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LIVRE QUARANTE-NEUVJEME.
dit ironiquement le général; la grand'garde a
aper((U un déserteur et a tiré dessus
!
Conduit a Trachenberg de relais en relais, au
milieu d'escorles nombreuses et d'un cortége
magnifique, le prince de Suede y re((ut de J'em–
pereur Alcxandre et du roi de Prusse un accueiJ
extraordinairc, comme s'il leur eut apporté le
génie de Napoléon ou du grand Frédéric. C'était
moins a ses talents du reste qu'aux craintes
qu 'on avait COD((Ues sur sa fidélité, et au désir
de montrer un lieutenant de Napoléon, fatigué
de sa domination jusqu'a touraer ses armes
contre lui, qu'il devait ces empressements
affectés. Si, a la qualité de Franc;ais et de lieii–
tenant de ·Napoléon, il avait joint celle de son
propre frere, les hommages eussent été plus
excessifs encore, car on aurait trouvé sa défcc–
tion plus
si~nificative.
Jusqu'au jour oú l'on
avait rompa avec le Danemark, et ou l'on avait
définitivement adjugé la Norwége a la Suede, le
nouveau Suédois avait tour a tour promis, hésité,
meaacé rneme; mais enfin
il
venait de prendre
son parti, et de mettre en mouvemeat vingt-cinq
mille Suédois. Pour prix de ce contingent,
d'ailleurs excellent, car il n'y avait pas de plus
braves soldats, animés de meilleurs sentiments
que les Suédois, il affichait d'étrangcs préten–
tions. 11 aurait voulu etre généralissime, ou du
moins commander toutes les armées que ne
commaadaient point en personne les deux sou–
verains eux-memes. On Jui avait résisté douce–
ment' et peu a pcu on l'avait ramené a de
moindres exigences, par la raison toute simple
des emplacements qui ne permettaient pas aux
diverses armées d'opérer tres-pres les unes des
autres, et d'etre réunies des lors sous l'autorité
d'un seul chef. Apres des débats qui avaien t
duré du 9 au
15
juillet, on avait arreté le plan
de campagoe suivant, fondé sul'"la coopération
des Autrichiens, car bien qu'on eut chargé
ceux-ci de négocier pour tout le monde, la con–
viction généralement répandue que Napoléon
n'accepterait pas leur systeme de pacification,
faisait considérer leurs troupes rassemblées en
Boheme, en Baviere, en Styrie, comme inévi–
tablement destinées
a
coopérer avec les armées
russe et prussienne.
Appréciant le danger de se mesurer avec Napo–
Iéon , on s'était proposé de l'accabler par la masse
des forces,
et
on ne désespérait pas en effet de
réunir huit cent mille soldats, dónt cinq cent
mille eu premiere ligoe, agissant concentrique–
ment sur Dresde. Trois grandes armées actives
e ,
(,,
étaient cbargées d'cxpulser Napoléon de cette
position de Dresdc, oú l'on avait discerné qu'il
voulait établir le centre de ses opérations. Une
premiere armée de 2150 mille hommes, formée
en Boheme avec
150
mille Autrichiens et avec
120 mille Prussiens et Russes, placée pour flat–
ter l'Autriche sous le commandement d'un géné–
ral autrichien, devait opérer par la Bobeme sur
le flanc de Napoléon. Une seconde de
120
mille
hommes , placée sous le général Blucher en
Silésie, et composée en nombre égal de Prus–
sicns et de Russes, devait par Liegnitz etBautzcn
marchcr droit sur Dresde, tandis qu'une troi–
sieme de
150
mille, confiée au prince de.Suede,
composée de Suédois, de Prussiens, de Russes ,
d'Allemands, d'Anglais, se dirigerait de Berlín
sur lVIagdebourg. 11 était convenu que ces trois
armées marcheraient prudemmcnt, éviteraient
les rencontres directes avec Napoléon, rétro–
graderaient quand
il
avancerait, pour lomber sur
celui de ses lieutenants qu'il aurait laissé sur
ses flanes ou ses derrieres, reculeraient de nou–
veau quand
il
viendrait au secours du lieutenant
menacé, se jetteraient aussitót sur un autre,
s'attacheraient ainsi a l'épuiser, et quand elles
le jugeraient assez affaibli , profiteraieot d'un
moment favorable pour l'aborder lui-meme,
et
l'étouffer dans les cent bras de la coalition. Si
malgré la recommandation adresséc a tous les
chefs de ne commettre aucune témérité, d'etre
prudent avec Napoléon et bardi avec ses lieute–
nants, on se faisait battre, on devait ne pas se
décourager, car
il
rcstait en réserve trois cent
mille hommes prets a recruter l'armée active, et
a
la
rendre indestructible en la renouvelant
saos cesse. On était résolu en un mota vaincre
ou a mourir jusqu'au dernier. La Prusse avait
des réserves dans la Silésic, le Brandebourg, la
Poruéranie; Ja Russie en avait en Pologne,
l'Autriche en Boheme. L'Autriche devait réunir
de plus une arm:ée d'observation en Baviere, une
armée active en ltalie, et dans l'hypothcse, mal–
heureusement trop vraisemblable, d'une rupture
avec nous, elle avait permis qu'on raisonnat sur
ses forces comme déja jointes a la coalition, ce
qui donnait lieu de dire faussement qu'elle était
définitivemcnt engagée avec nos ennemis, et que
la négociation de Prague n'était qu'un leurre
tant de sa part que de la notre.
Ce plan, basé sur les manreuvres probables de
Napoléon, et prouvant que celui-ci avait donné
a
ses adversaires des le((ons dont ils avaient pro–
fité, était sorti de la tete, non du prince suédois,