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L'UNIVERS.
compter sur son prochain et
a
ne faire
d'efforts individuels que pour se pro:
curer le strict nécessaire, d'éteindre
dans son creur toute étincelle d'am–
bition, et par conséquent de paralyser
en luí toute initiative, tout élan de
génie. C'est le propre du régime de
la communauté d'accoutumer le ci–
toyen
a
une certaine médiocrité résul–
tant de l'acquisition facile des moyens
d'existence, et de le priver de ces dé–
sirs de progres qui font accomplir les
grandes chqses et menent aux grandes
inventions. Un peuple
a
demi civilisé
peut s'accommoder du systeme de la
communauté, et
rester
volontiers
courbé sous le nivea u qu' il impose
a
l'intelligence de l'individu; mais une
ilation active et éclairée ne se rési·
gnera jamais
a
une organisation qui
a pour effet inévitable de tuer toute
spontanéité, toute ambition,
toute
grande pensée. Les pbilosophes qui
ont revé l'u topie de la vie en com–
mun, ont tous oublié ou dédaigné
cette considération qui, pourtant, est
toute puissante au point de vue so–
cial.
Du reste, et comme aggravation de
ces conséquences. le regime de Ja
communauté coincidaiJ;, au Pécou,
,avec une inégal ité de conditions tout
a
fait en contradiction avec la ten–
dance fraternell e de certaines lois . La
distinction des rangs était absolue.
·Un grand nombre de citoyens étaient
tenus, sous le nom de
Yanaconas,
daos l'état de servitude. Leurs habil–
lements et leurs maisons étaient d'une
forme differente de celle des demeures
et des vetements des hommes libres.
Comme les
Tamemes
du l\lexique, ils
étaient employés
a
porter des far–
deaux et
a
exécuter les travaux les
plus pénibles
(*).
Au-dessus d'eux
étaient le$ hommes libres qui n'exer–
~aient
aucune fonction publique et
n'étaient revetus d'aucune dignité hé–
réditaire. Ensuite venaient ceux que
les Espagnols out, par la suite, nommés
Orqjones
(H),
a
cause de la longueur
(') Herrera,
JJecad.
,{••) Herrera, ibid.
qu'ils donnaient artificiellement
a
leurs
oreillcs. Ces derniers composaient la
classe noble, et remplissaient tous les
emplois, en temps de pa¡x comme en
temps de guerre. Enfin, a la tete de la
nation, étaient les Incas, enfants du so–
leil, dominant autant les Orejones par
leur naissance et leurs priviléges, que
les Orejones eux-memes étaient
a11-
dessus des autres citoyens. On voit
qu'apres tout, l'é,galité n'existait, au
Pérou, qu'entre
les
individus de la
classe inférieure, et que la loi avait
établi une distance énorme entre les
différentes classes de la société. A
chaque pas que l'on fait dans l'étude
de cette curieuse législation, on ren–
contre des contrastes frappants, des
anomalies étranges et des contradic–
tions choquantes, en un mot, tous les
inconvéni ents d'un gouvernement de
droit divin, et tous les avantages d'une
organisation élaborée par des souve–
rains amis de leurs sujets.
La forme de société adoptée par
les Péru1
1
i1ms, impuissante a civiliser
complétement cette nation, avuit fa.
vorisé
ju qu'a un certain point le
progres des arts. Mais on va voir que
la limite du perfectionnement ne dé–
pa ssai~
pas ce niveau peu élevé sous
lequel se développe la vie matérielle
avec quelques-uns de ses avantages les
plus vulgaires. Les Mexicains, qui n'é–
t11ient pas soumis au meme régime so–
cial, avaient mar.cbé plus rapidement
daos la civilisation, et les produits de
Ieurs arts industriels prouverent ·aux
conquérants Pspagnols que leurs con–
naissances étaient plus variées et plus
étendues que celles des
Péruvien~.
-
Toutefois, il faut le dire, ces derniers
étaient plus avancés en tout ce qui
concerne les arts les plus nécessaires.
L'agriculture, par exemple, était
mieux entendue et plus perfectionnée
au Pérou que dans toute nutre partie
de I' Amériquc. Les approvisionne–
ments de toute es pece étaient si
abondants dans tout{lS
les provinces
de l'empire des Incas, que les Espa–
gnols' dans leur marche a travers
ce vaste territoire, trouverent partout
des vivres, et ne furent jamais expo·