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506

L'UNIVERS.

ment révoltante; l'Europe civilisée at–

tendait mieux d'une jeune rP.publique

qui aurait du compter parmi ses pre–

miers devoirs l'abolition de la peine de

mort, surtout en matiere politique.

Nous n'hésitons done pas

a

dire que

J'assentiment donné par Bolívar

a

ces

vengea11ces froidement ordonnérs, est

une tache sur sa vie, tache

i_neffa~able

et qut suflit \

a

elle seule' pour jeter

un vernis facheux sur le caractere de

ce héros du nouveau monde.

Le Pérou se trouva de nouveau

plongé dans la situation la plus déplo–

rable, et l'on put cnindre sérieuse–

ment le retour de l'anarchie. Ces ap–

préhensions devinrent plus vives et

plus générales, quand on apprit que

Boli1•ar avait résolu pour la seconde

fois de quitter le pays. JI avait annoncé

son dépa rt pour Je 3 aout' et cette

nouvelle avait répandu !'alarme parmi

les classes aisées de Ja capitale, car

elles redoutaient les orages po)JUlaires

qui éclateraient

néce~sairnment

a

cette

occasion. Les partisans d'un

gouver–

nement fort

llren t tous leurs efforts

pour décider le di ctateur

a

revenir sur

sa détermination, et userent de toute

leur influ ence su r les massrs pour ob–

tenir leur coopération. Sí l'on

en

croit

les journaux de Lima, dont la véracité

pourrait'

~

la rigueur' etre révoquée

en doute, les autorités muoicip11l es,

J'armée, le clergé, tous les corps cons–

titués, les femmes les plus respecta–

bles de la capitale , les paysans des

provinces, tous, d'u11 commun accord,

. par voie de députati ons ou de pétitions,

supplierent le Li bérateur, dans

les

termes

les

plus servilement adulateurs,

de rester au milieu d'eux; suivant les

memes jourrwux, qua11d · Bolívar eut

cédé a.ces flatteuses importunités ' la

ville retentit de bruyantes ncclama–

tions, les cloches des égl ises, mises

tout a coup en branle' firent entendre

toute la nuit de jo_veux carillons, et un

bal magnifique termina cette série de

démonstrations. Nous ne savons jus–

qu'a quel point on peut considerer

comme sinceres des manifestations

provoquées et préparées par les cour–

tisans et les familiers de Bolívar; ce

qu'i l

y

a de certain, c'est que Ja con–

duite du Libérateur dans ces conjonc–

tures, ces adieux au Pérou deux fois

annoncés et deux · fois ajournés, ce

départ résolu

a

deux reprises et

a

deux

reprises contremandé, sont de nature

a évPilJer t;lanS )'esprit de !'historien

impartial le

soup~on

d'hygocrisie, sur–

tout s'il fait entrer dans la ba lance la

comédie jouée par les flatteurs du bé–

ros et l'exagération signi.ficative des

sentiments populaires. S'i l est vrai,

comme l'affirme

l\l.

Miller, que. les ac–

teurs les plus zélés et les plus utiles

de cette comédie ' aient été largement

récompensés, il ne peut rester le moin–

dre doute sur le véritable role qu'on

doit attribuer

a

Bolivar dans cette es·

pece de parade, indigne d'un homme

aussi haut placé par ses antécédents

et par sa réputation. Ajoutons, comme

argument non moins puissant, que,

des le

lendemain

du jour ou le Libé–

rateur

consent.it

a

se laisser faire vio–

lence , le collége electoral de la pro–

vince et celui de la capitale résolurent

d'adoptei: la constitution bolivienne

et de proclamer Bolivar président

a

vie. Cet exemple, q11i faisait espérer

au dictateur le triomphe de ses plus

cheres préoccupations, fut bientot

sui vi par les colléges des autres pro–

vinces; celui de Tara paca

fit

srul ex–

ception. La menace de quitter le pays

réussit merveilleusement, comme on

voit,

a

Bolívar; elle lui valut ce que

)'active propagande de ses amís n'avait

pu obtmir du peuple péruvien , l'ac–

ceptation sans condition d'une charte

dont les bases avaient d'abord paru

peu conformes aux principes d'un gou–

vernement démocratique.

Ce

fut

dans ces entrefaites que le

Libérateur recut la nouvelle de trou–

bles graves gu·i avaient éclaté dans

fa

Colombie, troubles occasionnés pa-r la

désobéissance du général Paez a l'au–

torité du gouver11ement central. Ju–

geant avec rai.son que sa présence était

nécessa ire sur le théiltre de ces désor·

dres , il quitta le Pérou et se rendit

immédiatement

a

Bogota, laissant le

géoéral Santa-Cruz

a

Ja tete du gou-

vernement.

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