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L'UNIVERS.
et toujours dansant, jusqu'au milieu
de la place ou était !'Inca. lis cban–
tai ent tour
a
tour' et leurs chants ca–
dencés avaient pour sujet invariable
l'éloge du monarque , de
SE'S
prédéces–
seurs, et des autres princes du sang
royal qui avaient acquis une glorieuse
célébrité. Les Incas qui se trouvaient
présents chantaient aussi , et meme
J'empereur, pour rendre les tetes plus
solennelles, daignait quelquefois dan–
ser avec ses parents et ses sujets; in–
signe honneur que les spectateurs pri–
saient au plus haut degré. Ce fut, dit–
on, cette espece de danse impériale
qui suggéra a Hnayna Capac l'idée de
faire fabriquer cette fameuse chaine
d'or que nous avons déja en occasion
de mPntionner. Cet Inca jugea qu'il
serait plus convenable et plus digne de
l'éclat du trone de tenir une chalne
d'or en dansant·que de se prendre la
main. On prétend que cette chalue
s'étendait d'un bout a l'autre de la
grande place de Cuzco, ou se célé–
braient les tetes principales.
La musique a,_vait son tour dans les
réjou issances publiques ou privétis;
mais cet art participait, chez les Pé–
i-uviens, de la monotonie de !¡¡ danse.
L'instrument Je J>lus u ité etait com–
posé de quatre ou cinq tuyaux de ro–
seaux juxtaposés, comme dans ce qu'on
appelle la Oüte de Pan. Chaque tuyau
produisait un son différent, et d'apres
ce que disent les historiens, il est vrai–
.semblable que les exécutants ne s'at–
tachaient a rendre aucune de ces com–
binaisons qui charment une ·oreille
civilisée et qui sont devenues la base
de l'art musical. Ajoutons que les Pé–
ruviens ne connaissaient pas les demi–
tons. ·Les hauts fon ctionnaires de la
cour et les plus émioents personnage¡;
de l'État apprena:ient a jouer de quel–
gue iostrument, pour faire partie de
fa
musique de l'Inca. ·La ,fli1te péru–
vienne rendait quatre óu éinq
son~
différents, mais on ne s'appliqual.t pas
a combioer ces sons de maniere
a
for–
mer un cbant avec ses di verses parties
d'accompagnement. Ils chantaient des
poésies rimées dont le sujet était tou–
j
ours les douleurs ou les plaisirs de
l'amour. Cbaque chanson avait son air
spécial;
il
n'y en avait pas deux qui
fussent ajustées a la mérne musique.
Un ah1ant qui donnait une sérenade
a
sa maitresse exprimait les mouve–
ments de son creur
a
l'aide de sa fltlte;
par la diversité du ton ou du mouve–
ment , par la gravité ou la vivacité du
rhythme, il indiquait la joie ou la Lris–
tessc de son ame. Voici un exemple de
chanson péruvienne rapporté par Gar–
cilasso de la Véga :
" N'entendez - vous pas cette fltlte
dont mon amant joue sur la colline?
11 m'appel!e avec tant de passion, que
je ne pu is rés ister
a
ces tendres accents;
Jaissez-moi done, je vous en conjure,
car l'impétuosité de mon amour m'en–
tra!oc vers lui;
il
faut que je sois sa
femme et qu'il soit mon époux.
»
Les Péruviens n'accompagnaient
pas des sons de la fltlte leurs faits d'ar–
mes et leurs actions rclatantes; ils ré–
servaient d'aus i nobles sujets pour
lenrs fetes solennelles.
Celles de leur chansons qui étaient
destinées
a
glorifier les hienfaits du
soleil et les vertus e.les Incas , étairnt
toutes compo ées sur le mot
hailly,
qui signifie
triomplte
dans la
lan~ue
générale du Pé ·ou. Aux chant d'ailé–
grrsse par lesq\lels ils célébraient la
fete de l'ap;riculture, ils melaient les
mots les plus familiers et les plus
agréabfes aux gens de guerre et aux.
:;imants fideles , et ils en faisaient une
application ingénieuse aux travaux de
la terre. Le mot
hailly
revenait
a
la
fin de chaque couplet, et ils le répé–
taient longtemps en cadence , afio de
s'encourager au travail. Les femmes
chantaient aussi et faisaient chorus _
avec les hommes pour répéter le mot
sacramente!.
. L'air et le rhythme de ces chansons
péruviennes parurent, dit-on, si agréa–
bles au maltre de cha pelle de la catbé–
drale de
Cuico,
qu'en
1551,
il s'en
servit pour colllposer un
rnotet
sur
l'orgue en l'houneur du saint sacre–
ment. Des cbanteurs espagnols, in–
dfons et métis, répondaierit en chreur
aux paroles latines, et les Péruviens
étaient charmés de voir les étrangers