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LIVRE QUARANTE-NEUVJEI\JE.
coté de Vittoria, re<;ut en plein le choc de la
cavalerie anglaise. l\Iais avcc les dragons de
Digeon, de Tilly, de Mermet,
il
la contint, et
pm·vint
a
protéger la retraite de son corps d'ar–
mée jusqu'it Betono. En cet endroit se trouvait
un bois; on s'y enfoni;a, ce qui permit de par–
courir en súreté une partic du chemin qui
menait
a
la route de Pampelune en tournant
dcrriere Vittoria. l\lais au sortir du bois on
aperi;ut un gros corps de cavalerie qui nous
nttendait. Le général Reille le
fit
charger par le
5e
de hussnrds et le 1
!>
0
de dragons, puis
marcha en bate vers le village d'Arbulo. La
cavalerie ennemie nous y poursuivit
a
outrancc.
Le général Reille, avec les
2e
léger et
56e
de lignc
de la hrigade Fririon, se forma en avant de ce
village, pour donncr au reste de son corps
d'armée le temps de défiler. Assailli par les
nombreux escadrons des Anglais,
il
les rcc;ut en
carré et couvrit le terrain de leurs morts. Toutes
ses troupes ayant défilé, il traversa lui-rneme
le village, et gagna ainsi sain et sauf la route
de Salvatierra, oú se précipitaient confusément
les divcrs corps de notre armée et toute la
queue du vaste convoi que nous avions conduit
avec tant de peine de Madrid
tl
Vittoria.
Nous avions eu dans celte fatale journée envi–
ron 5 mille
mort~
ou blcssés, et les Anglais
a
peu pres autant. :Mais en soldats de corvée, en
fuyards, en valets d'arméc, on nous avait pris
1,l':iOO
ou 1 ,800 hommes. Nous laissions en outre
a
l'ennemi 200 bouches
a
feu, non pas perdues en
ligne, rnais abandonnécs faute d'une route con–
venable pour les faire passer, plus 400 caissons
et un nombre infini de voiturcs de bagagcs.
Joseph n'avait pas meme sauvé sn proprc
voi~
ture qui contenait tous ses papicrs.
On se demandera naturellement ou était en
ce moment le général Clausel avec les 1
ñ
millc
hommes qu'il aurait pu amencr, ce que faisait
sur le revcrs des rnonts le général Foy qui ,
renforcé de plusieurs pelitcs garnisons et du
général .Maucune, avait , lui aussi ,
HS
mille hom–
mes dont la préscncc aurait été si utile daos Ja
faLale plaine de Viltoria. Ces 30 mille hommes,
joints aux ?52 ou
l':i4
mille de Joseph, formant
t'énorme masse de plus de 80 mille combaltants,
auraient pu accablcr les Anglais et les rcjeter
en Portugal; et alors quclle dilTérencc, non–
seulement pour les affaires de la Péninsule, mais
de l'Europc entiere, car les Anglais, qui cxer–
ctaieot en Allemagne une si grande influeuce sur
les résolutioos des coalisés, s'ils avaient conc;u
quelques craintes pour leur armée de la P'énin–
sule, auraient ccrtainement facilité les négocia–
tions, jusqu'a rencontrer peut-etre sur la limite
des concessions possibles l'orgueil meme de
Napoléon ! 1\'lais cette fois, comme tant d'autres,
ce n'était ni le nombre, ni la vaillance, ni le
dévouement qui avaient manqué aux soldats de
l'armée d'Espagne, c'était la direction. Le géné–
ral Foy, qui n'était séparé de Joscph que par la
montagne de Salinas, n'avait re1tu aucun des
avis qu'on lui avait ndressés, et n'avait connu
In présencc de l'arrnée
a
Vittoria que par l'ap–
parition de la division i\foucune
a
la suite du
convoi qu'elle escortait. Si ce mouvcment de la
division 1\faucune cut été ordonné deux jours
plus tót, on aurait pu mcttre Je convoi en sureté,
et ramcncr un renfort de dix
a
douze mille
hommes
a
Vittoria. Quant au général Clauscl ,
des qu'il avnit su la marche des Anglais et la
r clraite de notre arméc, il avait réuni ses divi–
sions en toute h:ite, était arrivé le 20
h
Logroño,
y avait cherché de tous cótés des nouvclles de
Joscph, n'avait trouvé que des habitants ou
fu git.ifs ou silencieux, et personne qui pút ou
voulút lui donner un renseignement. Seulement
il avait rencontré des agents anglais faisant
préparer des vivres, et d'aprcs plusicurs vestigcs
recueillis sur la route,
il
avait été conduit
a
penser que l'armée franc;aise s'était portée de
Miranda sur Vittoria. Le
21,
il s'était décidé a
s'avancer par Penacurada jusque sur Je revers
de la Sierra de Andia, pour voir s'il pourrait,
a
travers cette sierra, tcndre la main a Joseph.
l\1Iais se doutant avcc raison qu'il avait entre
Joseph et lui I'armée anglaise, sans savoir ni
mi,·
ni en quel nombre,
il
s'était approché avec pré–
caution, n'avait été joint par aucun des paysans
qu'on lui avait dépechés, et vers la chute
du jour avait fini pal' apprendre qu'on s'était
battu toutc la journée, hélas, saos résultat
heurcux
!
Le
22
au matin, voulant connaitre la
vérité entiere , et
:1
tout prix tacher de rejoindre
l'armée franc;aise pour lui porter secours , il
avait eu la hardiesse de gravir la Sierra de Andia
et de jcter un regard sur la plafne de Vittoria.
Des sornrnets de cette sierra il avait vu notre
immense désastre, et séparé de Joseph par les
Anglais victorieux,
il
n'avait du songer qu'a son
propre salut. Sans se troublcr,
il
avait regagné
les bords de l'Ebre, l'avait descendu jusqu'a
Logroñ o, et ayant toujours entre Joseph et lui
les Anglais qui nous poursuivaient en Navarre,
il
avait pris la résolution , l'une
de~
plus sages et