DRESDE ET VITTORIA. --
JUILLET
:181 5.
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Les bons émis avant ·qu'íls fussent recherchés
pour ce genre d'emploi., auraient bientót flotté
sur la place, perdu 20 ou 50 pour cent, entrainé
la chute des actions de la Banque et des rentes
sur l'État , seules valcurs ayant cours
a
cette
époque, et ruiné l'espece de crédit fort restreiot
dont on jouissait, et dont on avait besoin, tout
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estreiut qu'il était. Napoléon avait pris pour le
compte de son trésor eoviron 72 millions de ces
nouveaux bons, Ja Ilanque 1.0, la Caisse de ser–
vice 65, ce qui composait une ressource de 141:5
millioos réalisée d'avance, et qui n'entrainait
aucunc émission de ces bons, parce que les trois
caisses qui s'en étaient chargées les avaient gar–
dés en portefeuille. 1\1ais ce n'était pas assez avec
les immenses dépenses qu'on avait eu
a
soldcr,
car les payements du Trésor daos les six premiers
mois écoulés avaient déja excédé les recettes or–
dinaires de plus de 200 millions.
l\f.
Mollien
n'osait pas dans ses payements ernployer les nou–
veaux bons de Ja Caisse d'amortissement, parce
qu'il craignait de les avilir. On en avait d'abord
émis quelques-uns sur la place afin de les popu–
lariscr, et ils n'ava ient pas perdu plus de
~a
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pour cent, ce qui était un agio fort modéré,
mais les répandre davantage était difficile et dan–
gereux. On ne pouvait les donner ni aux renticrs
ni aux fonctionnaires, parce que les sommes
a
payer aux uns comme aux autres étaient pcu
considérables, et que les coupures de
ces
bons
ne s'y pretaieot pas , parce qu'on aurait fait
d'ailleurs crier aux assignats. Encore moins pou–
vait-on les consacrer
a
payer la solde de l'armée,
qui s'acquittait
a
l'étranger et en sommes tres–
divisées. Toutefois, pour ce genre de payement,
Napoléon avait fait employer dans une certaine
proportion les billets de la Caisse de service,
acquittables a Paris ou dans les départements,
lesquels fournissaient aux officiers ayant des
familles la faculté de faire passer surement
et,
saos
frais de l'argent en France, et procuraient en
outre au Trésor la facilité de remplir ses enga–
gements avec un papier
a
écbéance assez lon–
gue. C'est meme par des combinaisons de ce
genre que la Caisse de service avait pu se char–
ger
a
elle seule de 65 rnillions des nouveaux bons,
qu'elle devait garder en portefeuille. L'unique
payement qui put s'effectuer avee cette nouvelle
valeur , c'était celui des grandes fournitures
exécutées par les riches entrepreneurs tr·avail–
lant pour la guerre et pour la marine. Ceux-la
tenant
a
continuer les affaires importantes qu'ils
faisaient avee tl'État, ne devaient pas regarder
de si pres au rnode de payement, et d'ailleurs
ils avaient tellement besoin d'argent , qu'ils
aimaien t encore mieux recevoir une valeur expo–
sée
a
perdre 10 ou
HS
pour cent, que ne rien
recevoir du tout. II y avait de plus une especc
de fournisseurs obligés, devenus fournisseurs
malgré eux, c'étaient les propriétaires, fermiers
ou négociants, auxquels on avait pris par voie de
réquisition ou des denrées, ou des étoffes, ou des
cbevaux , a condition de les solder compl.ant.
Aux uns cornme aux autres on pouvait donner
les nouveaux bons de la Caisse, que les uns
fcraient escompter
a
de gros capitalistes, que les
autres garderaient pour en acheter des biens
communaux. l\'Iais
l\'l.
l\'Iollien, toujours attaché
aux rnoyens réguliers, préférait faire attendre
les fournisseurs et les individus frapp és de réqui–
sition, ce qui pouvait se couvrir du prétexte des
liquid ations inachevées, que d'émettre tin papier
exposé a ctre qualifié d'assignat des que l'intro–
duction daos le public en paraitrait plus
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moins forcée. Aussi les fournisseurs, habitués
a
crier a la porte des administrations, commen–
~aient-ils
a
murmurer,
a
se plaindre du défaut
de payement, et
a
l'alléguer comme excuse du
ralentissement de t.ous les services. C'est la ce
qui motiva l'intervcntion personnelle de Napo–
léon, dont l'oreille ne devenait sensible en ce
moment que lorsqu'il s'agissait des besoins de
l'armée.
S'adressant a l\'I. Mollien, il soutint que la perle
de 9 a 10 pourcent sur une pareille valeur, sur–
tout lorsqu'un gros intéret, exactement payé, de–
vait en maintenir le cours, n'était rien en soi, et
n'égalait pas l'inconvénient de faire attendre des
gens qu'il y avait urgence
a
s~tisfaire.
Ceux
a
qui l'argent comptant n 'était pas indispensable,
auraient daos la main un placement avantageux,
ceux qui ne pouvaient pas s'en passer, réalisc–
raient le capital par l'escompte, et ce serait tou–
jours le meme résultat, ramené a un seul incon··
vénient, de fai,re baisser de 9
a
10 pour cent
l'une des trois valeurs circulantes. Les rentes
sur l'État, par exemple, qu'on avait vues
a
12 francs la veille du 1.8 brumaire,
a
50 le lende–
main, puis a 90 apres 1806, qu'on revoyait ae–
tuellement
a
70, n'entrainaieot pas apres tout,
par ces variations,
la
ruine de l'État et des par–
ticuliers. La :fixité et l'cxact payement de l'intéret
coosolaient les porteurs de rente, qui finissaient
par ne plus prendre garde
a
ces fluctuations, et
il
n'y avait d'alteints par elles que ceux qui
étaient forcés de vendre. C'était un inconvé-