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LIVRE QUARANTE-NEUVTEJ\TE.
M. de Bassano, meme le roi de Saxe, M. Fouché
se permit de dire
a
Napoléon que s'il ne donnait
pas toul de suite la paix,
il
devicndrait bientót
odieux
a
la France, et qn'il y aurait danger non–
seulement pour lui, mais pour son fils, pour sa
dynastie; que s'il ne saisissait pas eette derniere
oeeasion de déposer les armes,
i1
serait perdu;
que la France venait par honneur de faire un
dernier effort , parce qu'elle ne voulait pas se
retirer battue de son grand duel avec l'Europe,
maisqu'apres les victoires de J.,utzcn et de Baut–
zen elle considérait son honncur commc dégagé,
et qu'a la seule condition de conscr ver le Rhi n
et JesAlpes, que personne ne lui contestait plus,
pas mcmc l'Angleterrc, elle se tiendrait pour sa–
tisfaite; mais que si, malgré la possibilité évident e
de signer une telle pa ix , on persistait
a
conti–
nuer la guerre, elle se rega rdcrait comme sacri–
fiéea un systemc pcrsonncl
a
Napoléou , systcme
insensé, qu'ellc détestait autantque l'Europcclle–
memc, car elle en souífrait tout au tant.
Ces hardies proposition causcr ent
a
Napoléon
une irritation extreme , et il ne sul répondre
qu'en disant qu'on ignorait le secret des négo–
ciations , que les puissances bclligéra ntcs luí dc–
mandaient des ohoses inadmissibles; qu e s'il les
eoneédait, l'Europe le regard erait comme telle–
mcnt affaibli , que bicntót elle exigerait tout ce
qu'il ne pouvait pas accordcr , et ce qu e personne
parmi ses contraclicteurs ne voudrait accorder;
qu'il follait, pour garder le nécessaire, <léfcndre
meme Je supedlu, se montrer indomptable, se
résigncr
a
livrer une ou dcux Lataillcs de plus,
pour conscrver une grandcur acquisc par vingt
années de sang versé, et savoir bravcr la guerre
quelques jours encore pour avoir une vraic, une
solide paix. En1
ufl
mot daos eette convcrsation ,
comme dans toutes cclles q.u'il cut sur ce suj et,
son art consislnit, en cachant Loujours les fa its
vé11itablcs, en Inissant toujours ignorcr qu'il ne
s'agissait en rénlité qu e de Hambourg et du p ro–
tectora! de la Confédération du Rhin , son art
consistait
a
soulenir que c'élait tout
011
ri cn, qu'il
fallait tout défendre ou tout céder, et comme
personne ne voulait tout céder , la concl usion
était, selon lui, qu'il fallait tout défendrc. Sa for c
d'esprit et de langagc parvcnait bien
a
ernbanas~
ser ses intcrlocuteurs, qui d'ailleurs, ignorant
l'état des négociations , ne pouvaient pas lui r é–
pondre, mais elle ne parvenait ipas
a
les convain–
cre, et les laissait terrifiés de la fatnle résolution
qui
per~ait
dans son attitude et ses discours,
JI
admiraientquclqucfois son indomptable.caructore
en déteslaot son orgueil funeste, et s'en allaient
ilcncieux, méconlcnts, la plupart du tli'mps
clésolés . Un seul d'entre cux, ne paraissant pas se
douter du péril, affirmait. que le génie de l'Em–
pereur était inépuisablc en ressources , qu'il
triomphera it de lou ses enncmis, et rctrouve–
r ait plus grnnde, ou nussi grande que jamais, sa
puissance de
181
O et de 'l
8·11.
Cet intcrlocuteur,
on le devin e, était
l\'I.
de Ilassano, et
il
était le
moins excusable , car scul il savait le sccret des
ch o es , scul il savait que c'était pour Hambourg
el le Litre de protectcur de la Confédération du
Rhin qu'on s'exposait
a
Lout pc1'dre.
JI
faut dire
néaumoins po11r r éduire
a
ccqu'elle doit etre sa
responsabili té, qui aulrement scrait si lourdc,
qu'il iníluait peu sur les résolutions de Napoléon ,
lcquel ne semblait meme pas touché de ses
magnifiques pronostics, et qu'il parvcnait uni–
qu cment
a
excitcr ch ez
i\I.
de Caulaincourt des
igncs d'impaticnce peu flatteurs et peu dissi–
mulés.
Ce n·csLpas seulcment
a
Drcsdc que Napoléon
avait r encontré ces contradiction , atlénuécs du
reste par la soumission dn temps, c'était
a
París meme. Le mi nistre de la policc, duc de
Rovigo, entend ant plus c¡uc tout autre le r etcn–
tissement de l'opinion publique, et ne
craignan~
pas les acccs d'humeur de Napoléon , nuxquels
il s'étnit habitu é en n
y
prcnant pas garde, avait
plusicurs fois osé Jui éerirc ce qu'aucun de ses
ministres n'osait lui dire, c'c t que la paix était
m·.gonte, indispensable, qu'il ne fallait pas atten–
drc de Ja Fran ce fatigu ée un nouvcl effort, sem–
blable
a
cclui qu'clle venait de faire; c'cst que
Lous les cnncmi du gouvcrnement jusquc-la
découragés , dispersés , r eprcnaicnt le couragc
avcc l'espérance; c'est que les révolutionnnire:;,
Jongtcmps accnblés sous les souvenirs de quatrc–
vingt-trcizc , les Bourbons, longtemps et com–
pléterncnt oubliés, essayaient de se prodnire de
nouveau, que ces clerniers mcme répandaient
des manifcstes qu'on lisait saos colere et 11vec
une ccrtninc curiosité. Toutes ces assertions
étaient n aies, et il était constant que l'idée d'un
nu tre gouvern ernent que celui d.e N11poléon, idée
qui depuis quntorzc nns ne s'était présentée
a
l'espri t de personnc, pas meme au rctp,ur de
Moscou, commcn<;ait, la situation se prolongeant,
a
péraétr~r
dans J'esprit de bcaucoup de gens, et
allait devenir générale si la guerre continuait;
que de mcmc qu'on avait en
'1799
cherché auprcs
du général Bona parle un refugcconlrc l'nnarchic,
on irait hi entót hercher aupres. des Bourbons