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L'UNIVERS.
tions et Ja formation d'un congres qui
se réunit a Lima le 24 juin. La charte
antirépublicaine de Bolivar fut dédai–
gneusement répudiée, et le généra"l La
:Mar fut élu président de la république,
avec don Manuel Salazar
y
Baquijano
pour vice-président. Suivant M. l\1iller,
la nomin.ation de La Mar
causa unesatisfaction générale et fut univers.el–
Iement considérée comme un événe–
ment des plus heureux. Le Pérou étai t
done perdu pour Bolivar. On a ac–
cusé les Péruviens d'ingratitude; mais
quand on considere l'obstination dé–
raisonnable avec laquelle le Libérateur
chercha
a
foire adopter sa constitution
aristocratique, si
l'on tient compte
surtout de la résistance qu'il ne cessa
d'opposer
a
ceux qui réclamaient l'é–
loignement des troupes boliviennes ,
on reconnaitra que ce fut en grande
partie par sa faute qu'il perdit l'affec–
tion des populations péruviennes. Si
l'on fait aussi la part de la fougue po–
pulaire qu'aucun obstacle n'arrétait
plus, depuis le départ de sohlats étran–
gers, on s'expliquera la brusquerie, et
meme l'espéce de brutalité avec Ia–
quelle Bolivar fut dépouillé de son au–
torité supreme et presque relégué au
rang des ennemis du Pérou. Pour qui–
conque a étudié les vicissitudes des
révolutions , cet événement n'a. rien
que de naturel.
Le nouveau président ne répctndit
pás a toutes les espérances que sa no–
ruir\ation avait fait concevoir. Trop ex–
clusivement préoccupé de son désir de
concilier tous les partis, il preta une
oreille CQmplaisante
il
certains brouil–
lons politiques qui lui conseillaient de
prendre une attitude militaire formi–
dable, afin d'intimider la Colombie et
de prévenir ses usurpations. Au Iieu
de ré<luire l'effectif de l'armée active,
ce qui aurait singulierement diminué
les charges publiques, il le porta a
12,000 hommes; or, les revenus de
l'État se trouvant alors insuffisants
pour la solde et l'en tretien d'un aussi
grand nombre de troupes, il fallut
avoir recours a <les augmentations suc–
cessi ves d'impots, et meme
il
des ex–
torsions qui appauvrirent les contri-
buables et porterent un coup funeste
a
la popularité du général La Mar.
Cet accroissement de forces militai–
res n'était que le prélude indispensa–
ble d'un événement plus important.
Les rapports du Pérou et de la Co–
lombie étaient devenus si équivoques,
qu'il était facile de prévoir une rup–
ture prochaine. La guerre fut déclarée;
elle le fut par les Péruviens et avec
des circonstances qui aggravaient leurs
torts. Dans une proclamation furi–
bonde, datée de Tambo-Grande, 12
octobre 1828, La Mar
s'effor~a
de re–
jeter tous les torts, et surtout celui de
l'agression, sur Boli-var ; il l'appelait
l'ennemi juré
de
l'indépendance pé–
ruvienne; le contempteur des droits
de la nation; le seul homme qui vou–
lút imposer le despotisrne aux Arné–
ricains.
"Le général Bolívar, ajoutait
le président, en s'adressant
a
ses sol–
dats, a osé nous déclarer la guerre ,
et sa priisence sur les frontieres a été
le signal de la lutte. Vous vaincrez les
esclaves insolents qui l'accompagnent
dans cette entreprise fratricide; vous
vengerez les outrages faits
a
votre
bonneur; vous punirez les inrnltes
prodiguées
a
la république. " Un pa–
reil langage était déja coupable vis-a–
vis de l'homme qui avait donné l'in–
dépendance au Pérou; il l'était dou- ·
blement dans la bouche du successeur
de Bolivar, du premier magistrat d'une
nation. Répréhensible par la forme,
cette déclaration d'hostilités l'étaitbien
autrement par ses motifs. Le gouver–
nement péruvi en accusait la Colombie
de s'etre liguée avec la république de
Bolivie pour envahir le Pérou, et rien
ne justifiait cette grave imputation.
C'était, au contraire, l'armée péru–
vienne qui avait occupé le territoire
bolivien , alors que le général Sucre
se bornait a prendre des mesures de
précaution a peu pres insignifiantes.
Le véritable mobile de la conduite de
La Mar était le désir de
s'empar~r
de
Guayaquil et d'en faire un port péru–
vien; \'Oila la cause secrete de la guerre.
Quant a la Colombie, son principal grief
était le non - payement des 3,595,000
dollars que lui devait le Pérou pour