métropoles, avaient provoqué une
sorte de soulevement de la part du clergé et des
fideles. En les voyant paraitre
a
l'autel, pretres
et assistants avaient fui, et laissé les prélats
presque seuls devant le tabernaclc. Les sémina–
ristes de Tournai et de Gand avaient, sous la
direction de leurs professeurs, participé
a
ce
désordre. On signalait aussi parmi les coupables
une associ.ation de clames qui, sous le nom de
Bégitines,
vivaient
a
Gand daos une espece de
communauté sans etre astreinles a la rigueur du
cloitre, et on les accusait d'avoir excrcé en cctte
occasion une grande influence sur la conduite
dn clergé.
Napoléon ordonna de dispcrser les
B éguines,
d'enfermer dans les prisons d'État quelques
membres des cbapitres de Tournai et de Gand,
de déporter les autres dans des séminaires
éloignés, d'en agir de meme
a
l'égard des profes–
seurs, et quant aux jeunes séminaristes, de
prendre tous ceux qui avaient plus de dix-huit
ans, de les envoyer
a
.Magdebourg daos un
régiment, sur le motif qu'ils étaient passibles
de la loi de la comcription, qu'ils en avaient
été
dispensés exceptionnellement pour devenir des
ministres des autels, non des fauteurs de trou–
bles, et qu'une semblahle faveur pouvait cesser
au gré du souverain lorsqu'il jugeait qu'on n'en
était plus digne. Ceux qui avai ent moins de
dix-huit ans durent etre renvoyés daos leurs
familles. Des personnes pieuses s'étant réunies
pour fournir des rempla9ants aux autres, Napo–
léon pour ce cas-la défendit le remplacement.
Recommandation expresse fut faite d'exécuter
sur-le-champ ces diverses prescriptions, et on
n'y manqua point.
N'admettant plus de limite
a
sa volonté, ni
au dedans ni au dehors, ·Napoléon osa quelque
chose de plus extraordinaire encore. L'octroi
d'Anvers avait été livré depuis plusieurs années
a
des dilapidations daos lesquelles étaient com–
promis divers fonctionnaires municipaux. Les
dilapidations étaient incontestables, _et elles
avaient fait perdre a la ville d'Anvers deux
a
tr~is
millions. Les accusés mis en jugement
étaient'
a
tort ou
a
raison ' considérés par
l'administration comme les véritables auteurs
de ces concussions; mais l'opinion du pays
était si hostile au gouvernement, qu'elle n'bési–
tait pas
a
se prononcer favorablement pour des
individus qu'en tout autre temps elle eut haute–
rnent condamnés, et
a
les couvrir d'une sorte
d'indulgence, comme s'il n'avait pu
y
avoir que
d'intéressantes victimes parmi des homqies pour–
suivis par l'autorité impérial e. Entrainés par ce
sen timent, ou atteints par la corruption, ainsi
que le prétendit le grand juge, les jurés
acquitterent hardiment les fonctionnaires
accu~
sés, aux applauclissements de la province, et la
ville d'Anvers, frustrée déja de trois millions,
fut encore exposée a payer les frais considérables
du proccs. Oo comprend l'indignation d'un
gouvernement régulier, tres-attaché
a
maintenir
l'ordre le plus rigoureux dans toutes les parties
de l'administration. Mais quelque légitime que
füt l'indignation r cssentie par Napoléon en
voyant des hommes qu'il croyait coupables jouir
de l'impunité, et la ville d'Anvers victime de
graves dilapidations subir seu]e une condam–
nation,
il
aurait du admeltre toutefois que le
délit poursuivi étant réel, les individus accusés
pouvaient bien n'en pas etre les auteurs, et,
en supposant qu'ils le fussent, que la déclara–
tion du jury devait rester sacrée, comrne chose
jugée, jugée bien ou mal, mais irrévocablement.
Napoléon, en apprenant cette décision, éprouva