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LIVRE QUARANTE-NEUVIEl\IE.
s'était rendu, comme nous l'avons dit, afin d'y
passer quelqucs jours avec l'lmpératrice, et de
voir, cbemin faisant, les troupes en marche, les
travaux en cours d'exécution, tout ce qui avait
besoin en un mot de sa présence pour se per–
f
ectionner ou s'acbever. Partí dans la nuit du
24 au 2!) juillet, il était arrivé le 26 au soii:
a
l\fayence, oú J'attendaient une cour brillante
venue de París
a
la suite de l'lmpératrice, et
un grand nombre de ses agents accourus pour
recevoir ses ordres directs. Il avait trouvé
l'Impératrice désolée, cacbant ses ]armes au
puhlic, mais n'hésitant pas
a
les répandre
devant lui, car elle était sincerement attachée
a
son glorieux époux, elle tremblait pour sa vie
et sa fortune, elle craignait pour clle-meme que
la nouvelle déclaration de guerre de l'Autriche
ne réveillat en France toutes les haines popu–
laires sous lesquelles avait succombé la malbeu–
reuse reine Marie-Antoinette; elle aurait voulu
retenir dans J'alliance franc;aise son pere qu'clle
aimait, dont elle était aimée, mais elle ne pou–
vait pas plus vaincre la tranquille inflexibilité
de l'empereur Fran<;ois, que la fougueuse
humeur de Napoléon, et elle faisait ce que font
les femmes daos leur impuissance, elle pleurait.
Le secret de l'entrevuc de Napoléon avec Marie–
Louise est resté inconnu 1, et probablement il
est resté inconnu parce qu'il était nul, car
Napoléon ne voulait charger l'Impératrice de
rien, les affaires se traitant
a
Prague de telle
sorte qu'elle n'y pouvait rendre aucuu service.
11 désirait Ja voir, la consoler, lui donner des
témoignages publics de tendresse, ce qui, pour
l'Autriche, pour l'Europe, devait etre d'un bon
effet; il désirait aussi, avec sa défiance ordi–
naire, chercher
a
pénétrer si elle n'aurait pas
rec;u de Vienne quelque communication clan–
destine qui put l'éclairer sur les desseins de
l'Autriche. Mais en tout cas de tels efforts
étaient parfaitement inutiles, car l'Autriche
avait dit tout son secret par la boucbe de
!\f.
de
" cune queslion ait élé compromise. A peine celle de l'appro–
" visionnemeot des places aura-t-elle été cntaméc.
" Des Lrois difficultés qui se sont élevées, cclles 1·elativcs
a
" l'échange des pouvoirs
et
au lieu des conférences se résou–
" dronl d'ellcs-memes.
«
Quanl au mode
a
adopter (a parli1· de ce mot, la minute
" cst
écrite de la main du duc de Bassano) pour négocier, j'ai
" cru que nous ne pouvions différer pendant plusieurs jours
«
de répondre, sans prendre sur nous ces relards, tandis que
" de fait, et si
M.
de Metteroich insiste sur une proposition qui
" attente a tous les droils et
a
tous les usagcs, les entraves
(( apporlécs a
Ja
négociation ne pourronl etre imputées qu'a
«
Jui.
Metternich, et ce secret n'était autre que celui-ci,
c'est qu'a certaines conditions cent
fois
énoncées
elle arreterait l'Europe, l'obligcrait- a. poser les
armes, ménagerait la paix, non-seulement con–
tinentale mais maritimc, et qu'en deho1·s de
ces conditions, se déclarant sur-le-cbamp notre
ennemie, elle prendrait part a la coalition
universelle qui se préparait contre nous. Napo–
Jéon n'avait done ríen a apprendre de Marie–
Louise, mais il procura a cette princesse le
plaisir de passer quelques jours avec lui, et en
attendant il expédia sur les lieux une quantité
d'affaires civiles et militaires. De cette rnain
__puissante de laquelle pouvait s'écbapper tant de
bien et de mal, il laissa effectivement écliapper
du bien et du mal avec l'ordinaire prodigalilé
de son génie. Le duc de Rovigo avait voulu venir
a l'\fayence pour
y
faire une nouvelle tentative
en faveur de la paix, en éclairant Napoléon sur
l'état de l'opinion publique, et sur le danger
qu'il courait de s'aliéner définitivement l'affec–
tion de la Francc. L'opinion publique était en
effet dans une anxiété extreme depuis qu'ellc
commenc;ait
a
craindre que le congres, réuni si
tard, ne restat sans résultat. Les ennemis de
Napoléon étaient pleins d'espérancc, la majorité
du pays pleine de chagrins et de sinistres
appréhensions. Déja l'affection était évanouie, la
haine naissait et faisait taire l'admiration. Dans
la basse Allemagne et la Hollande on criait
Vive
Orange !
dans toute l'Allemagne
Vive Alexandre!
En France on n'osait pas crier
Vivent les Bour–
bons
!
mais leur souvenir se réveillait peu
a
peu,
et on se transmettait de main en main un mani–
fcste de Louis XVIII, publié
a
Hartwell, qui
aurait certainement produit un effct général,
s'il n'avait porté encore les traces nombreuses
des préjugés de l'émigration. Ce sont tous ces
détails que Je duc de Rovigo se proposait de
communiquer au maitre qu'il servait fidelement;
mais Napoléon, ne voulant pas étre importuné
de ce qu'il appelait les criailleries de l'intérieur,
u
Quoique les déelarations qu'il a failes a
m1.
de Vicenee et
" de Narbonne et
a
111.
d'André n'aient peut-elre pour objet
" que de rendre plus imposante son allitude de médiateur, il
«
pourrait entrer dans les vues de Votre Majeslé de donner,
«
des le moment. de son arrivée iei, une tournure assez grave
a
aux négoeiations pour qu'on n'osat pas les rompre. Dans
" eette supposilion, j'ai pensé qu'il conviendrait
a
Votre
llfa–
" jeslé de trouver les diseussions préliminaires a peu pres
" terminées. "
t
L'archiebaneelier Cambneércs, co11fi<lel1l et direetcm· de
J'impératrice régenle, déelare dans ses l\lémoires, aussi sim–
ples que véridiques, qu'il ne put parveni1·
a
en rien savoir.