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LIVRE QUARANTE-NEUVJEl\JE.

une colere extreme, et commc, pour contrarier

son gouvernement, on avait mis de coté toute

justice, il n'hésita pas, lui, afin de rendre

guerre pour guerre'

a

mettre de coté toutc

légalité, et

a

casser la décision du jury. Cet

acte cxtraordinaire et saos exemple était de

nature

a

soulever l'opinion universelJe' mais

Napoléon ne s'en inquiéla point, et persista,

s'imaginant que la sincérité de son indigna–

tion justifierait l'éLrange audace de son acte ,

tant les idées se pervertissent vite lorsqu'on

prend l'habitude de meLtre sa volonté au-dessus

de celle des lois.

l\Ialgré }'avis du département de la ju ti e,

et ootamment de l'archichaneelier Caml>acéres,

qui pensait que la seule chose possible c'était de

changer la loi si elle était mauvai e, eL de ous–

traire au jury la connai sanee de ce genre de

délits si on le croyai t incapable d'en bien con–

naitre, Napoléon, s'appuyant sur un artiele des

constituLions de l'Empire qui permettait au

Sénat d'annuler les jugements attentatoires

a

Ja

súreté de l'État, voulut qu'un sénatus-consulte

fút rendu pour casser la décision du jury

d'Anvers, et rcnvoyer devant une autre cour

non-seulement les prévenus acquittés, mais cer–

tains jurés eux-memes, accusés de s'ctre Jaissé

corrompre. On ne pouvait pas accumuler plus

d'irrégularités

a

la fois, car en admettant que

l'article

na

de la Constitution du 1

Ci

Lherrnidor

an x (4 aoút 1802) füt encore en vigueur, il

était évident que le jugement dont il s'agissai t

n'était pas un de ceux qu'on avait eus en vue

en les qualifi.ant d'attentatofres

a

la sureté de

l'État, et surtout qu'en s'arrogeant le droit de

casser la décision d'un tribunal, on avait voulu

abroger cette décision , mais nullement pour–

suivre ceux qui l'avaient rendue. Ces objectioos

furent soumiscs

á

Napoléon, mais il n'en tint

aucun compte, et exigea que le sénatus-consulte

fütrédigé tel qu'il l'avait coni;u, et porté immé–

diaLement au Sénat. Il a\la plus loin: convaincu,

dans l'aveu glement de son despotisme, qu'un

pouvoir poursuivant un but honnete ne devait

se laisser gener par aucuue regle,

il

signa, et

fiL

publier une Jettre close , dans laquelle, saisis–

sant lui-meme le conseil privé de Ja qucstion, et

lui indiquant la décision, il prenait la respon–

sabilité eotiere sur sa tete. Le rapport du con–

seiller d'État, chargé de présenter le sénatus–

consulte, contenait cette phrase qui exprime

toute l'opinion de Napoléon en rnatiere de

souveraineté, et qui certainement n'eút jamais

été adrnise, meme avant 1789, dans de.s termes

aussi absolus : " Notre législation ordinaire

u

u'offre aucun moyen d'anéantir une pareille

u

décision . Il faut done que la main du souve-

11

rain intervienne. Le souverain est Ja loi

u

supreme et toujours vivante: c'est le propre de

ce

Ja souveraineté de renfermer en soi tous les

11

pouvoirs nécessaircs pour assurer le bien, pour

" prévenir ou réparer le mal. ,,

S'arrogeant ainsi le droit illimité de pour–

voir

a

tout, de distribuer la justice, de la chan–

ger au bcsoin quand elle ne lui convenait pas,

il prodiguait de cette meme main souveraine le

bien qu'il trouvait

a

faire sur son chemin . Le

premier pré ident de la cour de cassation,

1\1.

Muraire, magistrat distingué, ayant mal ad–

mini tré sa fortune, était tombé daos une

situa~

tion facheuse pour un fonctionnaire de son rang.

Son O'endre, destiné

a

devenir bientót un sage et

courageux ministre du roi Louis XVIII, M. De–

cazes, s'étn nt rendu

a

Mayence pour faire appel

a

la bienfaisance impériale, Napoléon, qui avait

en ce moment de fortes raisons d'etre avare de

son argent, lui dit: Comment done M. l\furaire

s'est-il exposé

u

de tels embarras?... l\fais peu

importe, combien vous faut-il? - Puis cela dit,

il

examina ce qu'il fallait pour tirer M. l\Iuraire

de sa position , et il accorda quelques centaines

de mille francs ur son trésor particulier, qui

était, comme oo l'a vu, la derniere ressouree de

l'armée.

Napoléon profita de son séjonr

a

Mayence

pour dooner quelque attention

a

ses finances.

La mesure de l'aliénation des biens communaux ,

adoptée et co nvertie en loi, n'avait pas encore ·

produit de gl'ands résultats, parce qu'iJ fallait

méoager un emploi aux nouveaux bons de Ja

caisse d'amortissement avant d'en émettre des

sommes considérables. Sans cette précaution en

effelilsse seraient accumulés sur Ja place, et eus–

sent été bientot dépréciés. 11 était done indis–

pensable d'accélérer l'aliénation des biens com–

munaux, qui pouvait seule fournir l'emploi

désil'é. Avant que les bieos communaux fussent

vendus, il fallait les choisir, les faire admettre

daos la catégorie des biens aliénables, les esti–

mer, en fournir

la

valcur aux cornmunes en

rentes sur l'État, en prendre possession, et enfin

les meltre publiquement en adjudication. Quel–

que accélérée que füt cette suite d'opérations

administratives, elle exigeait du ternps, et jus–

qu'a son achevement pour chaque partie de

biens, on ne pouvait opérer la mise en vente.