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LlVRE
QUAHANTE-NEUVIE.ME.
vait pas été officicllcment, Napoléon avait perdu
cinq ou six jours; maintenant, sous uu prétcxte
aussi frivolc, parce que les commissaires de
Neumarkt, simples agents d'cxécutiou, n'ayant
aucune autorité morale, élevaicnt une difficulté
d'interprélation sur un tcxte qui leur était
inconnu, on allait perdre quelques jours encore.
Et quand on avait vingt jours devan t soi, vi ngt–
sept avec le délai contesté , en sacrifier cinq ou
six
a
cbaque occasion était un jeu visible et
offcnsant. Le plus grave d'ailleurs, ce n'était
pas Ja pertede temps, car si l'on voulait bien
s'cntendre deux jours, n'en reslat-il que deux,
pouvaicnt suffire : le plus grave, c'étai t la d-is–
position que cette maniere d'agir révélait chez
Napoléon. Puisq u'il se jouait ainsi de ses advcr–
saires et du méd iatcur , évidemment
il
ne sou–
baitait point la paix, et apres avoir obtcnu le
temps qu'il avait si ardcmrnent désiré, et qu'il
employait si bien, il ne prenait pas meme Ja peine
de dissimuJcr
a
quel point il se moqunit de ceux
dont il avait fait ses dupes-Tel étaitle Jangage,
maJ beureusemcnt tres-fondé, que les partisans
de la gnerrc tenaient partout, en ayant soin de
le r cndre blessant et amer pour l'empereur
Franc;ois et son
minist.re.
i\J.
de l\Iettcrnich vi t
l\f.
de Narbonne et se
montra a lui prorondémcnt atlligé. - La nou–
velle d iffi culté que vous venez de soulcver, lui
dit-il, n'est pas plus sérieuse que la précédente.
Nous vous avions annoncé amicnlement la rati–
fication expressc de Ja convcntion en vertu de
Jaquelle l'armistice est prolongé jusqu'au 16aout;
vous ne pouviez done pas doutcr de r exactitudc
du foit, et ce n'était pas une r aison de différer
la nomination et l'cnvoi de vos pléni potentiaires,
Jorsquc ceux des autres parties bclligérantes
devaient etrc ici le ·12, qu'ils
y
arrivaient meme
Je 11. Aujourd'hui les commissaires de Neu–
markt, qui ne soot r íen , qui ont toutes les pas–
sions des états-majors, prétendeot interprétcr
un texte qui leur est inconnu, et vous afl'eetez de
prendre la chose au sérieux, jusqu'a vous mon–
trcr alarmés
!
Ce ne peu t etre une alarme bien
sincere. Croyez -vous qu'on voudrait malgré nous,
et par conséquent sans nous, recommencer les
hostililés? le eroyez-Yous en vérité ? Certaioe–
ment non; des lors de quoi s'agit-il
?
D'une
difficulté insignifiante, dont vous auriez pu faire
le sujet <le notre entrctien
a
Ja p1·emiere réunion
eles pJénipolentiaires, et sur laquelle vous auriez
eu l'avis favorab!e des deux plénipotentiaircs
prussien et russe, et en tout cas l'avis décisif du
médiateur , dont l'opinion vous était connue
d'avance. Ce n'était done pas Ja peine de perdre
encore quelques jours, quand
il
nous en reste
a
peine une vingtaine d'ici nu 10 aoUt. Nous ne
pouvons voir qu' une ehose dans cette conduite,
e'est le désir de l'empereur Napoléon de nous
mener ainsi , sans avoir rien fait, jusqu'au terme
de l'armistice. Mais qu'il ne s'y trompe pas, il ne
parviendra pasa faire prolooger d'unjour la sus–
pension d'armes. Aux diffieultés que vous ren–
cootrez
a
Ncumarkt, vous devez jugcr de celles
que nous avons eues
a
vaincre nous-memes pour
obtenir une premiere prolongation. Vous n'en
obtiendrez pas une seconde, soyez-en sur. Que
l'empcreur Napoléon ne se fasse pas illusion sur
un point plus important encore. Le terme du
1O aout arrivé,
il
n'y aura plus un mot de paix
a
dire , et la guerre sera déclarée. Nous ne
serons pas neutrcs, qu'il ne s'en flatte pas. Apres
avoir employé tous les moyens imaginables pour
J'amener
a
des conditions raisonnabJes, qu'il con–
nait bien, que des le premier jour nous lui avons
fait connailre, sur Jesquelles nous n'avons pas
pu varier, car eJles constituent le seul état tolé–
rable pour l'Europe, il ne nous reste plus, s'il
les refuse, qu'a devenir belligéraots nous·memes.
Si nous dcmeurions neutres (eomme au fond il
le désire) , les nlliés seraient battus, nous n'en
doutons pas; rnais apres leur tour le notre vien–
drait, et nous l'aurions bien mérité. Nous ne
commetlrons done pas cette faute. Aujourd'hui,
quoi qu'on puisse vous dire , nous sommes
libres . Je vo us donne ma parole et celle de mon
souverain, que nous n'avons d'engngemcnts avec
personne. l\'Jais je vous donne ma parole aussi
que le 1
o
aout
a
minuit nous en auro ns avec
tou t le monde, excepté avec vous , et que le 17
au matin vous aurez trois cent mille Autri–
cbiens de plus sur les bras. Ce n'cst pas légcre–
ment, ce n'est pas sans douleur, car
il
est pcre
et il aime sa filie, que l'empereur mon maitre a
pris cette résolution; mais
il
doit
a
son peuple,
a lui-meme,
a
l'Europe, de reodre
a
tous un état
stable, puisqu'il en a le moyen, et que d'ailleurs
J'alternative ne serait autre que de tomber quel–
ques jours plus tard sous vos coups , dans une
dépendance pire que celle ou vous aviez mis la
Prusse. Certes nous savons quelle chance on
court en voulant combattre, memc quand on est
fort nombreux, l'empereur Napoléon a la tete
des armécs franyaises; mais apres
y
avoi r bien
r élléch i, nous préférons ceLle chance au déshon–
neur et
a
l'esclavage. Qu'on ne vienne done poinL