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QUARANTE-NEUVIEME.
Lentiaire prussien était le frere du savant qui est
!'une <les gloires de ce siecle). La Russie avait
choisi le baron d'Anstctt, Alsacicn (par cónsé–
quent Fran<;ais), appartenant
a
une famille
d'émigrés, homme de qnelque esprit, de peu de
considération et de sentimcnts fort hostiles
a
la
France. Quoique ce dernier choíx fUt assez dé–
plaisant, comme au fond l'intention était de tout
laisser faire
a
1\1.
de Metternich, i! fallait ne
tenir compte que de lui seul, et ne pas prendre
garde aux collaborateurs qu'on lui adjoiguait.
Ces deux négQciateurs,
a
peine rendus
a
Prngue,
avaient communiqué leurs pouvoirs au média–
tcur, et ils se plaignaient du peu d'égards qu'o,n
!eur témoignait en les faisant attendre , sans
meme annoncer le jour de l'arrivée des plénipo–
tentiaires
fran~ais.
Le 11)
j
uillet oo n'avait encore
ríen dit, et 1\1. de Narbonne étant rctourné
a
Prague comme ambassadeur, désigné en outre
comme devant etre l'un de nos plénipotentiaires,
mais n'ayant re<;u ni pouvoirs ni instructions,
ne savait quel langage tenir ni quelle attitude
prendre. A toutes les remontrances de
l\f.
de
Metternich, transmises
a
.Dresde,
l\L
de Bassano
avaít répondu que la
fa
ute était au cabinet aulri·
chien, qui avait laissé partir l'empereur Napoléon
pout' Magdebourg saos cornmuniquer officiel–
lement la ratification de la nouvelle conven–
tion prolongeant l'armistice jusqu'au 16 aoút.
A ce reproche,
1\1.
de l\felteroich avait rép!iqué
qu'ayant fait connaítl'e officieusement cetle rati–
fication, on aurait bien pu , en attendant la com–
munication officiel!e, nommer les plénipoten–
tiaires et les faire partir, ce qui eut été au moins
l'accomplissement des devoirs de politesse aux–
quels les grºan<ls États sont astreints les uns
envers les aulres, aussi bien que les indiv.idus
eux -memes. Sans s'arrcter
a
cette réponse,
M. de Bassano avait de nouveau tout rejeté sur
l\I.
de Metternich.
Napoléon étant revenu
a
Dresde le
iD,
apres
un voyage de cinq jours, et ayant enfin re<;u la
ralifica tion de ia nouvelle convention par l'Au–
lriche, la Prusse et la Russie, ne pouvait plus
différ'er la nomination de ses plénipote.ntiaires.
. En conséquence
il
cbargea MM. de Narbonne et
de Caulaincourt de le représenter au congres
de Prague. 11 était impossible de choisir des
hommes plus sages, plus éclairés, animés de plus
nobles sentiments. En nommant M. de Caulain–
court, Napoléon nourrissait toujours la secrete
espéraoce d'un rapprochement direct avec la
Russie, et d'un traité de paix qui , sacrifiant
l'Allemágne au profit des deux grarids empires
d'Orient et d'Occident, satisfcrait
a
fóis la Russie et
Ja France, triste paix, qui conviendrait peut-etre
a
l'amour-propre de Napolé'on, mais uullemcnt
aux inlérets vrais de son empire
!
Bien que ce
fut
pcu probable,
a
en juger sculement par le
choix de M. d'Anstett, Napoléon n'en désespérait
pas tout
a
fait, et c'était meme le seul cas ou il
vouhlt négocier sérieusement. M. de Caulain–
court, objet de ces illusions, ne les partageait
point. Cet excellent citoyen , esprit profondé–
ment sensé, avait la vertu peu commune, en
aimant fort
a
plaire ' de s'exposer
a
déplaire
pour dire la vérité, et était ainsi le modele rare
du courtisan honnete homme, qui compte pour
rien les faveurs de cour, meme les plus désirées,
quand
il
s'agit d'épargner ' une faute au prince–
et un malheur au .pays.' 11 avait <lit
a
Napoléon
qu'une espece de paix astucieuse, obtenue de la
défection des uns envers les autres, n'était plus
a
espérer dans l'état de forte cohésion auquel
les divers cabinets étaient parvenus , que la
Russie ne se laisserait plus détachcr de
l'
Autri–
chc, que
la
faveur dont il avait personnellement
joui aupres de l'empereur Alexandre n'y servi–
rait de rien, que les concessions demandées par
l'.A.utriche étaient le seul moyen d'arriver
a
une
paix honorable, que cette paix était indispensa–
ble, qu'il suppliait qu'on ne l'envoyat pas
a
Prague avec les mains liées, pour
y
éprouver la
douleur de voir passer inutilement devant lui
l'occasion de servir et de sauver sa patl'ie. 11
était meme alié jusqu'a déc!arer
que,
sans une
latitude suffisante,
il
n'accepterait pas la mission
qui luí était destinée. Napoléon, qui avait bcsoin
du nom de
l\f.
de Caulaincourt pour couvrir du
respect que ce nom inspirait une négociution
simulée, luí avait promis des pouvoirs étendus,
et l'illustre négociateur, comptant sur cette pro–
messe, s'était soumis
a
la volonté de son maitre.
Ces deux choix, universellement approuvés,
produisirent a Prague une impression qui corri–
geait quelque peu le mauvais effet de nos éter–
neis retards. Bien qu'on fUt au 16 juillet, et qu'il
ne restat plus que trente jours pour négocier,
tout pouvait eLre sauvé néanmoins meme
a
cette
heure, lorsqu,'un fücheux incident vint fournir
a
Napoléon le prétexte spécieux qu'il cherchait
pour perdre encore du temps.
I!
y
avait
a
Neu–
markt des commissaires des diverses .parties
belligérantes, réunis en commission permanente
pour le reglcment quotidien de ce qui concernait
l'exécution de l'armistice. Lorsque le commis-