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VUNIVERS.
de l'incubation. Ces lles elles-memes
étaient partagées entre les difterentes
provinces. Les plus grandes étaient
affectées a la fertilisation de deux ou
trois départements; on entourait de
limites facilement reconnaissables
chaque portion concédée, afin qu'une
province n'empiétat point sur la part
de sa voisine. Le partage du fumier
se faisait ensuite entre les membres
de la communauté, et J'on y procédait
avec une justice si rigoureuse, que
tout indiv1du qui, abusant de la .con–
fiance du distributeur, se faisait don–
ner une portion plus considérable, au
détriment d'un autre, étai t puni de
rnort, cbatiment hors de proportion
avec le délit, mais qui s'accordait avec
le caractere général de la législation
péruvienne. Les lndiens se servaient
aussi, pour engraisser leurs terres, des
petits poissons qu'a certaines époques
de l'année, la mer jetait en masses
innombrables sur les rivages du Pé–
rou.
Ces moyens d'irrigation et de ferti–
lisation parurent s1 ingénieux aux
conquénants, qu'ils les adopterent et
contiuuerent a s'en servir pendant
plusiem:s siecles. lis conser.verent
plusieurs aes aqueducs construits du
temps des 1neas, et en firent d'autres
sur le meme modele. La tiente des
oiseaux de mel' fut aussi soigneuse–
ment reeueillie que du temps des sou–
verains indigenes. Ulloa parle de la
quantité presque incroyable qui s'en
trouve dan_s les petites tles qui bor–
dent le littoral
(*).
L'usage de la charrue étant inconnu
aux Péruviens, ils travaillaient la terre
avec une espece de beche faite d'un
bois tres-dur
(º).
Ce travail n'étant
pas considéré comme assez humi–
liant pour etre exclusivement aban–
donné aux femmes , les hommes s'y
livraieot également ; les Incas don–
naient l'exemple en cultivant de leurs
propres mains un cbamp situé pres de
Cuzco, et, dit Garcilasso de la Véga,
ils honoraient ce labeur en l'appelant
(•) Ulloa,
Voyage en Amérique.
(••) Au¡;uslin
de Zarate.
leur triomphe sur
la
terre,
c'est-a–
dire, sans doute, leur action la plus
glorieµse.
Le bétail était réparti, comme les
terres, entre les membres de la com–
munauté. Les pasteurs conduisaient
les troupeaux de llamas et d'alpacas
dans les lieux qui leur sont le plus
favorables, en les ·séparant par sexes,
afin d'éviter les accidents. lls n'em–
ployaient que les mii!es des llamas
comme beles de somme, et traitai ent
ces animaux avec - une grande dou–
ceur.
• Ces détails seraient sans doute
dé–
placés dans le tableau d'une cil'ilisation
plus parfaite; mais quand il s'agit
d'un peuple qu'on serait tenté de
soup~onner
d'imprévoyance, comme
peuvent l'etre toutes les nations
a
peu pres barbares et ignorantes, on
ne saurait etre trop explicite.
La supériorité des Péruviens dans
la construction des maisons et des
édifices publics est incontestable. Dans
les plaines immenses du littora l, ou
regne un climat exll'emement doux,
et ou le ciel est toujours d'une admi–
rable pureté, leurs demeures pou–
vaient, sans le moindre inconvénient;
etre Iégeres et mal
el
oses ; ils se con.
tentaient de petites huttes arrondies
en dome, couvertes de branchages et
de terre, mode de construction encore
en usage aujourd'hui parmi les
In–
diens de cette contrée. Daos les par–
ties plus élevées, et surtout dans la
région montagneuse, ou les pluies
sont fréguentes et ou le froid se fait
quelquefüis vivement sentir, les babi–
tations devaient etre et étaient en effet
plus solidement baties. La forme en
était oriiinairement carrée. Les murs,
hauts de sept ou huit pieds, étaient
faits de briques durcies au soleil. La
maison était privée de fenerres, et la
porte d'entrée était étroite et basse.
Cette construction si simple, et dans
laquelle entraicnt des matériaux si
grossiers, éta it cependant si solide,
qu'un asscz granel nombre· de ces
batiments se sont conservés jusqu'auf
temps modernes, tandis qu'il ne sub·
siste daos tout le reste de l'Améri-