DRESDE ET VITTORIA. -
J ILLET
1815.
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un· refuge contre la gnerre perpétuelle. C'est
tout cela que plus ou moins clairement, plus ou
-moins adroitement, le ministre de la police, duc
de Rovigo, avait cssayé de faire entendre
a
Napo–
léon avc'c une hardiesse honorable, mais qui
eut été plus méritoire et plus utile, si Napoléon
avait attaché plus d'importance
a
ce qui venait
de luí. Le prince Cambacéres ne se serait pas
hasardé
a
en dire autant, bien qu'il en pensat
davantage, parce que de sa part Napoléon eut
pris la chose plus sérieusement, des lors moins
patiemmeot. Fatigué pourtant des lettres du duc
de Rovigo, Napoléon chargea le prince Camba–
céres de Jui dire qu'elles l'importunaient, qu'en
montrant tant d'amour pour la paix, on luí
nuisait plus qu'on ne le scrvait; que l'on contri–
buait
a
rendre les ennemis plus exigeants , en
accréditant l'idée que la France oc pouvait plus
fairc la gucrre; que lui, Napoléon, savait seul
comment il fallait s'y prendre pour donner la
paix
a
la France avec surcté et avec honneur ;
que le duc de Rovigo, en se mclant de cclte
affaire, se mclait de ce qu'il ignorait, bref qu'il
eut
a
se taire, car de pareilles indiscrétions ne
seraient pas
so~fiertes
plus Jongtcmps.
Cette dure réprimande n'était pas de nature
a
effrayer ni
a
décourager le duc de Rovigo,
Cl'll'
il
ne prenait pas plus au sérieux les coleres de
Napoléon, que Napoléon ne prenait au sérieux
sa politique, et il devait bientot se permettre
une autre tentative, pas plus heureuse
il
est
vrai, mais qui prouve
.a
quel point Je besoio de
la paix était universellement sentí, puisqu'il
per1tait
a
travers ce despotisme qui enveloppait
alors la France entiere, et pesait si lourdemcnt
sur elle.
Napoléon, apres avoir fermé la bouche au duc
de Rovigo, donna un emploi au duc d'Otrante.
11 en avait déja trouvé un en Espagne pour le
maréchal Soult, et il en trouva un pour le duc
d'Otrante par suite d'un accldent aussi triste que
singulier. L'infortuné Junot, depuis la blessure
qu'il avait en Portugal
re~ue
a
la tete, n'avait
jamais recouvré ses facultés physiques et mo–
rales. Dans la campngne de Russie, on ne luí avait
pas vu son ardeur accoutumée, bien qu'il cut
été moins blamable qu'on ne l'avait prétendu,
et
il
avait essuyé de Napoléon des reproches qui
avaient achevé d'altérer su raison. Envoyé
a
Laybach comme gouverneur de l'Illyrie, il y
avait donné tout
a
coup des signes de folie, au
point qu'il avait fallu Je saisir de force et le
transporter en Bourgogne, son pays natal
1
ou
il
était mort. Napoléon nomma M. Fouché gouver-'
ncur de l'Illyrie, poste peu assorti
a
la grande
siluation de cet ancien ministre, mais que
celui-ci accepta·, parce qu'il regardait comme
bonne toute maniere de rentrer en fonctions. 11
devait voir en passant
a
Prague l\L de l\fetternich,
et profiter d'anciennes relations pour soutenir
aupres de ce diplomate les prétentions de Ja
France. Le moyen était petit par rapport
a
l'objet, et ne pouvait compenser le mauvais effet
qu'allait produire en Autriche une nomination
qui prouvait de nolre part peu de disposition
a
renoncer
a
l'lllyrie.
Napoléon , inébraolable quoique parfois agité,
persista dans sa maniere de négocier, Jaquelle,
comme on l'a vu, consistait
a
gagner du temps,
soit pour obtenir, s'il était possible, une nouvelle
prolongation d'armistice, soit au moins pour
difiérer de quelques semaines l'entrée en action
de l'Aulriche, soit au ssi pour romprc le congres
sur une qucstion de forme, et n'avoir pas
a
dire
a
l'Europe, surtout
a
la Frunce, que c'était pour
Hambourg et Je protectorat du Rhin qu'on refu–
sait la paix. Afio de réussir dans cette tactique,
il
fit
concourir avec l'ouverture des négociations
un second voyage qu'il avait résolu d'exécuter
a
Ja fin de júillet pour aller voir l'Impéralrice
a
Maycnce, et qui ne pouvait qu'apporter de nou–
velles entraves
a
la marche des négociations. Il
avait en cffct assigné
a
l\forie-Louise un rcndez–
vous
a
l\fayence vers le 26 juillet, afin d'y demeu–
rer quelques jours avec elle, et surtout afin d'y
passer en revue les divisions destinées
a
formel'
les corps des maréchaux Saint-Cyr et Augereau.
11 laissa en parlant des pouvoirs pour M. de Cau–
laincourt, qui devait se rend1·c it Prague des
qu'on aurait
fCl(U
des commissaires réuois
a
Neumarkt une réponse satisfoisante relative–
ment au tcrme précis de l'armistice;
a
ces pou:–
voirs
il
ajouta des inst.ructions, concertées avec
M. de Bassano, pour que l\'I. de Caulainc.ourt,
une fois
a
Prague, put y employcr d'une maniere
spécieuse les six
a
huit jours qui allaient s'écou–
ler pendant le voyage projeté sur le Rhin.
On était an 24 juillet, et on ne supposait pas
que la réponse de Neumarkt pttt arrivcr avant
le 215 ou le 26. M. de Cau1aincourt devait se
meltre en routc le lendemain, perdre un jour
ou deux
a
licr connaissance avec les plénipoten–
tiaires, puis consacrer· cinq ou six jours
a
discu–
tcr sur la rcmise des pouvoirs, et sur la forme
des conférences. Si, dans son zele pacifique,
i\1,
de Caulaincourt <levcn1'it pressant, et deman·