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LIVRE QUARANTE-HUITIE1\1E.
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pour des négociations si illusoires, je me
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pénetre avant tout de mes devoirs, et j'obéis.
1(
Demain je serai en route et apres-demain
a
11
Prague, comme on me le prcscrit; mais per–
i(
mettez, Sire, que les réflexions de votre fidcl e
1(
serviteur trouvent encore ici leur place. L'ho–
" rizon poliLique est toujours si rembruni, tout
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a un aspect si grave, que je ne puis résister au
" désir de supplier encore Votre Majesté de
" prendrc, comme son ministre me le
fait
espé·
" rer, une salutaire résolution. avant le terme
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fatal. Puisse-t-elle se convaincre que le temps
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presse , que l'irritation des Allemands
~st
1<
extreme, et que cette exaspération des esprits
e<
imprime , encore plus que la peur des cabi–
" nets, un mouvement accéléré et irrésistible
" aux événements. L'Autriche est déja trop com–
" promise pour reculer , si la paix du continent
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ne la rassure pas. Votre l\'lajesté sai
t
bien que
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ce n'est pas la cause de cctte puissance que
«
j'ai plaidéc pres d'ellc; ccrtcs
!
ce n'est pas son
«
abandon dans nos revers que je la prie de
" récompenser, ce ne sont meme pas ses 1 !'.10
" mille bafonnettes que je veux écarter du
1t
cbamp de bataille, quoique cette considéra-
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tion mérite bien quelque attention; mais c'est
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le soulcvement de l'Allemagne, que le vieil
1c
ascendant de cette puissance peut amcner,
1t
que je supplie Votre Majesté d'éviter
a
tout
11
prix. Tous les sacrifices faits daos ce but et
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par conséquentdans ce moment a une prompte
tt
paix, vous rendront, Sire, plus puissant que
tt
ne l'ont fait vos victoires, et vous serez l'idole
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des peuples, etc...
»
Ce langage d'un honnete homme, qui en
voyant déja une grande partie du mal, ne le
voyait pourtant pas tout entier, car ce n'étaient
pas ·1!'.10 mille Autrichiens, mais 500 mille qu'il
s'agissait de se mettre encore sur les bras, car
ce n'était pas le soulevement de l'Allemagne, mais
celui de toute l'Europe qu'il s'agissait de braver,
ce langage ne devait malbeureusement pas avoir
beaucoup d'utilité. Toutcfois, ne renorn;an t pas
a
essayer le bien, quelque faible que
füt
l'espé–
rance de l'accomplir,
l\'I.
le duc de Vicence étai t
partí pour Prague, ou on I'attendait impatiem–
ment. L'accueil qu'il y rc1tut fut <ligue de lui
et de la considératiou qu 'il s'éLait acquise en
Eu! ope. En apprenant son départ, on avait sus–
pendu tous les pourparlers jusqu'a son arrivée.
Apres etre entré en communication avec les plé–
nipotentiaires russe, prussien et autrichien,
il
reprit avec M. de Metternich le vieux theme que
1\1.
de Narbonne avait déja usé en quclques jours,
c'est qu'il n'était possible de remettre les pou–
voirs et de traiter les maticres
a
discuter qu'en
assemblée commune, sous les yeux et la prési–
dence du médiateur, mais en conférence de tous
avec tous. Cette difficulté, sérieuse sans doute si
on avait eu encore l'espoir d'un rapprochement
direct avec Ja Russie, n'en devait plus etre une
qui méritat tant d'insistance de notre part, lors–
qu'on ne pouvait désormais faire la paix que
par l'Autricbe, et
a
son gré. Il nous était meme
plus commode d'avoir le médiateur pour organe
principal, que de nous aboucher avec deux plé–
nipotentiaires mal disposés ' et cherchant peu a
faciliter une paix que l'Autriche souhaítait seule.
La preuve qu'il en était ainsi, c'était le désir
évident de M. de l\fetternich d'amener
i\I.
de
Humboldt et
l\f.
d'Anstett
a
une concession sur
cette question de forme, afin de rendre au moins
l'ouverture du congres possible. Puisque lui–
meme voulait un abouchement direct des pléni–
potentiaires frarn;ais avec les plénipotentiaires
prussien et russe, c'est qu'il n'avait plus
a
Je
craindre. Du reste, parlant franchement avec
l\L
de Caulaincourt commeavecM. de Narbonne,
il Jui montra l'inutilité de disputer longuement_
sur les formes suivies
a
Munster,
a
Tetschen,
a
Sistow, car les deux plénipotentiaires étaient
engagés d'amour-propre et d'intéret daos la voie
oú ils étaient entrés: d'amonr-propre, parce
qu'ils avaient déja remis leurs pouvoirs au média–
teur, d'intéret, parce qu'ils ne voulaient pas
qu'on les accusat de pactiser secretement avec la
diplomatie fran1taise, et que traiter par notes
remises au médiateur était le seul moyen qui ne
pretal
a
aucune fausse interprétation. Il dit que
par ces motifs ils ne consentiraient pasa céder,
que d'ailleurs ils ne désiraient pas beaucoup la
paix, et que ce désir ne pouvait faire taire chez
eux ni l'amour-propre ni l'intéret ; que par con–
séquent toutes les discussions qu'on aurait avec
cux seraient inutiles; qu'au surplus, il le voyait
bien, Napoléon n'avait pas la moindre envie
d'arriver
a
un résultat; que tant qu'il s'attache–
rait
a
batailler sur un tel terrain,
il
fallait en
conclure qu'il ne voulait pas faire un pas vers Ja
paix, qu'il était des lors inutile de s'agiter pour
obtenir sur des questions de forme des conces–
sions qui ne meneraient
a
rien pour Je fond des
choses , qu'il fallait attendre, et attendre jusqu'au
dernier moment, car avec un caractere aussi
extraordinaire que celui de Napoléon, tout était
possibJe; qu'au dernier jour ,
it
la derniere