a9s
L'UNIVERS.
n'existait qu'une seule ville, les pro–
gres de )'esprit ont dt1 litre non-seu–
Iement tres-lents, mais encore essen–
tiellement bornés.
Ce défaut de centres d'activité avait
un autre
effe~
qui lui·merne inDuait
sur la marche de la société péruvienne
dans les voies de la civilisation : c'est
qu'il était un obstacle au commerce.
La oú existent de grandes villes, les
brsoias des citadins, qui sont tout
a
fait autres que ceux des agriculteurs,
amenent un échange de produits ou
de valeurs, qui, en rapprochant les
hommes, favorise singuliérement le
progres intellectuel aussi bien que les ·
améliorations h1atérielles. L'industrie
cherche des procédés nouveaux qui
augmentent la masse de ses produits
et les améliorent en rneme temps; l'a-
.griculture, de son coté, s'efforce d'ob–
tenir de la terre des richesses plus
llbondantes et plus recherchées des
consommateurs. Une beureuse ému–
lation s'établit et se propage parmi
les citoyens de toutes les classes; la
prospérité publique s'accroit, et le
. bien-etre des individus augmente dans
une proportiorl égale. La, áu contraire,
ou les bommes, éparpillés, ont tous
a
peu pres les memes besoins' qu'ils
satisfoht fo eilement chacun da¡¡s sa
sphére parnculiere, le cornmerce, privé
d'excitation, reste complétement nul,
' et ses résaltats, si désirables, sont per–
dus pour la nation. Tandis que les
villes du Mexique avaient leurs mar-
. chés réguliers ou abondaient les ob–
jets d'échange, au Pérou la singu liere
division de la propriété et l'éparpille–
ment des citoyens rendaient ces réu–
nions périodiques inutiles et préve–
naient l'essor de toute activité com–
merciale. Vn autre elfet de cct état
de choses, c'était de restreindre
lel>
hesoins des membres de la commu–
nauté aux nécessités de
l'existence
anímale; par conséquent, de rendre
superDus les efforts de l'imagination
et du génie, enfin de dispenser les
citoyens de toute éducation
indus–
trielle, de
toute initiation sérieuse
aux choses qui sont du domaine de
l'art et de l'mvention. Aussi, ne d!J-
vons-nous pas nous étonner d'appren–
dre que chaque Péruvien
exer~ait
in–
distinctement toutes les professions.
Les artistés occupés aax ouvrages les
plus délicats et les plus rec11erchés
formaient seuls un ordre séparé. De
cette absence presque complete de
spécialité, résultait naturellement une
médiocrité générale et un ajourne–
ment indéfini des perfectionnements
dont le génie humain est susceptible.
Un trait caractéristique de la civili–
sation péruvienn,e, c'est la mollesse
incurable
dans
laquelle
!'extreme
adoucissement des mreurs et l'in–
fluence des institutions avaient plongé
la nation tout entiere. Les
Pé~uviens
ont
toujours été destitués d'esprit
militaire. Malgré les expéditions guer–
rieres que les histori r ns racontent
a
la gloire de leurs Incas, il est incon–
testable que ce peuple ne
s'e~t
jamais
distingué par son humeur belliqueuse.
Les Mexicains et
les
indigenes de
l'Amérique centrale ont résistéavec
énergie, mais sans su ccés, aux Espa–
gnols. L c¡s Péruviens, au contraire,
se sont laissé subjuguer presque sans
défense. Dans une ou deux circons–
tances seulement ils ont prouvé qu'ils
ne méritaient pas, absolument parlant,
le reproche de Jacheté que leur ont
adres_sé plusieurs observateurs pessi–
mistes.
Si, a tous ces détails de mreurs,
de caractére et d'habitude, on ajoute
quelques traits de barbarie tout
a
fait
signilicatifs, tels que les sacrifices bu–
mains sur la tombe de l'empereur, et
l'usage de manger la viande et le pois–
son entiérement crus, on ,reconnaltra
que la société péru vienne offrai t, sous la
dynastie des enfants du soleil, le plui;
bizarre mélange de bons et de mau ·
vais
résultats, d'institutions civili–
satrices et de lois pernicieuses, de
sagesse et d'imprévoyance, de pbé–
noménes dignes d'admiration
et
de
faits accusateurs; ensemble hétéro–
géne qui prouve que les efforts des
législateurs du Pérou n'avaient pro–
duit, en définitive, qu'un état social
tres-imparfait et pleiri de. contrastes
cboquants. .