DRESDE ET VITTOIUA. -
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l'avoir tiré deNaples, ou ce princeavaitune tache
appropriée
a
son caraclere et
a
ses talcnts, ou
il
rcndait un petit peuple heureux en étant heu–
reux lui-meme, Napoléon l'avait transporté en
Espagne presque sans le consulter, l'avait lancé
dans une guerre effroyable , l'y avait aidé un
moment de toutes ses forces, puis, au milieu des.
préoccupations de la gucrre d'Aulriche en '1809,
de celle de Russie en 1812, l'avait laissé saos
sccours, sans argent, exposé
a
la hainc de ses
sujets,
a
la désobéissance, quclquefois meme
a
l'arrogance des généraux, n'avait voulu écouter
aucun de ses avis, presque tous justifiées par
l'événemcnt, et pour toute réponse n'avait cessé
de se moquer de ses prétentions militaircs et de
ses inreurs, moqueries qui, de la cour de France,
avaient rctenti jusqu'au milieu de la cour d'Espa–
gne, et avaient encore contribué
a
la déconsidé–
ration de la royauté nouvelle. Et pourtant Napo–
léon aimaitsa famille; mais, gaté par un pouvoir
sa ns bornes,
il
ne tenait pas plus compte des
droits de ses freres que de eeux des peuplcs, et
disposait d'eux comme d'instruments inanimés,
jusqu'au jour ou
il
devait trouver les peuples
révoltés, et ses freres eux-memes presque en état
de défection.
Ses traitements envers Joseph furent extre–
mement rigoureux. - J'ai trop longtemps com–
promis mes affail'es pour des imbéciles, écrivit-il
a
l'archichancelier Cambacércs, au ministre de
la guerre, au ministre de la police; et, apres ce
pTéambule,
il
donna les ordres les plus séveres
et les plus humiliants pour Joseph. Il
fit
d'abord
pour le remplacer en Espagne le choix qui pou–
vait Jui etre le plus désagréable, celui du maré–
chal Soult, qui était en ce moment
a
Dresde,
Napoléon conféra au maréchal Soult le titre de
son lieutenant en Espagne, avcc des pouvoirs
cxtraordinaires, lui ordonna de partir immédia–
tement, de ne rester
a
Paris que douze heures,
de n'y voir que l'archichancelier Cambacéres et
le ministre de la guerrc, et de se rendre ensuitc
a
Bayonne pour y rallier l'armée et tenir
Lctc
aux Anglais. Jusque-la ríen de plus natu rel. JUais
il
enjoignit
a
Joseph de quiltcr l'Espagne sur-lc–
cbamp, luí intcrdit en meme temps de venir
a
Paris, luí pr escrivit de se retirer
a
Morfontaine,
de s'y enfermer, de n'y recevoir personne, char–
gea le prince Carnbacéres de défendre
a
tous les
hauts fonctionnaircs de l'aller visiter, comme si
on avait eu de leur part de généreux mouvc–
ments
a
craindre, et
a
tout"es ces injonctions
il
ajouta celle de le faire arreter si ces ordres étaicnt
enfreints
!
Devenu méfiant
a
l'égard des hom–
mes, dcpuis qu'il avait été obligé de le devenir
a
l'égard de Ja fortune, il voyait partout des tra–
mes pretes
a
se nouer contre la régence de sa
femme, contre l'nutorité de son fils . C'cst pom·
ces motifs qu'il n'avait pas voulu laisscr Je <luc
d'Otrante, le maréchal Soult
a
Paris, et que, sous
divers prétextes,
j]
les tenait sans emploi
a
Dresde. Joscph mécontent
a
Paris, s'y entourant
de mécontents, et peut-etre un jour disputant
la régence
a
Marie-Louise, telles étaient les ima –
ges sinistres qui avaient traversé son esprit irrité,
et qui luí dicterent l'ordre inutilc de faire arre–
tcr son propre frerc. Certes, si Joseph eut été
capable de ces noirs projets,
il
aurait commencé
par lui désobéir en Espagne, et probablement il
lui serait ainsi devenu plus utile qu'en exécutant
servilement des ordres donnés de trop loin,et sous
l'empire de fatales distractions
!
Le simple bon scns
présent sur les licux et exclusivement appliqué
a
son objet, vaut souvent mieux que le génie
absent ou distrai
t
par des entreprises exorbitantes.
Si les événemcnts d'Espagnc, qui allaient ren–
<lre les ennemis de Napoléon plus exigeants,
l'avaient en meme temps rendu plus raisonnable
et plus conciliant, on peut dire qu'un grand mal–
heur füt devenu un grand bien: mais
il
n'en fut
point ainsi. Apres avoir visité Torgau, Wittcn·
berg , l\Iagdebourg, aprcs avoir passé en revuc
les corps qu'iJ voulait inspecter, ordonné les tra –
vaux qu'il avait projctés sur l'Elbe, Napoléon
revint
a
Drcsde, pour y continucr le redoutablc
jeu de perdre du temps, d'arriver au terme de
l'armisticc sans s'etre expliqué sur les conditions
de la. paix, et d'obtenir de la sortc une nouvelle
suspension d'armes en feignant au dernier mo–
ment de n égocier sérieusement. La Prusse et Ja
Russie avaient choisi leurs plénipotentiaires, et
les avaient envoyés
a
Prague, ou ils étaicnt arri–
vés le 11 juillet, par conséquent un jour avant
le lcrme assigné pour la réunion du congres .
Ni l'une ni l'autre de ces puissances n'avait
fa it
les choix éclatants auxquels on s'étai t d'abord
attendu . On avait cru que la Prusse désignerait
le chancelier de Hardenberg, et la Russie
l\'!.
de
Nesselrode. lUais,
a
cause de l'Angleterre, ces
puissances avaient évité de donner
a
ce congres
trop d'éclat; elles avaient voulu y paraitre ame–
nées et mcnée,? par l'Autriche, enn'y faisant figu–
r er aucun personnage qui
füt
l'égal de M. de
l\fetternich. La Prusse avait choisi lH. de Hum–
boldt, nom illustre déja dans la science, ·mais
peu connu encore dans la politique (le plénipo-