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LIVHE QUAHANTE-NEUVIEME.

protcctcur de la Confédération du Rbin

!

Sans

doute si l'honneur des armes clit été compromis,

on conc;oit qu'il ne vouhit pas céder, car

il

vaut

mieux perdre des provinces que l'honneur des

armes! Cela vaut micux pour la dignité et Ja

sureté d'un vaste empire; mais apres Lutzen,

mais apres Bautzen, ou des enfants avaient

vengé le malheur de nos vieux soldats, l'honneur

des armes était sauf; la vraie grandeur, et mcme

la

grandeur exagérée et inutile l'était aussi;

il

ne restait en souffrance que l'orgueil! Et

a

ce

sentiment si persounel;

il

est triste de le dirc,

Napoléon était pret

a

sacrificr non-seulement la

solide grandeur de la France, celle qu'elle avait

conquise sans lui pendant la révolution, mais

cette grandcur facti cc, fabuleuse, qu'il y avait

ajoutée par ses prodigieux exploits ! 11 allait

sacrifier

a

ce sentiment sa femme, son fils et

lui-meme

!

Toutefois ces questions agitaient profondémen t

Napoléon, et si avec la faculté de se distraire

par mille travaux de tout genre, faculté dont

il

était doué au plus haut <legré' il arrivait

a

se

donner un visage serein, si meme, tout plein de

ses vastes et profondes conceptions militaires ,

il

parvenait

a

se donncr confiance,

il

était parfois

troublé et pensait sans cesse au grave sujet que

nous venons d'cxposer. Toujours en course autour

de Dresde, faisant, avec son embonpoint qui com–

menc;ait

a

etre importun' des excursions de

trente et quarante licues par jour, dont la moilié

u

cheval, a!lant étudier le long des frontieres de

la BohCme les clrnmps de hataille qui devaient

bientót se couvrir de sang,

y

amenant ses gén é–

raux avcc lui, quelquefois les y envoyant sans

lui pour les obliger

a

étudier le terrain' il em–

portait dans sa tete les memes pensées, et, soit

en route, soit de retour

a

Dresde, il en conférait

avec les personnnges de toute profession qui le

suivaient dans ses campagncs. Absolu par son

pouvoir,

il

était par sa clairvoyanee dépendant

des esprils qui l'entouraient, car

il

lui était im–

possible de voir la désapprobation sut' les visa–

ges sans éprouver le hesoin de la combattre, de

la dissiper, de la vaincre, et

il

avait souven t for t

a

faire. Si on étai t en e:ll'et bien soumis , b ien

appliqué

u

lui plaire , Je sentiment <lu danger

déliai t les langues chez les plus courageux, attris–

tait au moins les visages chez les plus

ti

mides!

Chacun suivant son état, milítaire ou civil,

apcrcevant de la situation ce qui le concernait,

révélait les dangers qui le frappaient plus parti–

culierement. Les militaires qui avaient jugé excel-

lente la position del'Elbc, quandon u'avait affaire

qu'aux Prussiens et aux Russes, étaient effrayés,

depuis qu'il s'agissaitdes Autriehiens eux-memes,

de se trouver sur l'Elhe avec la possibilité d'etre

tournés par ces dernicrs du cóté de la Boheme,

et d'avoir ainsi l'enncmi sur nos derrieres, entre

nous et la Thuringe. Les politiques voyaient

clairement l'Autriche entrainée par ]'esprit pu–

blic de

l'

Allemagne, et sollicitée par son propre

intéret, prete a imitcr la Prusse, et

a

cornpléter

des lors l'union de tous les États contre. nous;

et ils nous voyaient réduits

a

lutter contre l'Eu–

rope, exaltée par la haine, avec la Franee abattue

par la fatigue 1Aussi les uns et les autres étáient–

ils d'avis d'admcttre la médiation et ses· condi–

tions, quelles qu'elles fussent, en les supposant

rneme beaucoup moins avantageuses qu'elles

ne l'étaient réellement. Sans doute ils n'eussent

voulu

a

aucun prix qu'on acceptat la France pri–

vée <le ses frontieres naturelles, mais si on leur

avait dit qu'elle aurait,. directement ou indirec–

temcnt, i\1ayence, Cologne, Anvers, Flessingue,

Amsterdam, le Texel, Cassel, Turin, l\filan,

Florcnce, Rome, Naples, ils auraient

a

genoux

supplié Napoléon d'accepler. 1\iais on leur lais–

sait ignorer le véritable état des choses ; on pat'·

lait vaguement devant eux de sacrifices contrai–

res

a

l'honneur, et sans savoir précisément ce

qui en était, ils supposaient néanmoins que la

France était encore assez redoutée pour qu'on

n'osat pns lui offrir moins que ses frontieres natu:..

relles, et dans cclte supposition, bien inférieure

pourtnnt

a

la réalité, ils préféraient des_saerifiees

d'amou r-propre au danger d'une lutte cffroyable

co.ntre une coalition formée de toute l'Europe.

Politiques et militaires parlaient entre eux de

ce sujet, ou dans leurs bivacs, ou dans les

antichamhres de Nnpoléon, se taisaient quand

il

survenait, et quelquefois meme ne

s'interrom~

paient qu'a demi, pour lui fournir l'occasion de

reprendre l'entretien s'il daignait le continuer

avec eux > ce que rarement il négligeait de fair-e.

Avec les militaires, les réponses ne lui man–

quaient pas, car s'ils avaient raison en signalant

la hardicsse de notre situation sur l'Elbe, ou l'on

pouvait etre tourné par la Boheme en eas de

guerre avec l'Autriche, ils avaient tort, ainsi que

le faisaient plusieurs d'entre eux, de lui proposer

la ligne de la Saale, ligne tres-r,ourte, n'emhras–

sant que l'espace compris ele

Huf

a Magdebourg,

facile a forcer sur tous les points, et exposée

a

elre tournée par la Baviere, comme celle de l'Elhe

par la Boheme. On eut été, en adoptant cette