DRESDE ET Vl'fTORIA. -
JUILJ.ET!815.
1iH
mais des généraux russcs et prussicns, ·habitués
a
notrc maniere de faire la guerre. Bernadotte,
quoique appelé
a
commander
a
150 mille hom–
mes; dont
~
00 mille pouvaient se trouver ensem–
ble sur un meme champ de batai!Je, ce qui dé–
passait fort ses talents, car il n'en avait jamais
conduit 'plus de 20 mille, et toujours sous un
supérieur, n'était pas content de la part qu'on
lui avait faite. Il aurait voulu commander, outre
cette armée, celle de Silésie, et avoir sous ses
ordres Blucher lui-meme, ce qu'il croyait du
a
son rang royal et
a
ses talents militaires. Mais
une telle prétention devait rencontrer des obsta–
cles insurmontablcs. C'était autour de Blucher
que se réunissaient les officiers allemands les
plus distingués, les plus patriotes , les plus en–
gagés daos les sociétés secretes allemandes, gens
a
qui Bernadotte déplaisait
a
tous les titres,
comme
Fran~ais,
comme défectionnaire
a
son
pays, comme sf:éculateur ayant depuis une
année
mis
a une sorte d'enchere ses services fort
douteux, comme g.énéral enfin :rempli de pré–
somption, quoique d'un mérite tres-contestable.
L'idée d'obéir
a
UD
tel chef les révoltait tous, et
ils tenaient
a
Trachenberg le Jangage le plus
injurieux ponr Je prince de Suede. On s'était
done appliqué
a
lui faire entendre qu'il fallait
renoncer a cette singuliere prétention, car les
trois armées devaient agir trop loin les unes des
autres pour qu'on put les soumettre au meme
général, et seulement, pour le satisfaire, on
avait accordé que dans le cas ou l'armée de Silé–
sie serait appelée
a
coopérer avec celle du Nord
(c'est ainsi qu'on appelait la sienne), il pourrait
donner des ordres
a
toutes les dcux. On avait
amené Blucher et ses officiers a admettre cette
éventualité, quelque désagréable qu'elle füt pour
cux, en leur disant que les deux armées desti–
nées
a
se rencontrer et
a
opérer ensemble étaient
celles de Silésie et de Bohcme, parce qu'elles
avaient Dresde pour but commun, que celle du
Nord au contraire,
mena~ant
a
la fois Ham–
bourg et Magdebourg, aurait bien peu de chan–
ces de se trouver
a
coté de celle de Silésie, qui
visait aussi sur l'Elbe, mais bien plus haut.
Apres ces arrangements , on avait renvoyé
Bernadotte enivré d'un encens brillé par de
royales mains, et Alexandre et Frédéric-Guil–
laume étaient revenus a Reichenbach , pour
attendre I'issue des négociations, au résultat des–
quelles ils ne croyaient guere, dont Alexandre,
toujours irrité contre Napoléon et prodigieusc–
ment
tlatté
de mener l'Europe
7
désirait
pcu
le
succes, dont Frédéric-Guillaurne, dans sa con–
stante et sagc défiance de la fortune, aurait
accepté volontiers l'heureuse conclusion s'il avait
pu y ajouter quelque foi. C'était
a
leur retour
qu'avait été faite par les commissaires de Neu–
markt la réponse que nous venons de rapporter,
et qui ótait tout prétexte pour retenir plus long-
temps M. de Caulaincourt a Dresde. ,
Le 26, ce digne et courageux personnage
re~ut
de
l\f.
de Bassano les instructions que Napoléon
avant de se rendre
a
l\fayence avait Iaissées pour
lui. Bien que le fond des choses n'y füt point
traité, les difficultés de forme y étaient si com–
plaisamment détaillées , et données si ouverte–
ment comme un moyen de perdre le temps, que
l\L de Caulaincourt
en
fut consterné. C'était
uniqueinent daos I'intention de ménager une
paix suivant lui indispensable, qu'il avait accepté
le róle de plénipotentiaire
a
Praguc, role plus
pénible pour lui que pour tout autre, car apres
avoir joui de
la
faveur particuliere de l'empereur
Alexandre, n'obtenir s'il le rencontrait qu'une
froideur blessante, et, s'il ne le rencontrait pas,
essuyer cette meme froideur de la part de ses
agents les plus vulgaires, devait lui etre bien
pénible. Aller s'exposer
a
de parcils traitements
pour ne rendre aucun service, et pour jouer une
fade comédie, coutait a sa dignité autant qu'a son
patriotisme. Il se mit toutefois en route sur la
simple espérance de conjurer, en partie du moins,
les effets de la mauvaise volonté de son maitre; •
et en quittant Dresde
i1
adressa
a
Napoléon la
lettre suivante, que l'histoire doi t conserver.
" Drest!c, 26 juillet i8t5.
«
SmE,
u
J'ai besoin de soulager mon coour avant de
ce
quitter Dresde, afin de ne porter
a
Prague
u
quelesentimentdcs devdirs queVotre Majesté
'' m'a imposés. Il est deux heures.
i'H.
le duc de
" Bassano me remet seulement les instructions
«
que les réponses de Neumarkt et les ordres
u
de Votre l\'Iajcsté ne lui ont pas permis de me
11
donner plus tot; elles sont si di:lférentes des
" arrangements auxquels elle avait paru con–
" sentir en me détermihant
a
accepter cette
l(
mission ' que je n'hésiterais pas
a
rcfuser
u
encore l'honneur d'etre son plénipotcntiaire,
" si, apres tant de temps perdu , les heures
" n'étaicnt comptées
a
Prague, pendant que
«
Votre Majesté esta Mayence
~t
moi encore a
Dresde. Quellc liue soit done roa répugnance
~